En ce 16 octobre, 45e anniversaire de la Proclamation de la Loi des mesures de guerre, et à la veille d’une élection qui risque de porter au pouvoir le fils de P.E. Trudeau, qui fit emprisonner plus de 500 Québécoises et Québécois, il est nécessaire d’examiner à quelle enseigne loge l’héritier.
Dans son livre Justin Trudeau, l’héritier (VLB éditeur), Hughette Young rappelle que, déjà, aux funérailles de son père, le 3 octobre 2000, Justin avait livré un discours dans lequel il faisait siennes « les convictions fondamentales de son père quant au ‘‘ caractère sacré de l’individu’’ » avec son corollaire, la négation des droits collectifs des Québécois, que Justin a résumé ainsi dans son envolée finale : « Il quitta la politique en 1984, mais il revint pour Meech, il revint pour Charlottetown », deux Accords honnis à cause de leur reconnaissance, bien que minimale, des droits du Québec.
Dix ans auparavant, quelques mois après l’échec de l’Accord du Lac Meech, Justin avait porté le flambeau du camp fédéraliste au Collège Brébeuf, lors d’une mini-campagne référendaire organisée dans les cégeps québécois.
Il avait déclaré : « On a rejeté l’Accord du Lac Meech parce que c’était un mauvais accord », tout en reconnaissant que « les Québécois sont très capables de réussir dans le monde entier comme État souverain. Mais je crois qu’ils sont encore plus capables de réussir dans le monde entier s’ils ont l’appui du Canada qui les aide ».
Il faut croire que les étudiants de Brébeuf ont surtout retenu la première portion de cette dernière intervention – « Les Québécois sont capables de réussir comme État souverain » – car les souverainistes ont recueilli 63% des suffrages dans ce référendum.
Contre la reconnaissance de la nation québécoise
Justin Trudeau s’est d’abord opposé fermement à la motion de Stephen Harper selon laquelle « les Québécois forment une nation dans un Canada uni ».
Selon lui, la nation québécoise était « une idée du XIXe siècle » et il déclarait, le 15 décembre 2007, dans une entrevue au Nouvelles Parc-Extension : « Toute cette idée d’un statut spécial pour le Québec ou de la reconnaissance du Québec comme société distincte dans la Constitution ou de la reconnaissance des Québécois comme une nation, le problème que j’ai avec cela, c’est que cela crée des divisions, que cela sépare des groupes au sein d’autres groupes. Qui sont les Québécois pour être reconnus comme une nation? »
À l’occasion, il peut lui arriver de chercher à séduire les Québécois, comme lorsqu’on l’a entendu dire qu’il pourrait songer « à faire du Québec un pays », si le virage à droite du gouvernement de Stephen Harper sur l’avortement et le mariage gai, par exemple, rendait le Canada méconnaissable.
Mais quand on parle des « vraies affaires », le discours est tout autre. Ainsi, la principale raison invoquée pour exprimer son opposition à une fusion du Parti Libéral avec le NPD est qu’il ne pourrait jamais appuyer l’abrogation de la Loi sur la clarté, « qui faciliterait le démantèlement du pays ».
Signer la Constitution, un « débat du passé »
Pas question, non plus, de rouvrir la Constitution pour y faire adhérer le Québec. Le rapatriement de la Constitution est, selon lui, un « débat du passé » et « ça fait partie des accomplissements qu’on a faits pour créer un meilleur pays tous ensemble dans le passé ».
Il affirme que le Québec avait « choisi » de ne pas signer la Constitution parce que la province avait un premier ministre souverainiste à l’époque (René Lévesque). Il oublie que tous les gouvernements suivants, tant libéraux que péquistes, ont refusé de signer la Constitution de son père.
Plus tard, il soutiendra, sur les ondes de TVA, ne pas fermer la porte à tout jamais à des discussions constitutionnelles, mais il faudrait que le Québec le demande et que cela « puisse se faire sans créer de divisions »!!!
Contre les écoles francophones au Nouveau-Brunswick
L’héritage de son père dont il est le plus fier est la Charte des droits et libertés et ses dispositions linguistiques, même s’il ne semble pas en avoir compris les subtilités, comme en font foi ses déclarations devant quelques 200 enseignants du primaire au Nouveau-Brunswick, peu après sa première élection à titre de député de la circonscription de Papineau.
À cette occasion, il remettait en question l’existence du système d’écoles francophones et anglophones distinctes : « La ségrégation du français et de l’anglais dans les écoles est quelque chose qui devrait être réévaluée sérieusement. On divise les gens en leur apportant des étiquettes ».
Il a fallu lui rappeler que les écoles bilingues étaient des foyers d’assimilation pour les minorités francophones et que les Acadiens avaient dû lutter, à coups de batailles judiciaires épiques, pour se débarrasser des écoles bilingues et obtenir des écoles entièrement francophones.
Après le « lousy french », la paresse linguistique
PET avait qualifié le français parlé au Québec de « lousy french »; son fils critique la paresse linguistique des Québécois.
En février 2008, devant un auditoire de 400 professeurs à Edmonton, il déclarait : « De s’asseoir et d’attendre à ce que les autres apprennent votre langue n’est pas seulement paresseux, mais en fait, vous vous tirez dans le pied, puisque vous mettez en péril votre habileté à communiquer avec le reste du monde ».
Devant le tollé soulevé par ces propos, il déclarait au journal Le Devoir : « Je trouve qu’une société qui ne promeut pas le bilinguisme fait preuve d’un petit peu de paresse. Mais je n’ai jamais accusé personne de paresse ».
Donc, prenez note que ce ne sont pas les individus qui sont paresseux, mais la société et, de toute évidence, il ne fait pas référence à la société canadienne-anglaise qui – cela est bien connu – fait activement la promotion du bilinguisme coast-to-coast.
Le Québec divise
Une constante dans le discours de Justin Trudeau, le rassembleur, est le facteur de division que constitue le Québec.
Comme nous l’avons vu précédemment, la reconnaissance de la nation québécoise est source de division, tout comme la réouverture de la Constitution.
Mais ce n’est pas tout. Il se montrera favorable au démantèlement du registre des armes d’épaule, parce qu’il a été « une grande source de divisions au Canada ».
Il s’opposera à la Charte sur la laïcité du Parti Québécois, évidemment au nom des droits individuels – « Interdire à une personne de porter un hijab ou une kippa n’est pas compatible avec les valeurs québécoises et canadiennes » – mais il affirmera aussi que la Charte n’a pas sa raison d’être « parce qu’elle divise, qu’elle crée deux catégories de citoyens, ceux qui ont des croyances religieuses, et ceux qui n’en ont pas ».
Soulignons, au passage, qu’il a fait un lien entre l’opposition à la Charte et les batailles autour des droits civiques aux États-Unis dans les années 1960.
Devant le tollé suscité par ses propos, il précisera qu’il n’y a pas de « lien direct » entre le projet de charte et la ségrégation des Noirs aux États-Unis, mais les batailles en faveur de l’ouverture, du respect et de la tolérance sont semblables… On vous laisse apprécier.
Quand Ottawa divise….
Justin Trudeau est le digne héritier de PET en faisant siennes les positions politiques de son père à l’égard du Québec. Mais son attitude est toute autre lorsqu’il s’agit de courtiser l’électorat de l’ouest du pays.
Il ira jusqu’à renier la principale politique économique de son père – la NEP –, en affirmant qu’il « est mauvais d’utiliser nos richesses naturelles pour diviser les Canadiens ».
PET avait fait adopter la Nouvelle politique économique (NEP) dans le but d’approvisionner en pétrole l’industrie manufacturière de l’Ontario et du Québec à un prix inférieur au prix mondial afin de renforcer sa position concurrentielle.
Aujourd’hui, Justin Trudeau s’excuse : « C’était la mauvaise manière de gouverner dans le passé, c’est mauvais aujourd’hui et ce sera mauvais dans l’avenir. Je vous le promets : je n’utiliserai jamais les richesses de l’Ouest comme outil de division afin de gagner des votes dans l’Est ».
Mais, soyez assurés qu’il ne viendra pas à l’esprit de Justin Trudeau de profiter de ce 45e anniversaire de la Proclamation de la Loi des mesures de guerre pour s’excuser de l’emprisonnement par décision de son père de 500 Québécoises et Québécois. Sans doute que cela entraînerait trop de divisions… au Canada anglais!
Note : Toutes les citations sont tirées du livre de Huguette Young, Justin Trudeau, l’héritier (VLB éditeur).
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