La visite en Inde du premier ministre canadien Justin Trudeau était marquée mardi, au troisième jour de son déplacement, par les spéculations de la presse sur l’accueil froid qui lui est réservé par New Delhi.
Médias indiens et canadiens soutiennent que le gouvernement de Narendra Modi est offusqué par ce qu’il perçoit comme une sympathie de l’administration Trudeau pour le séparatisme sikh – ce que nie le gouvernement canadien.
Les sikhs constituent une importante communauté d’un demi-million de personnes au Canada, au sein de laquelle existe un soutien au mouvement du Khalistan. Ce dernier réclame l’indépendance de la région indienne du Pendjab (nord), terre du sikhisme, et y a mené une féroce insurrection, finalement écrasée dans les années 1990.
«La question du Khalistan, qui a rafraîchi les relations Inde-Canada durant trois décennies depuis 1980, est revenue à la surface, ôtant le gros de la chaleur» de la visite, notait mardi le quotidien indien The Hindu.
Si une source officielle indienne a démenti toute mésentente, les observateurs n’ont pas manqué de remarquer des petits signes protocolaires.
À son arrivée à New Delhi ce week-end, Justin Trudeau a été reçu à l’aéroport par un ministre de second rang, tranchant avec l’accueil personnel et affectueux qu’a réservé Narendra Modi à plusieurs chefs d’État ou de gouvernement ces derniers mois.
L’homme fort de l’Inde n’a pas davantage accompagné le dirigeant canadien dans son État du Gujarat (ouest) ni ne lui a tweeté la bienvenue devant ses 40 millions d’abonnés, comme il le fait habituellement.
À titre de comparaison, le nationaliste hindou avait accompagné sur toute une partie de son voyage le premier ministre israélien le mois dernier.
Benjamin Netanyahu avait également été reçu au Taj Mahal par le ministre en chef du grand État d’Uttar Pradesh, Yogi Adityanath, alors que seuls des responsables de district attendaient son homologue canadien.
New Delhi reproche à Ottawa de soutenir les groupes séparatistes pendjabis actifs sur son sol, bien que le ministre canadien de la Défense, Harjit Sajjan – sikh lui-même – l’a publiquement démenti.
Les quatre ministres indo-canadiens du gouvernement Trudeau sont d’origine sikhe.
Le premier ministre libéral est attentif à cette communauté électoralement importante. L’année dernière, il a assisté à une parade où avaient notamment été glorifiés des rebelles sikhs tués dans le siège du temple d’Or en 1984, déclenchant des protestations indiennes.
Cette opération militaire contre le lieu saint du sikhisme avait entraîné l’assassinat de la première ministre indienne de l’époque, Indira Gandhi.
Après avoir rencontré des hommes d’affaires mardi à Bombay, Justin Trudeau se rendra mercredi au temple d’Or à Amritsar (nord). Il rencontrera enfin Narendra Modi vendredi à New Delhi.