Si les intentions de vote exprimées par les Québécois lors de récents sondages se concrétisent lors des élections générales le 1er octobre prochain, l’échiquier politique de la province pourrait être redessiné d’une manière inédite depuis la fin des années 1960.
S’il y a une chose sur laquelle les Québécois s’accordent depuis un demi-siècle, c’est d’accorder systématiquement leur confiance aux libéraux fédéralistes ou aux péquistes souverainistes. Or, à six mois de l’échéance électorale, une troisième voie, soit celle de la Coalition avenir Québec (CAQ) de François Legault, caracole en tête des sondages.
Des coups de sonde effectués dans les dernières semaines ont révélé que la CAQ aurait pu former un gouvernement minoritaire ou encore obtenir une mince majorité si les élections s’étaient tenues le jour où les Québécois ont été interrogés.
Les libéraux détiennent les rênes du pouvoir depuis 2003, à l’exception près d’une brève période de 19 mois pendant laquelle les péquistes ont dirigé la province en formant un gouvernement minoritaire de septembre 2012 à avril 2014. Le Parti libéral craint aujourd’hui une lassitude des électeurs québécois à son endroit.
Le Parti québécois de Jean-François Lisée, troisième dans les intentions de vote, se démène pour attirer l’attention en se positionnant comme l’apôtre de l’État-providence.
Mais le budget déposé mardi par les libéraux pourrait brouiller les cartes en donnant une erre d’aller aux libéraux. Le PQ pourrait encore surprendre. Et la CAQ est vulnérable en raison de sa rhétorique nationaliste.
La fin de la dichotomie PQ-PLQ ?
La CAQ mise grandement sur la solution de rechange à la dichotomie PQ-PLQ qu’elle offre aux Québécois pour charmer l’électorat.
Le parti n’a pas encore effectué de nombreuses propositions concrètes, mais on sait que François Legault souhaite encourager l’entrepreneurship, réduire les taxes et la taille de l’État et faire en sorte que le Québec cesse de recevoir des paiements de péréquation des provinces plus fortunées.
La CAQ a également dans sa besace quelques positions plus controversées, telles que réduire le nombre d’immigrants admis annuellement dans la province de 10 000 et obliger les nouveaux arrivants à passer un test de langue et un test de valeurs.
À la mi-mars, le ministre des Finances Carlos Leitão a donné un aperçu aux électeurs des dérapes possibles au cours de la prochaine campagne en accusant la CAQ de propager un nationalisme ethnique, causant la furie du camp Legault.
Une mince ligne pour les péquistes
Philippe Fournier, un astrophysicien qui propose un modèle statistique de projection électorale sur le blogue Qc125.com, croit que le vote péquiste est efficace.
Mais l’appui au parti est étalé sur de nombreuses circonscriptions, créant une arme à double tranchant, mentionne-t-il.
« Si le PQ perd deux ou trois points de pourcentage, jusqu’à 19 pour cent, il pourrait ne remporter que cinq ou six sièges et être presque complètement radié de la carte », explique M. Fournier.
« Mais si le vote péquiste atteint 25 pour cent, le parti pourrait s’en tirer avec 30 sièges ou plus — c’est vraiment une très fine ligne. »
La marge de manoeuvre est donc ténue pour le Parti québécois qui pourrait faire campagne sur les conséquences de l’austérité libérale.
Un budget pour « rêver »
Les libéraux de Philippe Couillard ont plongé tête première dans le printemps en déposant un quatrième budget équilibré consécutif — un budget qui réduit le fardeau fiscal des entreprises et qui s’attaque à la dette de la province.
« Nous avons fait exactement ce que nous avons dit que nous ferions », a souligné M. Couillard, faisant ainsi référence aux promesses effectuées pendant la campagne électorale de 2014.
Les libéraux sont en voie de réaliser l’objectif fixé, cette année-là, de créer 250 000 emplois sur cinq ans.
« Nous avons maintenant les moyens de rêver », a dit M. Couillard, le lendemain du dépôt du budget, en parlant des surplus dégagés par le gouvernement après la période d’austérité imposée au début de son règne.
Faire rêver les électeurs pour éviter de commettre les mêmes erreurs que Denis Coderre lors de la récente campagne à la mairie de Montréal ? M. Coderre détenait lui aussi un bilan fort enviable et se mesurait à un parti qui n’avait jamais pris le pouvoir.