Italie : quand la Ligue chasse sur les terres du Mouvement 5 étoiles

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Salvini s'est imposé face au Mouvement cinq étoiles

Il y a un an, le Mouvement 5 étoiles (M5S) remportait une victoire éclatante aux élections législatives en raflant 32,7 % des voix. Grace à une campagne de communication coup de poing principalement axée sur le porte-à-porte, ce parti antisystème s’imposait notamment dans tout le Sud du pays. A Pomigliano d’Arco, une commune industrielle peuplée de 48 000 âmes et située à une quinzaine de kilomètres de Naples, les habitants disaient avoir retrouvé l’espoir. « Nous avons à peine écrit l’histoire ! » s’était d’ailleurs exclamé Luigi Di Maio, le chef politique du mouvement au physique de jeune premier du cinéma en noir et blanc, devant une population en délire. C’était le 4 mars 2018.


Depuis, un an a passé et l’enthousiasme est retombé à Pomigliano d’Arco. On reproche au mouvement de ne pas avoir suffisamment agi pour redresser la situation économique. On accuse Luigi Di Maio, l’enfant du pays, de courber l’échine devant Matteo Salvini, son partenaire gouvernemental et grand patron de la Ligue. Pire encore, certains sont prêts à tourner le dos au M5S et à voter pour son allié qui rêve d’ailleurs de planter ses drapeaux dans cette commune à l’occasion des élections européennes du 26 mai prochain.


« Ici, les gens sont déçus par le Mouvement et ils voient que le programme de Matteo Salvini est basé sur la défense de valeurs sûres comme la santé, le travail, la morale, la famille, la lutte contre le crime organisé. Pour nous, il représente aujourd’hui l’homme fort dont nous avons besoin pour redresser la situation », assure Antonio Costanza. A quelques jours des élections européennes, ce délégué du syndicat de droite UGL, l’Union générale du travail, et ouvrier spécialisé chez Avio Aero, la firme qui produit des moteurs pour le secteur aérospatial située dans la zone industrielle de la ville, se projette déjà dans l’avenir. Un avenir où le M5S n’aurait plus sa place. « La Ligue fera certainement un bon score mais je ne crois pas qu’elle dépassera le Mouvement, tempère Crescenzo Auriemma, socialiste depuis toujours et secrétaire régional de la UILM, le syndicat des métallurgistes. Le M5S est bien implanté sur le territoire notamment au niveau des jeunes, ils ont entendu un jeune homme, Luigi Di Maio, leur concitoyen, leurpromettre de changer les choses, alors ils le suivent sans se rendre compte que ce changement s’appelle en fait récession… »



"Même le revenu de citoyenneté universel ne fonctionne pas, alors les gens se tournent vers la Ligue qui sait parler au ventre des personnes en détresse"


Récession, ce mot pourtant devrait faire peur aux gens de Pomigliano d’Arco car ici le travail et l’argent manquent cruellement. « On sent le malaise s’installer dans la population. Les gens croyaient que le Mouvement aurait inversé rapidement la tendance, or rien n’a vraiment changé en profondeur, même le revenu de citoyenneté universel ne fonctionne pas, alors ils se tournent vers la Ligue qui sait parler au ventre des personnes en détresse » analyse Don Peppino Gambardella. Pour ce prêtre qui gère la paroisse où a grandi Luigi Di Maio, l’avancée de la Ligue ressemble à un mauvais virus qui tente de s’installer au sein d’une société défaillante. « Pour faire levier sur les personnes en plein désarroi social, Matteo Salvini va partout, même dans des communes voisines comme Afragola où la Camorra est très présente et où d’ailleurs même la police ne va pas ! » confie le religieux.


A Pomigliano d’Arco, la Ligue n’a pas encore ouvert de locaux. « Il faudrait être fou à l’ère d’Internet où tout se fait et se défait sur la Toile pour payer un loyer et Matteo Salvini est très fort en matière de réseaux sociaux ! » ironise le syndicaliste Anastasio Nespolino inscrit sur les listes de la UILM. Mais à la veille des européennes, les militants multiplient les rencontres pour tenter de séduire les électeurs du M5S déçus. « On sent déjà le changement dans l’air, les valeurs identitaires de Matteo Salvini commencent à ouvrir une brèche, l’étranger par exemple n’est plus accepté avec le sourire comme avant », déplore Anastasio.


Dans une petite rue située derrière la mairie coincée entre une paroisse et les sièges de deux syndicats, des hommes paressent à la terrasse d’un café. Il fait chaud en cette mi-mai et c’est le weekend. Ce dimanche, la Ligue a organisé un rassemblement dans les jardins de la municipalité pour décrire la nouvelle Europe que Matteo Salvini veut bâtir à partir du 27 mai prochain. « L’ambiance risque d’être chaude, nous allons en découdre. Ici, la Ligue ne passera pas », murmure Massimo, un ouvrier spécialisé dans la métallurgie qui a perdu un œil il y a six ans parce que la machine s’était enrayée. Et qui reprend : « Peut-être que le Mouvement n’a pas fait tout ce qu’il devait, peut-être qu’il n’aurait pas dû s’allier avec la Ligue mais plutôt avec les démocrates qui sont plus proches de nous, même si ils ont détruit le pays du temps où ils étaient au gouvernement. Mais, ce qui est sûr, c’est que dans cinquante ans on parlera du Mouvement dans les livres d’histoire, il faut juste leur laisser du temps. »