Polémia continue son tour d’Europe du Grand Remplacement. Après avoir étudié l’emblématique cas de la Suède, au tour de la Belgique de passer au scalpel de Paul Tormenen. Chez nos voisins, la situation est assez catastrophique.
Au 1er janvier 2018, sur les 11,3 millions d’habitants que compte la Belgique, près de 17 % étaient nés à l’étranger (1,9 million de personnes). Certes, ce chiffre ne fait pas la distinction entre immigrés extra-européens et Européens. Mais il ne tient compte ni des clandestins ni des demandeurs d’asile ni, bien entendu, des descendants d’immigrés.
Les histoires belges sont censées faire rire, celle-ci ferait plutôt pleurer…
Polémia
Si la Belgique a connu au 20e siècle plusieurs vagues d’immigration, celle qui est en cours se caractérise par son ampleur et son caractère « subi » par une partie de la population. Les revendications communautaristes et la radicalisation d’une frange de la population immigrée provoquent des réactions contrastées chez les wallons et les flamands. En Belgique, comme dans d’autres pays européens, la question migratoire et identitaire est devenue centrale dans la vie politique du pays.
Du 20e siècle à aujourd’hui
Une première vague d’immigration a été organisée dans la période de l’entre-deux guerres mondiales, sous la pression du patronat belge de l’industrie lourde.L’immigration de travail a ensuite été relancée dans les années 1960. Les pays d’origine des immigrés appelés à travailler notamment dans les mines étaient alors essentiellement européens (Italie, Espagne, Grèce). A partir de 1964, des accords bilatéraux ont été conclus avec des pays de culture musulmane (Maroc, Turquie, Algérie) afin de faciliter l’accueil de travailleurs étrangers(1). Indépendamment de toute considération culturelle, l’immigration familiale a également été favorisée, afin, selon certains dirigeants du pays, de faire face au vieillissement de la population (2).
Depuis la fin des années 1980, la Belgique connait une nouvelle vague migratoire. Alors que les flux annuels étaient relativement stables des années 50 aux années 80, avec des entrées comprises entre 40 000 et 60 000 (3), le regroupement familial et les demandes d’asile ont contribué à faire augmenter considérablement les arrivées d’étrangers. Plus d’un million d’entre eux sont ainsi entrés légalement en Belgique entre 2000 et 2010 (4).
Sur la seule période 2009 – 2011, le regroupement familial, qui représente près de la moitié des titres de séjour délivrés, a permis à 121 000 étrangers de s’installer légalement en Belgique. Un sénateur belge, Alain Destexhe, parle de l’« effet domino » du regroupement familial, en raison des différentes possibilités de faire venir de l’étranger les membres de la famille (4).
Depuis 2007, le nombre annuel d’arrivées d’étrangers en Belgique dépasse invariablement les 100 000. En 25 ans, la population immigrée (de nationalité étrangère ou belge) a doublé. La croissance annuelle de la population d’origine étrangère est estimée quant à elle entre 1 et 5 % (5). Au 1er janvier 2018, sur les 11,3 millions d’habitants que compte la Belgique, 16,7% est né à l’étranger (1,9 million de personnes) (6). Ces chiffres ne tiennent compte ni des clandestins présents sur le territoire non recensés ni des demandeurs d’asile qui sont inscrits au registre d’attente.
La concentration d’étrangers est surtout perceptible dans les grandes villes. Par exemple, dans l’agglomération bruxelloise, les étrangers sont presque aussi nombreux que les citoyens belges (7). La ville d’Anvers compte désormais plus d’immigrés que d’autochtones (8).
Les flux secondaires de la demande d’asile
Outre l’immigration clandestine, la Belgique subit comme la France des « flux secondaires » de demandeurs d’asile. De plus en plus de demandeurs d’asile en Belgique ne viennent pas d’arriver sur le continent européen. Ils ont été déboutés de leur demande dans un autre pays et tentent leur chance en Belgique (9). Le phénomène, qui illustre la faillite du « système » d’asile européen, trouve son origine dans le durcissement des politiques migratoires des pays scandinaves et de l’Allemagne. Cette pratique de « guichet » aurait concerné un demandeur d’asile sur trois en 2018. Plus globalement, entre 1991 et 2015, 517 000 demandes d’asile ont été déposées dans le pays.
L’origine des immigrés a changé
Si les Européens sont toujours majoritaires dans la population étrangère, les Turcs (155 701 personnes) et surtout les Marocains (309 166 au 1er janvier 2016) représentent de forts contingents. Parmi les étrangers ayant acquis récemment la nationalité belge, ces deux dernières nationalités figurent en tête (10).
Selon le Pew Research Center, la population musulmane représente 7,6 % de la population belge, soit près de 796 000 habitants. En fonction de la politique migratoire choisie dans les prochaines années (de l’immigration zéro à une politique d’ouverture contrôlée des frontières), le « think tank » américain estime que la population musulmane pourrait représenter entre 11% et 18% de la population à l’horizon 2050(11).
Coût de l’immigration
Pour la seule année 2018, 23 400 personnes ont introduit en Belgique une demande de protection internationale (12). Le coût annuel des demandeurs d’asile en matière de minimas sociaux est passé de 120 millions d’euros en 2014 à 200 millions d’euros en 2018. Il faut ajouter à ces chiffres les dépenses pour l’accueil des demandeurs d’asile, qui ont plus que doublé entre 2014 et 2016, pour atteindre 524 millions d’euros (13).
Plus globalement, le taux d’emploi des immigrés non issus de l’Union européenne est inférieur de 20 % à celui des natifs (14). Cause ou conséquence de ce phénomène, 70 % des bénéficiaires des prestations d’assistance sociale sont d’origine non belge selon un universitaire belge, Bea Cantillon (15).
« La Belgique finira arabe »
Cette prédiction n’émane pas d’un dangereux complotiste. Elle a été formulée par une journaliste Fawzia Zouari, dans les pages du journal « Jeune Afrique » pour résumer « l’islamisation des esprits », en particulier parmi une partie de la jeune génération de culture musulmane (16). Si la population musulmane est minoritaire, son importance devient en effet croissante et surtout plus visible. L’islamisation se manifeste de plusieurs façons : dans les croyances, les convictions, les comportements, la pratique religieuse et la vie politique.
Un parti politique d’obédience chiite dénommé « Islam » s’est constitué en 2012. Il préconise les préceptes les plus rigoureux de l’islam : refus des hommes de serrer la main aux femmes, interdiction de la mixité dans les écoles et les transports en commun, port du voile dès l’âge de 12 ans, etc. (17) ainsi que l’instauration de la charia (18). Si les scores électoraux de ce parti politique sont pour le moment qualifiés par un journaliste du journal Le Vif de « tout sauf ridicule » (19), la conception rigoriste de l’islam progresse en Belgique.
D’après une étude réalisée par une fondation belge en 2017 (20), 33 % de musulmans belges n’aimeraient pas « la culture, les mœurs, le mode de vie occidental » (autonomie des femmes, alcool, érotisme, etc.) tandis que 29 % estimeraient que « les lois de l’islam sont au-dessus des lois belges ». Une étude réalisée en 2011 met en avant un antisémitisme de près de la moitié des lycéens musulmans de Bruxelles sondés pour l’occasion (21).
La Sûreté de l’Etat (le service de renseignement intérieur belge) observait récemment une augmentation des groupes et activités liés au salafisme, la branche la plus radicale de l’islam (22).100 organisations salafistes auraient ainsi été recensées sur le territoire belge. Le maire de Bruxelles affirmait quant à lui en 2017 que « toutes les mosquées (de Bruxelles) sont aux mains des salafistes » (23).
Un infléchissement de la politique migratoire
A l’opposé de la France qui a récemment étendu le droit à la protection internationale et au regroupement familial (24), la Belgique a restreint cette possibilité à partir de 2011. Le secrétaire d’Etat à l’asile et à la migration entre 2014 et 2018, Theo Francken, du parti N-VA, a pris une série de mesures visant à endiguer les flux migratoires : renforcement des contrôles aux frontières et des éloignements d’étrangers en situation irrégulière, campagne médiatique visant à dissuader les aspirants migrants à émigrer (25), dispositions visant à éviter que la demande d’asile soit effectuée afin de s’installer illégalement dans le pays, etc.
La coalition au pouvoir n’aura pas résisté à la signature par les autorités belges du pacte de Marrakech sur les migrations : fin 2018, le N-VA annonçait son départ du gouvernement, le pays renouant avec une nouvelle période d’instabilité. A rebours de médias souvent conformistes, de nombreux électeurs ont porté à l’occasion de la récente élection des députés européens leurs suffrages sur des listes résolument anti-immigration : le Vlaams Belang a recueilli 18,5% des voix et le N-VA 27,2%.
Perspectives
Alors que le royaume belge est traversé depuis des décennies par des velléités sécessionnistes entre flamands et wallons, le pays est maintenant confronté à d’autres défis : l’immigration massive et la montée de revendications politico-religieuses d’une partie de la communauté musulmane. La cohésion du pays est plus que jamais mise à rude épreuve.
Paul Tormenen
11/06/2019
(1) « Histoire de l’immigration en Belgique au regard des politiques menées ». Vivre en Belgique. Ciré.
(2) « D’une forte croissance à une régression potentielle, deux révolutions démographiques dans un contexte d’immigration de conjoncture ». R. André. 1996.
(3) « Myriatics. Octobre 2018. 1997-2017 : un bilan de deux décennies d’immigrations en Belgique ». Myria. 2018.
(4) « Immigration et intégration, avant qu’il ne soit trop tard ». Alain Destexhe. Dynamédia Editions. 2019.
(5) « Immigré, étranger, belge d’origine étrangère, de qui parle-t-on ? ». Myria. Décembre 2015.
(6) « Population légale par pays de naissance ». Statbel. 2018.
(7) « Chiffres clés ». Statistics Belgium. 2017.
(8) « La ville d’Anvers compte désormais plus d’immigrés que d’autochtones ». L’Express. 25 février 2019.
(9) « Les chiffres de la migration en Belgique, les chiffres qui étonnent ». L’Echo. 19 décembre 2018.
(10) « La migration en chiffres et en droit ». Myria. Centre fédéral migration. 2017.
(11) « L’augmentation de la population musulmane en Europe ». Pew research center. 2017.
(12) « Statistiques d’asile, bilan 2018 ». Commissariat général aux réfugiés. 10 janvier 2019.
(13) « Le détail des chiffres de l’immigration ». RTBF. 26 mars 2019.
(14) « Les immigrés nés en dehors de l’UE sur le marché du travail en Belgique ». Conseil supérieur de l’emploi. 2018.
(15) « Nombre record de belges bénéficiant d’assistance sociale ». RTBF. 16 octobre 2017.
(16) « La Belgique finira arabe ». Fawzia Zouari. Jeune Afrique. 14 décembre 2018.
(17) « « L’arbre du parti Islam qui cache la forêt de l’islam ». Alain Destexhe. Le vif. 10 avril 2018.
(18) « En Belgique, le parti islam prône l’instauration de la charia ». BFM TV. 10 septembre 2018.
(19) « Les vrais chiffres du parti Islam qui inquiètent le P.S ». Le Vif. 16 avril 2018.
(20) « Noir, jaunes, blues 2017 ». Ceci n’est pas une crise. Enquête janvier 2017.
(21) « Brusselse jongeren vaak antisemitisch ». De Morgen. 12 mai 2011.
(22) « Il y a une augmentation de groupes et initiatives liés au salafisme en Belgique ». RTL Info. 18 avril 2019.
(23) « Toutes les mosquées sont entre les mains des salafistes, Mayeur essaie de se rattraper, le CDH le corrige ». La Libre Belgique. 24 mars 2017.
(24) « Emmanuel Macron : l’immigration à marche forcée ». Polémia. 8 février 2019.
(25) Site Factsaboutbelgium
Source : Correspondance Polémia