Cette annonce a suscité la grogne, et à juste titre. Je parle, bien évidemment, de la volonté d’Ottawa d’acheter l’oléoduc Trans Mountain pour être bien certain que le projet de la pétrolière américaine Kinder Morgan puisse voir le jour. 4,5 milliards de dollars, dont 900 millions venant des contribuables québécois. Aider une pétrolière en finançant à ce point son oléoduc, c’est moche, très moche.
Pourra-t-on compter sur l’opposition officielle au Parlement canadien, d’autant plus que le Parti conservateur clame sur toutes les tribunes sa nouvelle « ouverture au Québec », pour dénoncer le gouvernement Trudeau ? En fait, non.
Vous vous souvenez du fameux oléoduc Énergie Est de TransCanada, officiellement mort à l’automne dernier, qui traversait 860 cours d’eau ?Le chef conservateur Andrew Scheer s’est récemment engagé à travailler à le faire renaître, lors d’une visite au Nouveau-Brunswick. Il fera, dit-il, « tout ce qu’il pourra » pour que ce projet dangereux et sans véritables avantages économiques puisse ressuciter, advenant une victoire de son parti en 2019. Étrangement, les médias québécois n’ont pas jugé bon de reprendre la nouvelle...
Le problème, ce n’est cependant pas Justin Trudeau ou Andrew Scheer. Alors chef du NPD, Thomas Mulcair avait lui aussi salué l’extraction des sables bitumineux, ce pétrole extrêmement sale qui circulera dans le Trans Mountain, et qui serait passé dans Énergie Est (ou passera, si Andrew Scheer remporte son pari...).
Le problème, c’est le Canada, qui mériterait d’être rebaptisé Pétro-Canada. Détenteur de la troisième plus grande réserve de pétrole au monde, le pays s’est transformé en profondeur et repose désormais essentiellement sur l’exploitation des ressources naturelles. Les oléoducs sont nécessaires pour faire sortir le pétrole bitumineux de l’Ouest canadien. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) « prévoit qu’au cours des 25 prochaines années, la production de sables bitumineux au Canada augmentera d’environ 2,5 millions de barils par jour » (la production quotidienne en 2014 était estimée à 2,2 millions de barils).
Une dizaine d’entreprises détient le contrôle de la moitié de la production de sables bitumineux. On peut difficilement compter sur ce cartel pour renoncer au profit au nom de considérations humaines et environnementales.
L’extraction de sables bitumineux, étant l’objet d’investissements faramineux, est soupçonné d’augmenter les de plusieurs millions de tonnes les émissions de gaz à effet de serre, en faisant probablement le pétrole le plus polluant au monde. Il est, par ailleurs, assez choquant de savoir que notre Caisse de dépôt et placement est, jusqu’au cou, dans cette filière...
Le Pétro-Canada est un non-sens total en contexte de lutte aux changements climatiques et de transition énergétique.