Depuis deux semaines, un argumentaire douteux est véhiculé en faveur d'un vote stratégique. Il faudrait voter PQ pour bloquer les libéraux ou, pire, la CAQ. On blâme les gens qui «divisent le vote». Appuyer Québec solidaire ou Option nationale serait une faute morale: celle de laisser passer un candidat caquiste ou libéral.
Grosso modo, l'argument se résume ainsi: il ne faudrait pas voter avec son coeur, mais plutôt avec sa raison. Le PQ finalement près du pouvoir, ses principaux adversaires étant de droite, on devrait cesser sa critique et se rallier.
Or, les gens qui ont le coeur à QS ou ON ont tout autant sinon plus de «raisons stratégiques» d'appuyer leur formation.
Les joutes politiques ne se règlent pas à la faveur d'une seule élection. À court terme, le PQ est sans doute «moins pire» que la CAQ ou les libéraux. Et, certes, un gouvernement minoritaire péquiste avec QS et ON ayant la balance du pouvoir paraît un moindre mal.
Mais regardons à moyen et à long terme et avouons une vérité que tout le monde tait: la montée de QS et d'ON dépend totalement de la défaite du PQ. Où, en effet, ces deux partis pourraient faire le plein de voix si ce n'est au détriment du PQ?
La terrible vérité est la suivante: sur le vrai plan «stratégique», celui des rapports de force, pour que QS ou ON puisse un jour faire élire plusieurs députés, il faut que le PQ se discrédite, implose, voire disparaisse.
Dans un futur rapproché, cette possibilité est loin d'être invraisemblable. Peu de gens en parlent, mais le PQ joue quasiment son avenir politique lors de cette élection. Une défaite en serait une quatrième consécutive. Son nombre de membres baisse constamment, mais surtout, la jeunesse le délaisse. Pour le prouver, il suffit de voir la quantité importante de jeunes qui ont soudainement joint ON ou encore de penser au fait que la plupart des étudiants grévistes voteront pour QS. Léo Bureau-Blouin est une exception. Il n'y a pratiquement plus de relève engagée au PQ.
Ce parti qui est si régulièrement au bord de l'implosion, qui mange ses chefs, qui passe son temps à s'entredéchirer sur des stratégies référendaires, finira bien un jour par s'autodétruire. Or de nouvelles élections ne seront pas si lointaines tant il semble évident que le prochain gouvernement sera minoritaire. Si l'implosion ne survient pas après une défaite le 4 septembre, elle aura lieu à la suivante, avec le chef qui remplacera Mme Marois.
De l'autre côté, la montée de QS et de ON est très envisageable. Les dirigeants du PQ le savent mieux que quiconque: encore deux défaites, et QS ou ON - ou, mieux, un parti issu de leur fusion - aura des chances réalistes de devenir le vrai grand parti souverainiste de gauche. Nous pourrons alors enfin espérer une réforme du mode de scrutin, la réalisation d'une vision écologiste globale et responsable, une souveraineté ne se fondant pas sur la discrimination, des politiques véritables de lutte à la pauvreté, etc..
La «raison» qui émet ce calcul n'est-elle pas aussi forte, sinon plus, que celle appelant à voter PQ? Si on croit vraiment dans les valeurs et les principes que véhiculent QS ou ON, si on veut un jour les voir au pouvoir, alors on peut voter avec le coeur autant qu'avec la raison, et répondre au pseudo-argumentaire péquiste par: «Je vote stratégique, donc je vote QS ou ON».
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