Dernière chance pour la nation

L'élection «provinciale» sera plébiscitaire

Pour éviter la folklorisation d'un peuple

Chronique de Jean-Pierre Bonhomme

Il y a quelques jours le magazine The Economist a lancé contre le Québec, en ayant l’air de rien, deux bonnes bombes incendiaires dans le parterre international. Deux bombes pour détruire à tout jamais cette méchante volonté des Québécois de s’identifier comme peuple bien caractérisé sur la scène mondiale.

C’est la première fois qu’un grand magazine – en ce cas bien anglo-saxon – prend en compte une idée nationale d’ici pour la répudier bien clairement. Qu’ont-ils ces Québécois à vouloir faire nation à part? Ils n’ont qu’à s’intégrer, comme le font les immigrants qui se fondent allègrement dans le magma des USA ou dans la soupe plus claire de l’Ontario!

Car c’est bien de cela dont il s’agit… Les deux peuples anglo-saxons d’Amérique du Nord ne peuvent concevoir qu’une famille humaine comme la nôtre ne partage pas l’entièreté de la culture ambiante et ne se fonde pas en elle volontairement. Les Américains, comme on dit, ne sont-ils pas des Européens qui ont oublié leur culture d’origine… et la cuisine qui va avec? Et les Britanniques, lorsqu’ils sont ensemble et qu’ils forment au moins un trio ne se constituent-ils pas en «clubs privés» exclusifs?

Pour bien faire ressortir l’ombre de ces Québécois «qui se souviennent encore un peu de leurs origines», et qui par conséquent ne comptent pas, The Economist commence par publier deux lettres de lecteurs vivant au Québec. Ceux-ci, de culture anglaise, vont jusqu’à dire que le Québec est devenu un «Quebeckistan», donc une dictature qui se complait à adopter des lois répressives à l’égard des immigrants et des pauvres businessmen anglos «qui ne peuvent plus conduire leurs affaires en anglais». Bien pire ces Québécois n’ont d’intéressantes politiques sociales que parce que celles-ci sont payées avec de l’argent du gouvernement fédéral canadien…
A l’intérieur du magazine, par ailleurs, les rédacteurs, dans un long article, font passer les Québécois comme des gens qui répandent le poison d’une lutte contre le bon multicuturalisme canadien…. Pas un mot de sympathie pour notre désir de vivre collectivement!

Si le débat sur la loi 60 projette le Québec sur la scène mondiale c’est bien parce que le sujet est important et vital et qu’il dérange les dominants. Derrière les réprimandes du Barreau du Québec – qui ne voit pas plus loin que le bout du nez des lois – il y a un enjeu identitaire. Le Québec formera-t-il une communauté qui se souvient de ses origines françaises et communautaristes, ou deviendra-t-il une simple congrégation de consommateurs comme aux États-Unis et, pour une large part, comme en Ontario?

L’élection prochaine au Québec, qui arrive dans un moment, sera à mon avis bel et bien plébiscitaire. Elle dira si les Québécois veulent rester eux-mêmes, comme les Mexicains le sont restés, de peine et de misère, mais avantageusement, depuis leur accession à l’indépendance.

Derrière cette question des symboles religieux – qui n’est en somme qu’une modeste mesure administrative – il y a la volonté de conserver un esprit commun composé d’expériences collectives intéressantes et qui comprennent une certaine proportion, peut-être pas majoritaire, de coutumes héritées des contrées normandes, bretonnes et picardes et qui donne du piquant – et de l’ouverture à l’existence. Sans compter l’esprit fort répandu, d’une certaine latinité ouverte, réfléchie et amie du plaisir.

Les Québécois pourront rejeter cette façon de voir la vie et de s’organiser collectivement ; ils pourront se voir comme des gens pratiques et rejeter les protagonistes de la loi sur la laïcité ; ils ne voudront peut-être pas être des «idéalistes» comme l’auteur de ces lignes. Mais s’ils choisissent l’affranchissement, l’affirmation identitaire et la survie nationale il y aura des conséquences immédiates. Il sera alors possible de réaliser ce qu’un certain Mario Beaulieu, ( un ex-ministre du Québec ) a proposé en 1971, soit l’établissement, ici, d’un régime présidentiel. Dans son livre intitulé «LA VICTOIRE DU QUÉBEC» publié chez Leméac, et tombé dans l’oubli, - comme bien de nos idées-clef - il proposait, en se présentant à la direction de l’Union Nationale, tout un programme libérateur qui aurait pu se réaliser, selon lui, sans défaire tout le Canada.

La prochaine élection, me semble-t-il, sera une sorte de référendum déguisé sur l’affranchissement national, un affranchissement où il sera plus facile pour les peureux de digérer leur OUI ! Mais ce sera plus que cela. Ce sera un pare-feu contre la folklorisation de notre peuple, un processus qui n’est pas loin d’être engagé… Devenir une certaine Louisiane, c’est bien cela qui nous guette si la peur de l’affranchissement gagne en fin de course et que les «gens pratiques» l’emportent. Je ne nous le souhaite pas!

M. Beaulieu - feu M. Beaulieu – n’a pas eu de succès. Le Québec n’a pas – n’aura pas? – son régime présidentiel «cette formule d’un régime présidentiel, débarrassé de symboles d’un autre âge, disait-il, qui correspond davantage à un Québec moderne et ambitieux».

Si on l’avait écouté nous n’aurions pas vu ces images désolantes : celles des membres de notre conseil des ministres québécois qu’on nous a montrées sur l’internet récemment, où les élus sont en train de prêter serment d’allégeance, un à un, à côté d’une première ministre un peu matrone mal à l’aise, à un monarque d’ailleurs.


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    18 mars 2014

    Cher Jean-Pierre,
    Excellente analyse, comme d'habitude.
    Les Anglo-Saxons, comme aimait dire de Gaulle, se croient supérieurs aux autres, et l'Histoire leur a souvent donné raison. Mais pas toujours. Tous les peuples qu'ils ont colonisés ont refusé de s'assimiler complètement, sauf rares exceptions individuelles, et si ils ont gardé ce qui en valait la peine (l'anglais, la common law, le christianisme bien compris, le parlementarisme, le whisky...) ils ont insisté pour retenir ce qui faisait d'eux des nations à part entière. Les Anglo-Saxons ont tenté de les traiter de petites tribus ethniques arriérées, ces peuples ont persévéré: les Irlandais demeurent l'exemple le plus éloquent.
    Les Hollandais d'Afrique du Sud et les Français du Canada n'ont pas échappé à ce mépris colonisateur. Rien d'étonnant: tout colonisateur doit mépriser son colonisé sinon c'est la remise en question de sa propre existence. Ça mène à la psychose. Depuis 1960, nous avons cessé d'être des Canadiens-français pour devenir des Québécois. Notre affirmation collective s'est accentuée. Il y a bien eu des Daniel Johnson jr, des John Charest et des Philippe Couillard pour tenter de jouer les rois-nègres, mais cette engeance a toujours existé. Le colonisé qui a honte de l'être peut ou bien travailler à la libération de son peuple, ou bien nier être colonisé en s'assimilant au colonisateur. La deuxième option est plus facile, et combien plus payante. Demandez à Couillard ce qu'il est allé faire en Arabie Saoudite. Du bénévolat peut-être?
    Allons, pas de découragement, que les Patriotes continuent leur combat
    pour la libération de la Patrie. Le fiel des colonisateurs et de leurs mignons
    (Barbara Kay dans le nNational Post: http://fullcomment.nationalpost.com/2014/03/18/barbara-kay-pq-drops-the-mask-from-its-bigotry) devrait nous inspirer. Quand ces gens viendront nous déclarer leur amour, on saura à quoi s'attendre.