Journalistes et policiers

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«Triste détérioration politique et morale dans la société québécoise»






Lorsque des journalistes de terrain révèlent des pratiques illégales et rendent publiques leurs enquêtes, démontrant ainsi par la force des choses les failles des enquêtes policières, doivent-ils s’étonner qu’ils deviennent des compétiteurs aux yeux de la police? Autrement dit, lorsque des journalistes trouvent ce que des policiers n’ont pas été capables de trouver, ils provoquent des réactions hostiles, comme on l’a découvert cette semaine.




La police a des moyens de répression contre ceux qui s’interposent dans son champ d’activités, car n’oublions pas que les journalistes d’enquête sont en quelque sorte la filiale «policière» du journalisme. Certes, ils sont protégés par des lois, mais le système judiciaire a aussi le droit de les contrer. On en veut pour preuve les décisions des juges de paix qui ont autorisé les policiers à lancer des mandats contre nos confrères afin de découvrir leurs sources à l’intérieur des services policiers.




Les journalistes sont une cible dans tous les pays où la démocratie n’existe pas. Par définition, la matière journalistique est séditieuse. Dans nos démocraties, les journalistes ont rarement la cote. Le pouvoir politique s’en méfie, et en général, les lobbys, qu’ils soient puissants ou marginaux, souhaitent les manipuler.




Des frondeurs




Par définition, les journalistes sont des mal-aimés. Ce n’est pas un métier pour ceux qui cherchent d’abord à être aimés. D’ailleurs, les plus coriaces professionnellement parlant sont souvent des frondeurs, des gens sans peur, mais qui doivent être obligatoirement sans reproche.




Les journalistes sont forcément idéalistes. On a pu le constater cette semaine grâce à leurs témoignages bouleversés. Mais l’idéalisme ne doit pas exclure le scepticisme. Le petit reporter Tintin aidé de son chien Milou s’attaque aux dictateurs, aux mafieux de l’époque avec comme seule arme sa houppette blonde. Il triomphe toujours à la fin. Or, les journalistes ne sont pas des Tintin.




Culture de la corruption




Notre démocratie chancelle si ceux qui nous gouvernent se sentent traqués. Le premier ministre Couillard a réagi avec célérité cette fois à l’initiative de l’opposition qui a résisté à faire de la basse politique.




La politicaillerie constitue un frein à la recherche de la vérité. Qui peut revendiquer en politique le monopole de la vertu? Les dernières révélations rapportées jeudi soir dans l’émission Enquête sur la corruption alléguée de certains membres du PLQ, qui se seraient partagé deux millions de dollars en ristournes, nous renvoient encore à une culture de la corruption qui serait inscrite dans l’appareil gouvernemental. La partisanerie politique, si elle entache la nouvelle commission d’enquête, fera échouer l’exercice.




Les journalistes qui abordent ces questions avec un militantisme politique desserviront la cause de la liberté d’expression et de la confidentialité des sources dont ils prétendent être les gardiens.




Si les partis politiques faillissent à leur devoir de s’élever au-dessus de leurs intérêts clientélistes et de leur aveuglement idéologique, ils trahiront les citoyens.




Il n’y a pas que la justice qui doit triompher ici, puisque la vérité historique et la vérité juridique peuvent être contradictoires. Car pour déclarer une personne coupable, il faut qu’en droit on en fasse la preuve.




Pour que le peuple soit rassuré, il faut qu’il y ait un consensus autour de cette triste détérioration politique et morale dans la société québécoise.



 




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