Human Rights Watch -
(Beyrouth, 3 août 2006) - Les forces israéliennes ont omis systématiquement de faire la distinction entre les combattants et les civils dans leur campagne militaire contre le Hezbollah au Liban, déclare Human Rights Watch dans un rapport publié ce jour. Le type des attaques observées dans plus de 20 cas ayant fait l'objet d'études par des chercheurs de Human Rights Watch au Liban indique que les ratés de l'armée israélienne ne peuvent pas être considérés comme de simples accidents ni être mis sur le compte des mauvaises pratiques du Hezbollah. Dans certains cas, ces attaques constituent de véritables crimes de guerre.
Le rapport de 50 pages, intitulé “Frappes mortelles: attaques israéliennes indiscriminées contre des civils au Liban,” (Fatal Strikes: Israel's Indiscriminate Attacks Against Civilians in Lebanon) analyse une vingtaine de cas d'attaques aériennes et d'artillerie contre des maisons et des véhicules civils. Sur les 153 victimes civiles mentionnées dans le rapport, 63 sont des enfants. Plus de 500 personnes ont été tuées au Liban par les tirs israéliens depuis le début des combats le 12 juillet, la plupart étant des civils.
“Le type d'attaques menées montre le mépris inquiétant de l'armée israélienne pour les vies des civils libanais,” a déclaré Kenneth Roth, directeur de Human Rights Watch. “Nos recherches montrent que les affirmations d'Israël selon lesquelles les combattants du Hezbollah se cachent parmi les civils n'expliquent pas, et justifient encore moins la guerre aveugle d'Israël.”
Le rapport s'appuie sur des entretiens approfondis avec des victimes et des témoins d'attaques, des visites à certains lieux d'explosions, ainsi que sur des informations obtenues auprès d'hôpitaux, d'organisations humanitaires, de forces de sécurité et d'organismes gouvernementaux. Human Rights Watch a aussi mené ses recherches en Israël, et a évalué les armes utilisées par les Forces de défense israéliennes (FDI).
Les chercheurs de Human Rights Watch ont identifié de nombreux cas où les FDI ont lancé des attaques aériennes et d'artillerie visant des objectifs militaires limités ou douteux ayant engendré un coût civil excessif. Dans beaucoup de cas, les forces israéliennes ont frappé une zone sans cible militaire apparente. Dans certains cas, les forces israéliennes semblent avoir ciblé délibérément des civils.
Par exemple, le 13 juillet, une attaque aérienne israélienne a détruit la maison d'un religieux connu pour être un sympathisant du Hezbollah alors qu'il n'avait, selon toute vraisemblance, pris aucune part active aux hostilités. Même si les FDI le considéraient comme une cible légitime (et Human Rights Watch n'a aucune preuve qu'il l'était), l'attaque l'a tué, lui, sa femme, leurs dix enfants et leur employée domestique sri lankaise.
Le 16 juillet, un avion israélien a tiré sur une maison civile dans le village d'Aitaroun, tuant 11 membres de la famille al-Akhrass, dont sept personnes ayant la double nationalité canadienne libanaise, qui passaient leurs vacances au village au moment où la guerre a commencé. Human Rights Watch s'est entretenu séparément avec trois villageois qui ont tous nié énergiquement que la famille ait eu le moindre lien avec le Hezbollah. Parmi les victimes figuraient des enfants âgés de un, trois, cinq et sept ans.
Le gouvernement israélien tient le Hezbollah pour responsable du coût si élevé de victimes civiles au Liban, soutenant que les combattants du Hezbollah s'étaient cachés avec leurs armes au sein de la population civile. Cependant, dans aucun des cas cités dans le rapport, il n'y a de preuves indiquant que le Hezbollah était actif dans la zone concernée ou à proximité pendant ou avant l'attaque.
“Les combattants du Hezbollah ne doivent pas se cacher derrière les civils - c'est indiscutable - mais l'image propagée par Israël selon laquelle cet écran de protection serait la cause d'un coût aussi élevé en vies humaines civiles est fausse,” a déclaré Roth. “Dans de nombreux cas où il y a eu victimes civiles, Human Rights Watch a determiné que cela ne correspondait pas à des attaques visant des combattants ou des stocks d'armes du Hezbollah parce qu'il n'y avait aucune trace d'une quelconque présence du Hezbollah dans les parages.”
Des déclarations de hauts fonctionnaires et de dirigeants militaires israéliens laissent supposer que les FDI ont gommé la distinction entre les civils et les combattants, soutenant que seuls restent au Sud-Liban les individus associés au Hezbollah, et que donc, tous sont les cibles légitimes d'attaques. Selon le droit international cependant, seuls des civils participant directement aux hostilités perdent leur immunité. Beaucoup de civils n'ont pas pu fuir parce qu'ils sont malades, blessés, qu'ils n'ont pas les moyens de partir ou fournissent des services essentiels aux civils.
De nombreux civils ont peur de quitter le sud parce que les routes font l'objet d'attaques israéliennes. Des centaines de milliers de Libanais ont quitté leur maison, mais les forces israéliennes ont utilisé des avions de combat et l'artillerie contre des dizaines de véhicules civils, dont beaucoup arborant des drapeaux blancs. Israël a justifié ses attaques sur les routes en invoquant la nécessité de cibler les combattants du Hezbollah qui déplacent des armes et de bloquer leurs voies de transport.
Cependant, aucune des preuves rassemblées par Human Rights Watch, ou signalées à ce jour par des sources médiatiques indépendantes, n'indiquent que les attaques contre des véhicules mentionnées dans le rapport ont causé des victimes parmi le Hezbollah ou détruit des armes. En revanche, elles ont tué et blessé des civils qui fuyaient en laissant leur maison après que les FDI aient donné des instructions pour évacuer.
“Les avertissements d'attaques imminentes par les Israéliens ne transforment pas les civils en cibles militaires,” a déclaré Roth. “Les groupes militants palestiniens pourraient alors aussi bien ‘avertir' les colons israéliens qu'ils doivent quitter leurs habitations et se sentir ensuite autorisés à attaquer ceux qui sont restés.”
Human Rights Watch appelle Israël à cesser immédiatement les attaques menées de manière indiscriminée et à faire la distinction à tout moment entre les civils et les combattants. Human Rights Watch appelle aussi les Etats-Unis à suspendre immédiatement les transferts d'armes, de munitions et autres matériels qui auraient probablement été utilisés en violation du droit humanitaire international au Liban, jusqu'à ce que ces violations cessent. Human Rights Watch demande aussi au Secrétaire général des Nations Unies de mettre en place une Commission d'enquête internationale pour examiner les cas reportés de violations, y compris les possibles crimes de guerre, et de formuler des recommandations pour que ceux qui ont violé la loi rendent des comptes. Cette commission devrait examiner tant les attaques israéliennes au Liban que les attaques du Hezbollah en Israël.
Dans des communications précédentes, Human Rights Watch a parlé de la conduite des forces du Hezbollah, qualifiant ses attaques contre des zones civiles de violations graves du droit humanitaire international équivalant à des crimes de guerre (http://hrw.org/english/docs/2006/07/18/lebano13760.htm).
Human Rights Watch a appelé les gouvernements de la Syrie et de l'Iran à user de leur influence sur le Hezbollah pour favoriser le respect des lois de la guerre (http://hrw.org/english/docs/2006/07/26/syria13847.htm;
_ http://hrw.org/english/docs/2006/07/27/iran13842.htm).
Dans ce rapport, Human Rights Watch exhorte le Hezbollah à prendre toutes les mesures possibles pour éviter de fixer des objectifs militaires au sein de zones fortement peuplées ou à leur proximité, et pour éloigner du voisinage d'objectifs militaires les personnes et les biens civils sous leur contrôle.
HUMAN RIGHTS WATCH
Israël/Liban : Il faut stopper les attaques indiscriminées contre les civils
Certaines attaques israéliennes équivalent à des crimes de guerre
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