Hugo Dumas - (Photo Radio-Canada) Comme nos amis du Rest of Canada (ROC), la série La petite mosquée dans la prairie reste polie, sourit abondamment, respecte les conventions, ne provoque pas de débats enflammés et, déballons le reste des clichés, flirte avec l'ennui.
Ayant effacé de mon disque dur mental ce produit 100 % canadian, j'ai réécouté les deux premiers épisodes de la version française de Little Mosque on the Prairie, que relaie Radio-Canada depuis la semaine dernière. Une fois la surprise passée de revoir plusieurs personnages porter le foulard islamique ou le salwar kameeze, j'ai eu la désagréable impression d'assister à du théâtre d'été très moyen. Ne manquait que les rires gras et un public en robes fleuries ou en bermudas beiges, qui sirote de la Labatt 50 fade. Un peu plus et Claude Michaud débarquait, flanqué d'un Gilles Latulippe poussant une joke de burqa burlesque.
J'exagère à peine. L'épisode très gnangnan que vous verrez demain (19 h 30) valse entre la banalité navrante et le vaudeville abrutissant. L'intrigue? L'ancien imam Baber Siddiqui, un des membres les plus conservateurs de la communauté, érige une barrière en plein milieu de la salle de prière pour séparer les femmes des hommes. Construite avec une ancienne bande de patinoire de hockey (plus canadien que ça, tu meurs), la clôture de la honte divisera les fidèles de la mosquée et sèmera la bisbille dans la bourgade fictive de Mercy, perdue entre Calgary et Winnipeg, dans les ronflantes plaines de la Saskatchewan.
Avertissement, je brûle un punch ici. C'est le nouvel imam progressiste, Amaar Rashid, un jeune avocat fraîchement arrivé de Toronto, qui tranchera le litige: la barrière restera et partira. Comment? Facile. La mini palissade s'arrêtera en plein milieu de la mosquée.
Ainsi, les hommes plus traditionnels pourront prier à l'abri du regard des indiscrètes. Et les autres diront allô à Allah sur le même tapis.
Ce compromis incarne parfaitement les problèmes de scénario de La petite mosquée dans la prairie: en ratissant le plus large possible, la comédie cherche le consensus à tout prix, ce qui agace profondément. Les tensions religieuses en milieu rural ne se règlent pas de façon aussi bon enfant, autour d'un agneau braisé ou d'un sandwich aux concombres. Regardez ce qui s'est passé à Hérouxville, un hameau qui n'abrite même pas l'ombre du début d'une mosquée.
Comme toute sitcom qui se respecte, La petite mosquée dans la prairie comporte une galerie de personnages caricaturaux, dont l'idiot du village, qui découvre l'emplacement de la mosquée que loue Yasir Hamoudi dans le sous-sol d'une église anglicane. Il y a aussi le pasteur compréhensif et la grande gueule Fred Tupper, le Jeff Fillion de Mercy, qui vomit en ondes des horreurs sur ces terroristes barbus.
Malgré les préjugés qu'il nourrit envers les musulmans, Fred Tupper flâne souvent au café de la belle Fatima Dinssa, une immigrante du Nigeria très pieuse. Voyez-vous naître une idylle? C'est aussi subtil que de coiffer cet article du titre: «La petite mosquée lève le voile sur...».
La forme de la série (réalisation, montage) ne prend aucun risque et certaines séquences nous ramènent à la télévision qui se bricolait dans les années 80 et 90. Pour l'innovation, un gros zéro. Pourtant, l'idée de départ de La petite mosquée est aussi géniale que séduisante. Dommage qu'elle ait été javellisée à la rectitude politique et aux bons sentiments.
J'espère que le réseau Fox, qui vient d'en acheter les droits d'adaptation, osera davantage dans son remake. Parlant de Fox, un des seuls comédiens de La petite mosquée qui ne joue pas faux est Carlo Rota (Yasir), que vous avez sans doute déjà aperçu dans 24 heures chrono, où il campe Morris O'Brian, l'ex-mari de Chloé.
En janvier 2007, le premier épisode de Little Mosque on the Prairie, propulsé par des reportages sur CNN, à la BBC et dans le New York Times, a rassemblé 2,1 millions de Canadiens devant leur poste de télévision. Au deuxième, l'audience a fondu à 1,2 million. Chez nous, 516 000 fidèles ont suivi les péripéties de cette petite mosquée, jeudi dernier. Je doute qu'ils soient aussi nombreux à répondre à l'appel du muezzin demain soir.
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