On apprenait la semaine dernière que le déficit du gouvernement du Québec s’était élevé à 675 millions de dollars pour le premier trimestre de l’exercice financier en cours. Rappelons-nous que le budget déposé en avril prévoit l’atteinte de l’équilibre budgétaire, soit l’absence de déficit pour l’année 2015-2016. Le resserrement volontaire des dépenses (la fameuse « rigueur budgétaire » tant vantée par le gouvernement Couillard) n’a donc pas suffi à compenser le fait qu’entre avril et juin, les revenus autonomes du gouvernement n’ont augmenté que de 3,8%, plutôt que les 5,1% initialement prévus.
Si vous suivez assidûment le travail de l’IRIS, vous savez que nous ne ratons pas une occasion de rappeler que, règle générale, les mesures d’austérité budgétaire contribuent à la stagnation économique en privant l’économie d’un important moteur de la croissance, soit les investissements publics et, incidemment, entraînent une diminution des revenus de l’État. Se crée ainsi un cercle vicieux, où la baisse des revenus creusant les déficits, le gouvernement y voit une justification pour appliquer de nouvelles compressions budgétaires qui privent une fois de plus l’économie de fonds publics pourtant bénéfiques du point de vue de sa croissance.
Or, Statistique Canada confirmait début septembre que le pays était en récession technique, ce qui veut dire que le produit intérieur brut (PIB) a reculé au cours des deux premiers trimestres de l’année. Un tel ralentissement signifie que les entreprises engrangent moins de revenus. Conséquemment, la part d’impôt qu’elles versent au gouvernement s’en trouve affectée. Le recul de la rémunération des salariés conduit aussi à une baisse de l’impôt payé par les particuliers au gouvernement, tandis que la diminution des dépenses des ménages a un effet sur les revenus qu’il perçoit sous forme de taxes. Bref, tout indique que le ralentissement économique des derniers mois est responsable de l’incapacité du gouvernement à ne pas faire de déficit dans le premier quart de l’année, puisqu’il a grevé la capacité du gouvernement de percevoir des revenus à la hauteur de ses dépenses.
Que le ministre des Finances aille de l’avant avec l’objectif de déficit zéro malgré les conditions économiques actuelles a de quoi étonner. Sitôt élu, Carlos Leitao avait pourtant mis en doute la possibilité d’atteindre l’équilibre budgétaire pour 2015-2016 après avoir constaté la faiblesse des revenus gouvernementaux. Quelques mois plus tard, il avait aussi relativisé la promesse de son parti de créer 250 000 en cinq ans face au constat que, malgré la reprise économique, l’emploi ne progressait pas dans la province. Actuellement, le ministre des Finances reconnaît même que la croissance économique pour 2015 sera très certainement en-deçà du 2% prévu depuis quelques mois par son gouvernement, donc que le contexte ne sera pas propice à l’atteinte du déficit zéro. Pourquoi alors s’entêter ?
Avant de faire le saut en politique, M. Leitão avait été classé en 2008 par Bloomberg News comme deuxième meilleur économiste pour la qualité de ses prévisions économiques, dans un palmarès qui comparait 126 professionnels des quatre coins de la planète. Ce serait donc en toute connaissance de cause que cet économiste chevronné, dont toute la carrière s’est déroulée dans le secteur bancaire, nous entraîne dans la tortueuse voie de l’austérité. Si le ministre des Finances, qui semble bien au fait de la dynamique de l’austérité-stagnation, garde le cap sur le déficit zéro, c’est peut-être que l’objectif recherché n’est pas l’équilibre entre les dépenses et les revenus ou la croissance économique pour tous et toutes. En revanche, les effets délétères de cette politique budgétaire sur la qualité et l’accessibilité des services publics nous porte à croire qu’il s’agit d’un choix délibéré à l’encontre de l’intérêt d’une majorité de la population
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