Dans l’article d’Étienne Paré paru dans Le Devoir et portant sur le conseiller linguistique et chroniqueur de Radio-Canada, Guy Bertrand, qui a pris sa retraite le 21 juin, ce dernier affirme : « C’est tout à fait normal qu’on ne dise plus “Indiens” pour parler des Autochtones. C’était factuellement incorrect. […] » [1]
L’historien états-unien David Hackett Fischer [2] écrit ceci dans son grand œuvre, Le Rêve de Champlain, qu’il a achevé en 2008 [3] : « “Indien” est l’ethnonyme que nous privilégions dans notre ouvrage. Lors de ma rencontre avec des dirigeants autochtones venus de nombreuses régions des États-Unis, je leur ai demandé comment ils voulaient être appelés. Tous m’ont dit qu’ils voulaient être nommés selon le nom de leur nation. Je leur ai demandé alors comment ils voulaient être appelés collectivement. Ils m’ont répondu que le mot “Indien” leur convenait tout à fait. C’est un mot qu’ils emploient eux-mêmes avec fierté. Après avoir fait l’essai d’autres termes maladroits, “Indien” leur semblait plus approprié et plus euphonique. » [4]
Fischer n’a pas jugé bon de nommer différemment les Autochtones se trouvant dans ce qui est aujourd’hui le Canada (encore aujourd’hui, des nations indiennes occupent un territoire chevauchant la frontière des deux pays voisins). Le maître traducteur Daniel Poliquin n’a pas traduit “Indian” par “Amérindien”, “Autochtone d’Amérique” ou “Indien d’Amérique”, mais par “Indien”. À ce que je sache, “Indiens” n’a toujours pas été modifié dans la « Loi sur les Indiens » [5], toujours en vigueur.
Je souhaite une bonne retraite à M. Bertrand, mais, sans mettre en doute ses grandes compétences en matière de langue, je crois qu’il est tout à fait correct de dire encore aujourd’hui “Indiens”, en parlant des Autochtones d’Amérique.
Maintenant, un mot sur le mot sauvage, tant décrié. Le sieur Fischer écrit encore dans son fameux livre : « Champlain appelait [les] indigènes nord-américains “sauvages”, mais sans donner au mot le sens qu’il a acquis depuis. En ancien français (ou en vieil anglais pour le mot savage), “sauvage” était parfois écrit salvage, graphie qui révèle sa véritable signification. Le mot est dérivé du latin silva, qui veut dire “forêt”. Au XVIIe siècle, le terme sauvage avait préservé ce sens, et on s’en servait pour nommer tout être qui habitait la forêt. » [6]
Pour finir, nous traversons une période woke dans laquelle nous voyons disparaître et apparaître une pléthore de mots. Sous peine de passer pour un ringard, il est impératif de se mettre séance tenante à la page. Tout cela est fort épuisant.
Sylvio Le Blanc
[4] David Hackett Fischer, Le Rêve de Champlain, Boréal compact no 237, édition de 2012, 4e tirage imprimé en 2015, note 26, pp. 766-767. Traduit de l’anglais états-unien par Daniel Poliquin.
[6] David Hackett Fischer, Le Rêve de Champlain, Boréal compact no 237, édition de 2012, 4e tirage imprimé en 2015, p. 170. Traduit de l’anglais états-unien par Daniel Poliquin.
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