Gaz de schiste

Il faut occuper nos territoires avant de les creuser

Gaz de schiste


Claire Bolduc - Présidente de Solidarité rurale du Québec - Alors qu'il ne cesse de répéter son préjugé positif envers l'industrie gazière, le gouvernement du Québec devrait avant tout affirmer son engagement et son préjugé favorable à l'endroit des communautés.
L'inquiétude montante des citoyens exprime une perte de confiance envers un modèle de développement qui dépouille nos milieux et repousse toujours plus loin les limites de l'exploitation du territoire. Le gaz de schiste arrive à la porte du village plus vite qu'Internet à haute vitesse!
Le développement gazier mérite un débat de fond, et non une marche précipitée qui risque de faire perdre toute légitimité aux consultations à venir. Le jeu des lobbys cherchera toujours à stigmatiser les uns, à courtiser les autres et à enfermer le débat dans des considérations techniques que seuls les technocrates maîtrisent. Ce n'est pas l'étanchéité des puits qui rassurera les citoyens, mais bien l'étanchéité de notre démocratie tant locale que nationale.
Aux légitimes préoccupations environnementales et de sécurité que le BAPE abordera, deux autres questions demeurent. Essentiels aux yeux de Solidarité rurale du Québec, ces enjeux sont pour l'heure évacués et ne disposent d'aucun forum: le développement en lien avec le territoire et la propriété de la ressource.
Moderniser les lois
Depuis trop longtemps, on a considéré le territoire comme un stock inépuisable de ressources — en forêt, en pêcherie, dans les mines — en pensant qu'il suffit d'aller plus loin ou plus profond pour continuer le même rythme effréné d'exploitation. Non, le territoire est plutôt d'abord un milieu de vie, des communautés qui l'habitent, un cadre de vie qui attire des jeunes et des moins jeunes à s'y établir et à créer. C'est là une richesse indéniable pour nos communautés qu'il est temps de prendre au sérieux. Ce sont les citoyens qui continueront d'habiter le territoire le jour où le schiste sera vidé de son gaz.
Lorsqu'une compagnie se permet de déplacer un village (Malartic par exemple) ou qu'elle obtient un permis de Québec sans que la communauté ait son mot à dire, il devient urgent de moderniser des lois d'un autre âge. Et qui mieux que les élus locaux, une démocratie locale qu'il faut réhabiliter, pour saisir les particularités et les dynamiques propres à chaque territoire, pour juger du meilleur développement, exclure des secteurs ou privilégier des emplacements, prévoir des distances, bref, pour faire de l'aménagement du territoire et de la conciliation des usages dont les collectivités sont responsables? En somme, les collectivités locales seront-elles maîtres du type de développement sur leur territoire ou devront-elles se contenter encore et toujours de gérer les conséquences d'un développement décidé ailleurs?
Richesse convoitée
Sur le plan national, le gaz est une ressource suffisamment stratégique pour se poser sérieusement la question: quelle est la meilleure façon d'en tirer profit et à quelles fins? Les redevances et autres compensations ne doivent pas détourner le regard sur l'enjeu de la propriété de cette richesse que convoitent les multinationales. Exclure du débat la propriété collective de cette ressource, c'est renoncer à la principale retombée qu'elle peut générer, sans parler de la maîtrise de son développement. Avant d'ouvrir les vannes, le gouvernement a la responsabilité d'ouvrir ce débat crucial duquel peut sortir un consensus social rassembleur unissant urbains et ruraux.
L'énergie constitue un formidable levier pour le développement de tout le Québec et pour relancer l'économie de ses territoires sur une base diversifiée, tournée vers l'avenir. En forêt, dans les mines ou le secteur gazier, les intérêts privés de quelques consortiums lointains coïncident rarement avec les besoins des communautés et l'intérêt collectif. Il appartient aux citoyens, des milieux ruraux comme urbains, de participer et d'investir ce débat pour se réapproprier leurs territoires, qui sont plus que jamais soumis à la gloutonnerie des multinationales.


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