J'imagine que je suis lu par différentes catégories de personnes, jeunes et moins jeunes. C'est surtout aux moins jeunes que je voudrais parler, aujourd'hui, des revendications étudiantes et de leurs moyens d'action car je sens que plusieurs d'entre nous ont oublié ce qui s'est passé quelques décennies auparavant, alors que tout nous semblait possible.
Au siècle passé, dans les années soixante, quinze ou vingt ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, les gens de mon âge, beaucoup, je crois, ceux qu'on a appelé par la suite les baby boomers, nous avons senti le besoin de changer le vieil ordre social qui craquait de toutes parts. Ce mouvement de contestation et de rébellion était global, on le retrouvait en Europe, en Afrique, en Asie, en Amérique latine et aussi plus au nord, aux États-Unis et au Québec.
Cela a pris diverses formes: manifestations de rue, sit-in, grèves, désobéissance civile, émeutes, soulèvements populaires, luttes de guérilla, en ville comme dans les campagnes, guerres de résistance et de libération nationale, ou encore a revêtu les habits du mouvement contre-culturel hippie ou Yippie, avec ses courants musicaux et les drogues plus ou moins douces. On protestait contre l'ordre établi, bien sûr, mais aussi contre le racisme et la ségrégation en Afrique comme aux États-Unis, contre la guerre au Vietnam, contre la pauvreté, le colonialisme, toute forme de hiérarchie désuète. On revendiquait la justice, l'égalité, l'indépendance, la souveraineté, une juste répartition des richesses, etc.
Ces formes de résistance ont affronté, partout, des forces de répression bien organisées. Il y a eu, entre autres, le massacre des étudiants Tlatelolco, dans la ville de Mexico, des assassinats sélectifs, des tortures, des coups d'État et l'instauration de dictatures, des trahisons et des coups de couteau dans le dos, des interventions militaires et des ingérences dans les affaires internes d'autres pays.
Comment expliquer cette gigantesque volonté de changement qui parcourait le monde entier? Dans certains cas, ce fut par nécessité, on n'avait pas le choix, c'était une simple question de survie. Dans d'autres cas, par le besoin de rêver, et il fallait une bonne dose d'utopie, chez les jeunes de l'époque, et je m'inclus dans cette masse contestataire, pour penser renverser tous ces gouvernements autoritaires et convaincre la population de les appuyer. En dehors du Québec, les révolutions ne furent pas nécessairement tranquilles.
On connaît la suite de l'histoire. Il y a eu de belles victoires, et aussi d'amères défaites. Un courant néoconservateur et néolibéral s'est ensuite installé ici et en Europe et on a clamé la fin des idéologies, la fin de l'histoire et la fin des utopies. C'en était apparemment fini de nos rêves. Le coup d'État militaire contre Salvador Allende au Chili, à la tête d'un premier gouvernement socialiste élu démocratiquement, sonna la fin du rêve.
Le libre marché et la privatisation tout azimut ne réussirent cependant pas à combler les attentes et les besoins des populations. La droite commença à essuyer des défaites, même si elle avait la voie libre depuis l'effondrement de l'Union soviétique et le bloc de l'Europe de l'Est. Et de nouveau, on assista ici et là à une résurgence des courants radicaux.
Les revendications des étudiants s'inscrivent tout à fait dans cette mouvance radicale, celle que nous avons connue dans les années soixante, alors que nous voulions prendre le ciel d'assaut. Ils s'opposent à la hausse des frais de scolarité et plaident en même temps en faveur d'une société plus juste et égalitaire. Où est le mal? Au lieu de les condamner et de trouver exagérée leur attitude «d'enfants gâtés», nous devrions les appuyer sans condition. Ils représentent la nouvelle utopie sans laquelle la vie serait un laissez-passer pour la mort.
Ce sont ces futurs travailleurs scolarisés qui vont payer nos retraites, nos soins de santé et qui vont peut-être voir l'utopie triompher, un Québec enfin libre et égalitaire, dirigé par un gouvernement qui ne sera plus la marionnette des grandes corporations nationales et multinationales.
Non à la hausse des frais de scolarité de 75% en 5 ans! Oui à la gratuité scolaire!
J'aime nos étudiants
Non à la hausse des frais de scolarité de 75% en 5 ans! Oui à la gratuité scolaire!
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