À la veille du référendum écossais, Jean-Martin Aussant a quitté Londres en compagnie de sa famille pour se rendre en avion en Écosse. À Glasgow, au lever du jour, tandis que le résultat du référendum tombait, il a publié ces mots sur les réseaux sociaux : « C’est vraiment beau l’Écosse papa ! » Ce à quoi il a répondu : « Nous sommes au Royaume-Uni mes amours. » Un peu plus tard vendredi, c’est au Devoir qu’il a offert ses premières réactions à la victoire du camp du Non, se faisant prier un peu, insistant sur le fait qu’il était là-bas en famille, d’abord et avant tout à titre privé.
Le référendum écossais fut-il « une leçon de démocratie », comme on l’a écrit tout au long de la campagne ?
Jean-Martin Aussant : Well… Si on considère que le résultat provient de bulletins de vote et non du croisement de mousquets et de baïonnettes, oui. Mais ceux qui incluent dans la définition de démocratie un élément d’information équilibrée y auront vu, ici comme au Québec, une disproportion effarante des grands titres en faveur du Non. Les tactiques de peur auront eu une place immense dans cette campagne. À en croire plusieurs journaux britanniques, c’est l’indépendance écossaise que décrivait l’Apocalypse.
Les sondages laissaient entendre une quasi-égalité des intentions de vote en fin de campagne. C’était sans compter les « indécis » ou les « discrets », plus susceptibles de voter en faveur du statu quo. Est-ce que la clé du verrou de l’avenir est forcément détenue par cette frange d’électeurs ?
Oui, mais cette frange s’appelle la majorité. Il n’y a pas « une » goutte d’eau qui fasse déborder un vase. Il faut toujours bien à un contenant déjà plein d’autres gouttes pour qu’il y ait possibilité de déborder. C’est la même chose au moment d’un vote. Dans le cas présent, il faut déjà des centaines de milliers de voix en faveur d’une option pour qu’une autre voix puisse devenir le « plus un », dans la fameuse règle démocratique du 50 % plus un. Si on veut absolument parler en termes de franges, c’est simplement celle des deux franges du Oui et du Non qui a obtenu le plus de votes qui l’a remporté.
Lors de ce référendum comme dans d’autres, on a vu encore une fois que l’option du Oui à l’indépendance se trouve portée dans une très large mesure par des jeunes et des hommes surtout. Est-ce à dire que, dans ce monde occidental où les jeunes sont de moins en moins nombreux, les changements profonds de ce type risquent de devenir plus rares ? Comment considérer la position des femmes ?
À mon sens, un message clair qui couvre tous les angles d’une cause rejoindra jeunes et moins jeunes, hommes et femmes. En bout de piste, une cause comme celle-ci n’est pas plus ou moins bénéfique qu’on soit l’un ou l’autre. Suffit de l’expliquer clairement. Et de la réexpliquer clairement. Encore et encore. Ultimement, si on a fondamentalement raison quant au bien-fondé de ladite cause, elle finira par porter ses fruits.
Quelle part jouent les médias dans le résultat final, sachant qu’il n’y a pas, par exemple, de journaux locaux, régionaux ou nationaux, anglais ou écossais, qui appuyaient l’indépendance, à l’exception du Sunday Herald ?
Comme dans tout débat politique, ils auront eu un rôle immense à jouer dans les résultats. Tous les arguments étaient disponibles quelque part quand on les cherchait vraiment, mais la diffusion et la répétition de certains d’entre eux, en faveur du Non surtout, étaient omniprésentes.
Dans Two Solitudes, Hugh MacLennan laissait voir ce que le conflit entre francophones et anglophones au Canada pouvait avoir d’universel. Est-ce qu’on peut parler de deux solitudes désormais aussi à l’égard de l’Écosse et de l’Angleterre ?
En matière de langue maternelle (l’anglais) et de contenu culturel (anglo-saxon), la situation écossaise est fort différente de celle du Québec, où la langue commune et le contenu culturel locaux sont distincts de ceux du « reste du pays ». On peut certes parler d’une culture écossaise et d’une société davantage portée sur la social-démocratie en Écosse qu’au Royaume-Uni en général, mais je trouve les cas écossais et québécois somme toute fort différents. Par exemple, je ne pense pas qu’un Québec souverain souhaiterait conserver une monarchie parlementaire avec la reine Élisabeth II comme chef d’État. C’est cependant le cas en Écosse…
La campagne du Non n’a pas été accompagnée de promesses très précises en faveur d’un changement structurel. Pour le premier ministre britannique David Cameron, il suffisait à son sens, tout au long de la campagne ou presque, de « rester ensemble ». En ce sens, est-ce que le non ne conduit pas à un sérieux cul-de-sac pour le pouvoir écossais ?
Au contraire, d’énormes promesses en faveur de changements ont été faites ces derniers jours. Reste à voir ce qui sera vraiment fait, maintenant que le Non l’a remporté.
JEAN-MARTIN AUSSANT À GLASGOW
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