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Il est temps de faire un bilan de 2014. Les relations franco-russes n’ont pas franchement été un modèle, bien vérolées par les désaccords autour du conflit ukrainien et les différentes sanctions. L’Ambassadeur de la Russie en France, Monsieur Alexandre Orlov a bien voulu revenir avec nous sur les faits les plus marquants de l’année :

Quels ont été les événements les plus marquants de cette année, les déceptions, les meilleures performances, la personnalité de cette année ? Quels ont été les événements marquants de 2014 ?

L’année qui s’écoule n’a sans doute pas été une très grande année, c’était une année difficile et je dirais même irrationnelle. A cause de la crise en Ukraine qui a été entièrement montée par les Américains et par les pays de l’OTAN, tout le monde a été amené à une confrontation inutile et stupide. Je pense qu’il existe des vraies menaces et de vrais défis qui sont en commun pour nous tous, la France, la Russie et pour toute l’Europe, ce sont surtout des menaces qui viennent du terrorisme, de l’Etat Islamique en Irak, de la propagation de cette islamisme radical qui menace notre civilisation commune. Je crois que c’est un vrai défi sur lequel nous devons tous travailler et coopérer pour arrêter cette menace qui nous est commune.
Par conséquent je dirais que le niveau des relations bilatérales a été diminué, bien que l’on a pu conserver les contacts au plus haut niveau, le dialogue politique ne s’est jamais arrêté, il a continué pendant toute cette année. Nos deux présidents se sont rencontrés deux fois, une fois le 5 juin à Paris et le 6 décembre à Moscou, sans compter les entretiens qu’ils ont pu avoir pendant les différentes conférences internationales. Mais le reste de tout le mécanisme bilatéral qui est bien élaboré est gelé à cause des sanctions décrétées par les pays de l’Union Européenne. Bien sûr c’est une grande déception pour nous, car pour moi c’est quelque chose qui va contre les intérêts des deux pays, ni la France ni la Russie n’ont besoin d’avoir une confrontation. Toutes ces dernières années les deux pays ont eu des relations économiques politiques et culturelles bien suivies qui étaient développées pour le bien des deux peuples, je pense que tôt ou tard il faut revenir à cet état normal de nos relations, c’est ce que j’attends de l’année 2015.

Vous parlez plus des événements négatifs, mais n’y a-t-il pas eu des événements positifs qui ont marqué l’année, je pense notamment – au début de la construction du centre culturel russe à Paris, les Jeux Olympiques de Sochi, qu’est ce qui vous a marqué en terme positif cette année ?

Bien sûr, il y a eu des développements positifs dans nos relations, mais je dresse un tableau général et je compare l’année 2014 avec par exemple l’année 2013 et surtout l’année 2010 qui a été l’année de la Russie en France, qui a connu un succès immense ici en France et en Russie aussi d’ailleurs. Bien sûr le début de l’année a été marqué par le succès des JO de Sochi et je peux dire que les Français ont suivi ces jeux avec beaucoup d’intérêt, on a eu beaucoup de lettres de Français qui nous disaient combien ils ont eu du plaisir à suivre ces jeux à la télévision, c’était une vraie réussite.

Pour le centre culturel, il est vrai que les travaux continuent et nous espérons que le centre sera opérationnel à partir de 2017.

Il y a eu d’autres dates importantes qui ont marqué cette année, c’est le centenaire de la première guerre mondiale, on a eu quelques commémorations communes. Cette guerre qui a été oubliée le temps des années soviétiques a été commémorée cette année dans notre pays et en France on a également rendu hommage à la Russie qui a sauvé la France lors des premières semaines du conflit en lançant l’offensive en Prusse Orientale, il y a eu le corps expéditionnaire russe qui s’est battu en Champagne pendant deux ans tous ces faits ont été mis en valeur dans différentes conférences.

L’année prochaine sera surement marquée par une commémoration commune de la victoire dans la deuxième guerre mondiale et nous pensons qu’en France ces célébrations seront organisées autour de l’escadrille Normandie-Niemen, qui est un vrai symbole de fraternité d’armes entre nos deux pays. Le 4 juin prochain il y aura un pavillon spécial au Bourget consacré entièrement à la mémoire de cette escadrille.

Pour revenir au centre culturel russe – est-ce que ces relations un peu tendues entre la France et la Russie ont nuit au projet ou est ce qu’il se déroule normalement ?

Il n’y a eu aucune conséquence négative du climat général sur la construction du centre. Le calendrier des travaux est suivi à la lettre, moi même en tant qu’ambassadeur je viens inspecter les lieux, pour voir comment les choses vont. Les travaux se déroulent normalement, il n’y a eu aucune conséquence négative.

Une question qui aurait pu être très positive, mais qui au final est devenue très fâcheuse, c’est la question du Mistral. Comment est-ce que vous expliquez la situation de la France qui ne veut pas livrer pour l’instant les bâtiments à la Russie ?

Je pense qu’il faut considérer l’affaire des Mistrals comme un contrat commercial. C’est un contrat commercial entre deux étts, la Russie a payé le prix du premier bâtiment qui devait être livré cette année, maintenant si la France pour une raison ou pour une autre n’est pas prête à livrer ce bateau à ce moment précis, il y a dans le contrat un délai de réflexion qui permet d’attendre quelques semaines et après il faut agir d’après les dispositions de ce contrat qui prévoit soit le remboursement du prix que l’on a payé, soit des pénalités. Je ne pense pas que la France ira jusqu’à là parce que ça sera un coup sévère sur la réputation de la France surtout dans le domaine très sensible de la vente d’armement.

Je comprends un peu la position du président Hollande, il est entre deux feux, d’une part il doit honorer le contrat que la France a signé, d’autre part il a une forte pression des Américains et de certains alliés de l’OTAN qui veulent interdire à la France de livrer ce bateau. C’est au président français de prendre la décision finale, mais nous seront satisfait dans les deux cas, soit on nous livre les bateaux soit on nous rembourse l’argent. C’est une affaire qui est sur le plan militaire pas très importante car ce sont des bateaux qui ne vont pas renverser le rapport de force dans le monde, ce ne sont pas des bateaux d’attaque, ce sont des bateaux logistiques, qui sont utiles pour faire des opérations humanitaires etc. Sur le plan politique je ne pense pas qu’il faut faire du Mistral un test de nos relations. Le contrat qui a été signé - il faut l’honorer.

Par rapport aux différentes sanctions, comment analysez vous la positions de la France ? Est-ce que la France a quelque chose à y gagner ?

En ce qui concerne les sanctions on est tous perdant – la Russie, la France, l’Europe. Ceux qui y gagnent ce sont les américains, je peux vous citer deux chiffres très éloquents pour les 9 premiers mois de cette années les exportations en provenance de l’Europe vers la Russie ont diminué de presque 8% et en même temps les exportations en provenance des Etats Unis vers la Russie ont augmenté de 24%. On voit que certains pays utilisent les sanctions comme un moyen illégal de concurrence, c’est à dire qu’ils ont mis en difficulté l’Europe et ils n’ont rien fait pour mettre des sanctions en œuvre vis à vis de leurs propres industriels. Les Américains interdisent la vente des Mistrals à la Russie et en même temps ils achètent des hélicoptères de combat à la Russie pour l’Afghanistan. Tout se passe en même temps, c’est un cynisme et une hypocrisie totale de la part des Américains. Ca ne peut pas durer éternellement, il y a de plus en plus de gens en Europe qui commencent à se poser des questions.

Et la position de la France dans tout ça ?

La France dans l’affaire des sanctions est aussi un pays victime, ce n’est pas la France qui a initié les sanctions. Mais il y a une solidarité au sein de l’Union Européenne, que la France doit respecter, les décisions ont été prises au niveau des 28, la France est tenue à respecter ces décisions qui ont été prises collectivement. Je pense que la France n’a aucun intérêt et n’avait aucune volonté à appliquer ces sanctions.

On dit qu’en raison des sanctions et des relations tendues il y a eu une vague d’immigration russe inédite depuis les années 90, est-ce que c’est vrai ?

C’est complètement faux, c’est une invention. Je pense que la Russie n’a jamais été une source d’immigration vers l’Europe. Si vous entendez des Russes à Paris ce sont soit des touristes soit des gens qui sont venus s’installer ici pour faire des études ou pour travailler, ce sont des familles qui sont installées depuis déjà un certain temps. Il n’y a eu aucune fuite de gens aucune croissance de l’immigration de la Russie cette année.

L’image de Français vis à vis de la Russie suite à ces tentions a t-elle changé ? Est-ce qu’il y a un désamour ?

On n’a pas constaté de désamour. Les liens d’amitié et d’affection sont très profonds et dans ce que je constate il y a une forte sympathie des Français envers la Russie. L’ambassade reçoit d’ailleurs tous les jours des lettres de simples Français avec des encouragements et beaucoup de sympathie. On voit que les Français aiment bien la Russie et c’est réciproque. Il y a un vrai fossé entre ce que pensent les Français et ce qui est relayé dans la presse parisienne.

Quels sont vos vœux pour 2015 dans les relations France-Russie ?

Mes vœux c’est que les relations repartent, qu’elles retrouvent leur régime normal. La France et la Russie travaillent pour le bien de leurs populations, que l’on fasse de nouveaux contrats économiques, que les liens culturels et politiques se développent. Nous l’Ambassade on est là pour ça c’est notre désir et notre objectif, j’espère que l’année prochaine on pourra travailler dans une situation plus normale qu’aujourd’hui.