Une affirmation est utilisée comme arme politique par les conservateurs : les Canadiens paient plus de taxes et d'impôts dans le Canada de Justin Trudeau que dans celui de Stephen Harper. Et ça ne pourra qu'empirer si les libéraux sont réélus cet automne, prévient leur chef Andrew Scheer. Qu'en est-il vraiment?
C’est parti ou reparti. Les députés et futurs candidats conservateurs ont reçu l’ordre de leur chef de frapper sur le même clou : « Si Justin Trudeau est réélu, les taxes et les impôts vont continuer à augmenter. »
Continuer à augmenter? Derrière le discours et la rhétorique se trouvent des arguments basés sur une étude qui ne tient compte que d’une partie du portrait.
Les conservateurs n’en démordent pas : « 80 % des familles de la classe moyenne paient plus d’impôts sous les libéraux. »
L’opposition officielle va jusqu’à préciser que l’augmentation moyenne s’élève à plus de 840 $ par année. « Avec ces hausses d’impôt et la perte de nombreux crédits d’impôt importants, de nombreuses familles canadiennes paient plus d’impôt fédéral, mais reçoivent moins en retour. »
Pour arriver à ces chiffres, Andrew Scheer et ses troupes se basent sur une étude publiée en septembre 2017 par l’Institut Fraser, un groupe de réflexion de droite.
Or, les conservateurs omettent de dire que l’Institut évacue complètement de son analyse l’Allocation canadienne pour enfants (ACE), une mesure phare des libéraux entrée en vigueur en 2016.
Pas question de rajuster le tir
Selon le député conservateur de la circonscription Louis-Saint-Laurent, Gérard Deltell, ces chiffres ne déforment aucunement la réalité et sont crédibles. La ligne d’attaque ne changera pas.
Pour nous, de faire appel à un institut qui est indépendant qui n’est pas lié à un parti politique, ça confère encore plus d’autorité.
En considérant l’Allocation canadienne pour enfants, les libéraux ont une lecture bien différente de celle de leur principal adversaire. Pour le prouver, ils s’appuient sur un rapport préparé par le ministère des Finances pour conclure qu’un couple avec deux enfants bénéficie maintenant d’un avantage net de 2000 $.
D’ailleurs, c’est la réponse qu’a faite Justin Trudeau à Andrew Scheer à la reprise des travaux parlementaires la semaine dernière. « Les chiffres des conservateurs ne tiennent que s'ils ignorent complètement une mesure contre laquelle ils ont voté, soit l'Allocation canadienne pour enfants », a affirmé le premier ministre.
Et le pipeline?
Ce n’est pas le seul décalage entre les chiffres ces jours-ci à Ottawa.
Voilà que les 4,5 milliards de dollars payés par le gouvernement fédéral pour le pipeline Trans Mountain ont soudainement été réduits à 4,1 milliards. Pourquoi? Il faut soustraire les 325 millions en impôt sur le gain en capital réalisé lors de la vente, soutient maintenant le ministre des Finances Bill Morneau.
Le moment choisi pour faire cette mise au point n’était pas anodin. Le directeur parlementaire du budget (DPB) venait à peine de suggérer qu’Ottawa avait peut-être payé 1 milliard de dollars en trop pour l’oléoduc.
Dans son rapport, Yves Giroux offrait une évaluation du risque financier d’Ottawa dans cette aventure. L’éclairage du DPB permettait d’apprendre qu’Ottawa a payé le gros prix et suggérait que le gouvernement aurait pu négocier davantage compte tenu du contexte de la vente.
N’eût été le rapport du DPB, les Canadiens auraient-ils eu droit à cette précision du ministre des Finances?
Nous avons payé un prix approprié qui se situe exactement au milieu de la fourchette de leur analyse.
Yves Giroux conteste les calculs du gouvernement. Selon lui, les 300 millions de dollars ne doivent pas être soustraits du prix d'achat puisque le gouvernement aurait touché la même somme si un autre acheteur avait fait l’acquisition du pipeline.
Un rapport dont les libéraux se seraient bien passés.
L’année politique à Ottawa sera certainement parsemée d’autres chiffres. À la lumière de ceux évoqués par les partis la semaine dernière, les électeurs devront interpréter ces chiffres avec prudence.