Gallimard suspend sa réédition des pamphlets antisémites de Céline

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Les pamphlets de Céline sont déjà réédités au Québec par les Éditions 8

Confronté à une levée de boucliers depuis l’annonce d’une éventuelle réédition des pamphlets antisémites de Louis-Ferdinand Céline, Antoine Gallimard a préféré jeter l’éponge et suspendre ce projet controversé.



« Au nom de ma liberté d’éditeur et de ma sensibilité à mon époque, je suspends ce projet, jugeant que les conditions méthodologiques et mémorielles ne sont pas réunies pour l’envisager sereinement », a indiqué Antoine Gallimard dans un texte adressé à l’AFP.



Le projet de rééditer les pamphlets antisémites de Céline (Bagatelles pour un massacreL’École des cadavres et Les beaux draps) avait suscité une vague d’indignation notamment de la part de Serge Klarsfeld, président de l’association Fils et filles de déportés juifs de France.



Ce projet « est une agression contre les Juifs de France », avait répété jeudi matin M. Klarsfeld sur Europe 1.



Gallimard souhaitait publier « une édition critique » des pamphlets « sans complaisance aucune ».



Les pamphlets de Céline appartiennent à l’histoire de l’antisémitisme français le plus infâme. Mais les condamner à la censure fait obstacle à la pleine mise en lumière de leurs racines.


Antoine Gallimard



Dans un communiqué transmis à l’AFP le 20 décembre, l’éditeur parisien expliquait vouloir s’inspirer de l’« édition critique » des pamphlets céliniens publiée au Québec en 2012 par la maison d’édition canadienne Éditions 8.



Il assurait que le livre serait accompagné d’une analyse du professeur d’université Régis Tettamanzi et d’une préface signée de l’écrivain Pierre Assouline.



C’était, selon le premier ministre Édouard Philippe, entré dans ce débat, la seule condition acceptable pour que les pamphlets puissent être réédités.



« Je n’ai pas peur de la publication de ces pamphlets, mais il faudra soigneusement l’accompagner », avait déclaré le chef du gouvernement dans un entretien au Journal du Dimanche.



Entre « mise en lumière » et « incitation à la haine »



« Les pamphlets de Céline appartiennent à l’histoire de l’antisémitisme français le plus infâme. Mais les condamner à la censure fait obstacle à la pleine mise en lumière de leurs racines et de leur portée idéologique, et crée de la curiosité malsaine, là où ne doit s’exercer que notre faculté de jugement », a rappelé jeudi Antoine Gallimard.



Mais, a-t-il ajouté, « je comprends et partage l’émotion des lecteurs que la perspective de cette édition choque, blesse ou inquiète pour des raisons humaines et éthiques évidentes ».



« C’est une décision sage que de reporter sine die cette réédition, et pour nous c’est une satisfaction », a réagi auprès de l’AFP le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), Francis Kalifat.



Céline « exprimait sa haine des Juifs — pas seulement des Juifs d’ailleurs, mais aussi des Noirs. Ce sont des brûlots antisémites et racistes » qui « tomberaient sous le coup de la loi s’ils étaient publiés aujourd’hui », selon le responsable communautaire.



« Aucune date de publication n’était fixée à ce stade », a rappelé Antoine Gallimard. Les textes concernés ont été rédigés par l’auteur du Voyage au bout de la nuit entre 1937 et 1941.



Ils devraient tomber dans le domaine public en 2031 (soit 70 ans après la mort de l’écrivain en 1961) et seront alors libres de droits.



Dans un communiqué, la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA) a salué la « décision responsable » d’Antoine Gallimard tout en estimant que la libération des droits « reposera » la question.



Pour la LICRA, « face aux éditions de propagande qui ne manqueront pas d’être diffusées par les antisémites, et qu’il faudra combattre, un travail critique [...] sera nécessaire dans un seul objectif : déconstruire, mot à mot, l’antisémitisme violent dans lequel la plume de Céline a été trempée ».



Les pamphlets de Céline ne sont pas interdits en France, mais n’ont pas été réédités depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. L’écrivain lui-même puis sa veuve, Lucette Destouches, âgée de 105 ans, s’y opposaient. Ils peuvent cependant aisément être consultés sur internet ou achetés chez des bouquinistes.


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