Jean-François Lisée se soumet à l'épreuve des radios de Québec

2904a3c9865c6f21a5f5df75aeb21100

Lisée a un bon début de campagne, même à Québec

Les animateurs de radio de Québec et leurs auditeurs l'attendaient de pied ferme : le chef du Parti québécois (PQ), Jean-François Lisée, s'est livré à un exercice périlleux, mardi, en visitant trois stations de la capitale, où le ton et la durée des entrevues font souvent trembler les politiciens.


« J’ai l’impression que votre campagne a quelque chose de jovialiste… »


« Les familles, les enfants, les familles, les enfants… Ça va-tu être le tour des automobilistes, à un moment donné? »


« Vous le passez où, le maudit tramway, si on ne fait pas de troisième lien? »


Mardi midi, au FM93, les questions sont incisives. Pourtant, les animateurs Myriam Ségal et Luc Lavoie les posent avec un ton dérisoire. L’ambiance est même à la franche rigolade.


« Luc, c’est-tu moi ou on te voit moins à la télé? Qu’est-ce qui se passe? », demande le chef péquiste à son vis-à-vis, forcé de mettre fin à ses apparitions à TVA après avoir accepté de travailler pour Cogeco, propriétaire du FM93. Éclats de rire.


Depuis le début de la campagne, Jean-François Lisée rivalise d’imagination pour amuser ses interlocuteurs – une façon efficace de convaincre, explique-t-il.


« Le fait que je fasse des blagues – Luc me connaît, vous me connaissez un petit peu –, c’est dans ma personnalité. Les sujets sont sérieux, mais je ne me prends pas au sérieux. Et puis, je trouve que l’humour est une façon, souvent, de passer des messages difficiles, puis ça passe mieux. »



L’humour ouvre l’esprit aux conversations.


Jean-François Lisée, chef du Parti québécois


La partie, en effet, est loin d’être gagnée pour le PQ dans la région de Québec. Depuis 2014, le parti n’a plus qu’une seule élue dans la région de la Capitale-Nationale : la députée de Taschereau, Agnès Maltais, qui ne se représente pas, cette année.


La conversation se poursuit à bâtons rompus sur des thèmes chers aux électeurs de Québec : la taille de la fonction publique, l’immigration, la pénurie de main-d’œuvre. Car, dans la région, c’est le plein emploi : le taux de chômage est à 3,8 %, un seuil historiquement bas qui inquiète le maire Labeaume. Il réclame d’ailleurs plus d’immigrants francophones.


« C’est drôle, c’est comme si Régis et moi on faisait de la télépathie, comme si on était en symbiose », se réjouit Jean-François Lisée. « Il a, disons, le cran de dire : on veut de l’immigration francophone. Parce qu’on se rend compte que, quand tu arrives ici et que tu ne parles pas français, c’est bien difficile de t’intégrer. Nous, c’est aussi ce qu’on dit. Et on est les seuls à dire ça. »


Interrogé sur sa politique culturelle, dévoilée quelques heures auparavant, M. Lisée explique qu’il souhaiterait imposer un « prix plancher » pour encadrer la vente de livres neufs. Son but : sauver les petites librairies.


« Pas sûr que je veux ça, moi », lance Myriam Ségal.


« Vous voulez pas ça? Ben nous, on veut ça. C’est correct, on n’a pas besoin d’être unanimes », répond sans broncher l’interviewé.


La discussion prend fin comme elle a commencé, à la fois dans la confrontation et la bonne humeur.


« Ça va donner quoi, le résultat de cette élection-là? Vous allez quand même pas me dire que vous allez former le gouvernement!? », demande Luc Lavoie, caustique.


« Moi, je veux au moins 63 députés [le seuil minimal pour détenir la majorité à l’Assemblée nationale, NDLR]. Mais à 72, j’arrête. Parce qu’après, c’est trop compliqué de gérer le caucus », plaisante-t-il.


Ligne ouverte à Radio X


Direction Grande Allée Ouest, dans les studios de CHOI Radio X, la station qui a valu aux radios de Québec le qualificatif de « radio poubelle ».


Au premier plan, devant les deux péquistes, un employé de la station filtre les appels.M. Lisée et sa candidate dans Taschereau, Diane Lavallée, se prêtant au jeu d'une ligne ouverte dans la case horaire de Jeff Fillion, à CHOI Radio X. Photo : Radio-Canada/Bruno Giguère


Jean-François Lisée n’est pas encore arrivé que Jeff Fillion nous avertit : « Vous allez voir, une heure de radio, ça passe vite ».


Le chef péquiste fait son apparition. L’animateur le plus controversé de la capitale vient lui serrer la main. L’occasion est belle de croquer une image très rare, mais il faut faire vite, car la scène ne durera que quelques secondes.



Car ce n’est pas aujourd’hui que l’animateur et le politicien débattront de leurs idées respectives. Comme elle l’a fait pour tous les autres chefs de parti, la station – rachetée le matin même par Leclerc Communication – a plutôt offert une tribune téléphonique d’une heure à M. Lisée et à sa candidate dans Taschereau, Diane Lavallée. Une heure sans filtre ni publicité pour répondre aux questions des auditeurs. La station s'est même engagée à couper ceux qui oseraient chanter des bêtises aux péquistes.


M. Lisée aurait-il pris le risque de se soumettre aux questions d’un animateur aussi controversé que Jeff Fillion?


« J’y suis allé une couple de fois, à Jeff Fillion, dans le passé. C’est toujours intéressant. Personne ne change de poste au moment où M. Fillion et moi débattons », s’est-il contenté de répondre.


Le chef péquiste, en studio.Jean-François Lisée en entrevue à « Première heure », mardi matin Photo : Radio-Canada/Guillaume Piedboeuf


À Radio-Canada


Plus tôt dans la journée, M. Lisée avait accordé une entrevue plus traditionnelle à Claude Bernatchez, animateur de Première heure pour ICI Radio-Canada Première, la station la plus écoutée dans le marché de Québec.


Interrogé sur la troisième place du PQ dans les sondages nationaux, Jean-François Lisée a insisté sur le fait qu’il souhaitait mener une campagne positive et que, depuis le déclenchement de la campagne électorale, les rassemblements militants, à Sainte-Sophie, Laval, Longueuil et Trois-Rivières, avaient tous fait salle comble.


« C’est un classique, ça, M. Lisée! Tous les candidats nous disent ça tout le temps. Que ce qu’on sent sur le terrain, ce n’est pas ce qu’on voit dans les sondages… », a répliqué M. Bernatchez, manifestement mécontent.


Réponse du chef péquiste : « Les gens qui disent qu’ils vont voter CAQ, c’est pas certain; 40 %, 50 % des Québécois disent qu’il est probable qu’ils changent d’avis durant cette campagne ».


Ainsi, Jean-François Lisée espère que le vent tournera d’ici le 1er octobre. Dans la capitale comme ailleurs, au Québec.