Haïti, encore les règles constitutionnelles!

Ottawa freine l’aide du Québec à Haïti

Chronique de Louis Lapointe

La proposition d’accueillir les frères, soeurs, neveux, nièces, oncles et tantes de citoyens canadiens d’origine haïtienne habitant le Québec pour aider les Haïtiens dans le besoin semble se heurter à la lenteur fédérale qui ne souhaite pas élargir les critères de réunification des familles.

Prenant exemple sur les anciens ministres Couture et Godin, un ancien sous-ministre québécois de l’immigration à la retraite, Régis Vigneau*, suggérait au premier ministre du Québec, dans les pages du Devoir du 19 janvier, d’agir à l'encontre les règles constitutionnelles et au-delà du raisonnable, n’attendant pas qu’un accord survienne avec Ottawa.

« *Dans le respect du partage actuel des compétences constitutionnelles et administratives en matière d'immigration, votre gouvernement pourrait légitimement se placer en attente des décisions fédérales, ce serait raisonnable. Mais il y a parfois des situations qui demandent, qui commandent que l'on aille au-delà du raisonnable. (…)

Il me semble, monsieur le premier ministre, que le cauchemar que vivent nos frères haïtiens nous commande d'aller au-delà du raisonnable. Les exemples que j'ai, en toute déférence, portés à votre attention montrent qu'à une situation exceptionnelle correspondent des solutions exceptionnelles. (…)

Il me semble, monsieur le premier ministre, que vous devriez prendre, à très court terme, une initiative qui aille au-delà du raisonnable. Tous les Québécois, en dehors de toute considération politique, seraient très fiers de vous... et de nous. »

Pour résumer, il estimait que, malgré la clarté des règles constitutionnelles, le Québec pouvait agir légitimement au-delà du raisonnable lorsqu’une situation exceptionnelle le commandait, même si ce geste était manifestement illégal.

Parce que nos frères haïtiens ont besoin de notre aide immédiatement, il suggérait au premier ministre du Québec d’agir à l’encontre des règles constitutionnelles du Canada et "au-delà du raisonnable" associant ce geste à la légitimité de l’action du gouvernement.

Étrange raisonnement pour un ancien sous-ministre. Loin d’être au-delà du raisonnable, parce que venir en aide aux victimes d’Haïti est, au contraire, un geste raisonnable, on ne peut faire autrement que de penser qu’il est légitime et qu’il aura nécessairement des conséquences politiques dans les relations fédérales-provinciales.

Lorsque le Québec agit légitimement à l’encontre des règles constitutionnelles, il affirme sa souveraineté. Dans cette perspective, qu’on le veuille ou non, ce geste ne peut pas être apolitique comme semble le suggérer M. Vigneau à la fin de sa lettre, puisqu'agir légitimement à l’encontre des règles constitutionnelles canadiennes est toujours un geste politique.

Comment ne pas alors conclure que le gouvernement fédéral refuse d’élargir ses règles parce qu’il ne veut pas créer de précédents dans ses rapports avec le Québec qui, à défaut de se séparer, réclame depuis des années un statut distinct.

Comportement étonnant de la part du gouvernement fédéral dans un système où le premier ministre n’a qu’à se rendre au bureau de la Gouverneure générale pour rendre légal ce qui n’est pas légitime, lorsqu’il s’agit de proroger les travaux du Parlement.

Un gouvernement hypocrite qui est prêt à faire indirectement ce qu’il ne peut pas faire directement par pur opportunisme politique et pour des raisons bassement partisanes et, par ailleurs, beaucoup moins prompt à contourner les règles lorsqu’il s’agit du Québec et de motifs humanitaires.

***

« Si le propre de la légitimité est ce qui est juste et raisonnable, il serait donc tout à fait légitime que nous agissions de façon juste et raisonnable pour que cette constitution, qu’on nous a imposée sans notre accord en 1982, n’hypothèque plus notre présent et notre avenir, à défaut de pouvoir nous séparer du Canada. À l’injustice de la situation, nous pourrions donc répondre par la légitimité de notre action ; à l’unilatéralisme canadien, nous pourrions opposer la raison québécoise. » De vrais gestes de souveraineté

« Si les règles constitutionnelles ne sont d’aucune utilité, même lorsque le Québec jouit de la majorité ou de la légitimité, que faut-il en conclure ? Que la seule façon d’avoir raison dans un système où le Québec est toujours perdant même lorsqu’il a raison, c’est qu’il invente ses propres règles qui lui donneront raison même lorsque le Canada lui donnera tort. » Quand le Canada s’emmêle dans ses règles constitutionnelles

« Quand les règles constitutionnelles ne font pas l’affaire des premiers ministres canadiens, la légalité cautionnée par le Gouverneur général permet toujours d’accomplir ce que la légitimité interdit. Quand les règles en vigueur ne suffisent pas, on en invente des nouvelles, c’est le rôle de la Cour Suprême du Canada. Un système fondamentalement malhonnête qui ne peut qu’engendrer une succession de coups de force et d’intrusions du gouvernement fédéral dans les affaires du Québec (...) » Coups de force et terrorisme

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Louis Lapointe534 articles

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    20 janvier 2010

    En ce qui concerne les réfugiés d'Haïti, le Québec a la responsabilité et le devoir de s'impliquer davantage :
    « Des mesures non constitutionnelles peuvent devenir légitimes quand elles sont indispensables. »
    Abraham Lincoln

  • Archives de Vigile Répondre

    20 janvier 2010

    Au-delà de la politique, il me semble que la plus grande prudence s'impose particulièrement du côté des « orphelines ». Et pourquoi pas aussi des « orphelins ». On nous dit qu'il y en aura des centaines et des centaines, sinon des milliers.
    Nous savons que les réseaux de prostitution juvénile sont très florissants au Québec.
    Alors prudence avant de nous jeter tête baissée dans ce dossier, et ce, au nom de la politique.
    La ruse de la Bête est sans limite.