On entend parfois des gens dire : « À la retraite, je vais me reposer, j’ai travaillé toute ma vie, il est temps que je ne fasse rien, en tous cas rien qui demande des efforts... » Pour certains, la retraite doit se limiter à l’hyper-consommation et au repos. Je ne partage pas cette description du projet idéal de retraite. Je crois que ce qui donne du sens à la vie, ce sont, entre autres, les efforts que l’on fait pour réaliser des choses et pour changer ce qu’on croit qui doit être changé, même si on est retraité. Je ne plaide pas pour le masochisme et pour la recherche de la souffrance : je mets de l’avant que la retraite doit également être un temps d’action et de réalisation. En fait, je me sens de l’école de Foglia.
Dans le passionnant livre de Marc-François Bernier, Foglia l’insolent (édito-Gallimard, 2015, 383 pp.), l’auteur rapporte que pour l’ex-chroniqueur de La Presse, il faut revenir à une éthique de l’effort : que ce soit à l’école (il fustige ceux qui se fichent de soigner leur orthographe et qui plaident pour une pédagogie de la facilité), que ce soit dans les sports (les sportifs de salon...), que ce soit dans la culture (il se désole de ceux qui refusent de faire un effort pour saisir une oeuvre un tant soit peu complexe), etc. Ce faisant, Foglia ne se situe pas du côté des conservateurs ou des nostalgiques qui veulent un retour à l’école de leur enfance, avec des maîtres imbécilement répressifs et une religion contrôlante. Il se situe plutôt du côté des philosophes les plus exigeants qui croient que c’est l’effort qui donne sa dignité à l’homme. Comme on sait, Foglia est un grand moraliste, une espèce malheureusement menacée (voir chapitre 8 du livre).
« L’effort est accompagné d’une souffrance comme une offrande. Comme une réponse aussi à une époque molle (1993), poursuit (Foglia), en suggérant implicitement des vertus menacées d’extinction » (p. 195).
« Il est tout à fait conscient du gouffre qui existe entre lui et un grand nombre de ses lecteurs (...). Il incarne une culture de la fatigue, de la solitude, de l’intériorisation, des entraînements si longs qu’ils deviennent la vie même. Une culture de l’effort qui dure, qui creuse, je ne sais plus qui a dit que le marathon est le plus court chemin vers soi-même (une longue randonnée à vélo aussi) » (1999) (p. 196).
La culture dominante de nos sociétés néo-libérales valorise la passivité, le farniente permanent, la surconsommation, les loisirs débilitants qui fuient les questions et les réflexions. Dans cet univers, s’agissant des retraités, le bénévolat, le militantisme, le sport qui demande un effort, les cours universitaires ou autres, la réécriture incessante d’un texte, etc. n’ont pas leur place. Or, ce me semble, les aînés ont besoin de mener une vie de dignité.
Terminons sur cette note : j’ai remarqué qu’on savoure davantage nos loisirs relaxants, comme retraité, quand ils sont précédés d’un effort (comme aidant naturel, bénévole, militant, sportif, etc.). S’il fallait n’avoir que des loisirs passifs, les apprécierions-nous aussi intensément ? S’il fallait n’avoir que des choses faciles à faire, ne deviendrions-nous pas blasés ?
P.S. Je ne parle évidement pas dans cette capsule des retraités mort socialement. Voir Réflexions sur la « mort sociale » de certains retraités :
http://www.chronijacques.qc.ca/2011/04/reflexions-sur-la-mort-sociale/
Je m’inquiète des aînés qui auraient les moyens de s’activer, de se grouiller les côtelettes, et qui ne le font pas.
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