Immigration et indépendance

Tribune libre - 2007


Le débat qui fait rage cet hiver sur l'accommodement raisonnable a un premier mérite : à ceux qui refusent de voir les défis que posent l'immigration pour une nation au statut bâtard comme celui du Québec dans le Canada, il rappelle que les Québécois sont soucieux de faire prévaloir l'égalité et la culture commune par l'intégration.
Or, cette intégration, dont la Charte de la langue française exprime aussi le souhait, est contrecarrée par la nouvelle constitution canadienne depuis 1982. Les immigrants au Québec deviennent citoyens du Canada, un pays officiellement multiculturel qui proclame très officiellement aux néo-Canadiens, et donc aux néo-Québécois en pratique, que le Canada n'a aucune culture officielle, et donc le Québec non plus, et les encourage à conserver leur coutumes.
Telle n'est pas la vision de soi de la nation québécoise : sa culture est bien identifiée et c'est même un combat depuis plus de deux siècles qu'elle livre contre les puissances qui veulent l'effacer, dont cette Constitution canadienne de 1982 est le dernier avatar. La nation québécoise rejette très clairement cette vision : au contraire, elle voudrait qu'on affirme haut et fort qu'il y a, au Québec, une culture qui possède une histoire, une langue, une identité forte et ses valeurs démocratiques, à laquelle tout nouveau citoyen doit s'intégrer et adhérer officiellement pour devenir membre de la nation. La Charte de la langue française le fait en partie. Mais pour le faire complètement, une citoyenneté québécoise est absolument nécessaire. Nous voyons bien, dans l'émotion qui déborde depuis plusieurs semaines, le besoin que l'opionion québécoise éprouve de cette citoyenneté. Il faut que les leaders souverainistes présentent cette solution positive à un défi très sérieux, le défi de l'intégration au Québec. Ce défi est évidemement plus grand que pour le Canada anglais dont l'intégration linguistique et culturelle se fait facilement avec l'aide du poids de l'industrie culturelle états-unienne.
Mais ce n'est pas tout. Les Québécois ont affirmé plusieurs fois dans leur histoire la volonté d'une démocratie laïque. La première expression organisée fut celle du mouvement des Patriotes. Cette vision, proche du modèle républicain français mais originale, s'impose grraduellement depuis la Révolution tranquille qui substitua l'État québécois aux Églises en maints domaines essentiels de la vie sociale, tels que l'éducation et la santé. La laïcité est une valeur à laquelle les Québécois sont très attachés. L'impopularité de la décision de la Cour suprême du Canada sur le port du kirpan dans les écoles en est une illustration. Tout le débat courant sur les accommodements raisonnables le confirme. Or, pour retenir l'exemple du kirpan, nous sommes face à un conflit entre la laïcité québécoise et le multiculturalisme officiel canadien.
En outre, comble du ridicule, la Cour suprême impose une règle aux écoles qu'elle ne s'applique pas, c'est-à-dire de ne pas considérer le kirpan comme une arme alors qu'il est interdit dans l'enceinte de la Cour ! Au-delà de la tartufferie, c'est une restriction radicale de l'autonomie du Québec qui est ainsi illustrée, tant sur le plan de l'éducation scolaire que de la capacité à perpétuer son identité : les choix identitaires du Québec, tels que l'intégration dans un modèle de laïcité choisi par les Québécois, seront invalidés selon le bon vouloir d'une instance canadian. Le modèle canadian multiculturel est un carcan qui invalide le modèle québécois et le Québec ne peut rien y changer sans l'indépendance. Le Québec ne peut faire prévaloir son modèle de laïcité et d'intégration dans l'ordre social québécois sans la souveraineté, point ! Il est impératif que les leaders souverainistes exposent cet handicap du Québec dans le Canada et la solution positive et constructive que représente l'indépendance au défi de l'immigration réussie, de notre vivre-ensemble, et en somme, de notre liberté démocratique comme nation de faire des choix de société fondamentaux.
Dans l'ordre légal auquel le Québec est soumis - sans avoir jamais ni approuvé cette constitution par référendum ni paraphé par l'Assemblée nationale - ses lois seront impuissantes devant les choix d'Ottawa. Les propositions de Mario Dumont de citoyenneté et de constitution, soumises à la Constitition canadienne, seront impuissantes à modifier l'ordre des choses.
Il faut un débat serein sur les enjeux soulevés par Hérouxville, au lieu d'un dédain hautain pour les réactions citoyennes. Est-ce que la diversité de pacotille de la "mosaïque canadienne" est un impératif catégorique, ou est-ce que l'immigration est une politique québécoise soumise aux intérêts supérieurs de la nation, de ses valeurs et de sa démocratie, dont la réussite se mesure - et doit être mesurée - par le succès de l'intégration ? L'immigration, au Québec, devrait fonctionner non pas en ajoutant des citoyens à côté de la nation québécoise, de sa culture, de sa démocratie, mais seulement en apportant à la nation québécoise de nouveaux citoyens faisant pleinement les leurs cette nation, cette culture et cette démocratie, avant toute autre.
Les leaders souverainistes, de Boisclair à Duceppe, ne peuvent pas manquer ce bateau qui mènerait la nation au port de la liberté s'ils avaient le courage, dans une campagne de communication, de prendre le contre-pied du modèle multiculturel canadian et de proposer un modèle québécois laïque et républicain.
Les Québécois sont inquiets devant les ratés de l'intégration, les concessions faites dans les administrations ou imposées par la Cour suprême au nom du multiculturalisme canadien, à l'encontre du principe de laïcité chèrement acquis. Les souverainistes offrent la seule solution concrète : une citoyenneté québécoise légale dans une République laïque et souveraine.


Charles Courtois,

Montréal



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Charles-Philippe Courtois est docteur en histoire et chercheur postdoctoral à la Chaire de recherche en rhétorique de l'Université du Québec à Trois-Rivières. Il prépare la publication de La Conquête: une anthologie (Typo, automne 2009).





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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    4 février 2007

    Info fédéraliste et Constitution du Québec.
    Au lieu d accabler les maires des petits villages qui doivent suppléer à la démission de l État em matière de AR, il vaudrait mieux que les "platoniciens" de la rectitude morale dans la cité nous proposent leurs solutions éclairés. Il en existe pourtant une qui est très simple. Il faut que le Québec se donne une Constitution avec un code de citoyenneté et une charte de la laïcité. Mais ne compter pas sur les médias fédéralistes pour la proposer car cela préciserait les termes politiques et juridiques du Québec comme un état nation; ce qui nous rapprocherait de la souveraineté. Donc cette solution est contraire à l idéologie qu ils défendent. Ils aiment mieux faire le procès des citoyens qui, laisser à eux mëme, doivent se transformer en législateur et faire du cas par cas dans les accommodements raisonnables,pour palier à la démission de l État en la matière. J espère que la démission de notre sous premier ministre sera sanctionner au prochaine élection
    P.s. (Mon opinion dans le blogue de Lagacé, cyberpresse)