Texte publié dans Le Soleil du mercredi 5 septembre 2007 sous le titre "L'ACDI des petits copains"
Vous savez ce que l'on trouve dans la page d'accueil du site de l'ACDI? La photo de la ministre conservatrice Bev Oda et de l'information sur l'entreprise guerrière du Canada en Afghanistan. L'ACDI est devenue un faire-valoir du gouvernement Harper. Le prétendu développement se fait selon les intérêts des puissantes pétrolières et les priorités du gouvernement américain. Rien à voir avec la compassion et le désir sincère de faire sa part pour que le monde soit meilleur.
Nous savons tous très bien que le Canada ne mettra pas fin au terrorisme islamique en canardant quelques talibans. En fait, le Canada s'expose davantage au danger du terrorisme en agissant comme il le fait. Nous savons aussi que l'Afghanistan est situé dans une région où le Canada a peu d'influence et où d'autres puissances, comme l'URSS, se sont déjà cassé les dents. Nous savons que le Canada n'a pas l'appui de la population afghane. Nous savons qu'il existe d'autres moyens d'aider les Afghans et que d'autres pays sont mieux placés que le Canada pour lui venir en aide, notamment les pays musulmans. Nous savons que, pour avoir des chances de pacifier l'Afghanistan, l'OTAN devrait dépêcher dans la seule province de Kandahar des troupes dix fois plus nombreuses. Nous savons que nos soldats sont fiers, courageux et compétents et qu'ils ne méritent certainement pas que nous les envoyions se sacrifier en vain. M. Harper, vous qui êtes si bon apôtre, dirait Boris Vian, prenez donc le fusil vous-même.
Chaque fois qu'on me parle de l'Afghanistan, c'est un autre pays qui me vient à l'esprit. Aux portes de l'opulence croupissent dans la misère huit-millions de Haïtiens, avec un revenu annuel par habitant de quatre-cents dollars et une espérance de vie de 50 ans. Allez dans le site web de l'ACDI et cherchez-y ce que fait l'État fédéral pour favoriser le développement de Haïti. Vous n'y trouverez pas grand-chose. Haïti ne fait pas partie des «pays partenaires du développement» de l'ACDI. La GRC y a formé quelques policiers. Pour le reste, que les Haïtiens se débrouillent! Haïti est le cadet des soucis de M. Harper.
En février 2009, le Canada aura dépensé semble-t-il six-milliards de dollars en Afghanistan sur quelques années. Un milliard pour creuser des puits et cinq milliards pour faire des trous de bombe. Vous imaginez-vous ce que la fondation Paul Gérin-Lajoie et Oxfam Québec pourraient réaliser à Haïti avec seulement le dixième de cet argent? En 2004, Oxfam Québec avait recueilli 650 000 $ pour venir en aide aux victimes des inondations, et c'était considéré comme une grosse somme. Le Canada aurait les moyens de sortir Haïti de la misère avec une aide soutenue sur plusieurs décennies, mais M. Harper préfère son pétrole, ses gros canons et son copain Bush.
J'invite les Québécois à réfléchir sérieusement à ce qu'ils sont en train de faire en Afghanistan avec M. Harper et à ce qu'ils pourraient faire à Haïti pour faire avancer l'humanité. Je les invite à en parler à Luck Merville, à Dany Laferrière et aux dizaines de milliers d'autres membres de la diaspora haïtienne qui ont choisi de vivre au Québec. Ne vaudrait-il pas mieux que les Québécois prennent leur destin en main, rapatrient leurs valeureux soldats sous le fleurdelisé et tendent la main à leurs soeurs et leurs frères d'Haïti?
Bernard Desgagné

Gatineau