La fracture révélée par le code de conduite ahurissant adopté par la petite municipalité d'Hérouxville pourrait bien se transposer sur la carte politique du Québec. Au lendemain des élections d'avril 2003, plusieurs avaient annoncé la mort prochaine de l'ADQ. Après une pareille déconfiture, comment Mario Dumont pourrait-il avoir seulement envie de faire encore de la politique?
Au vu des résultats du dernier sondage de Léger Marketing, on doit constater que l'annonce de leur décès était nettement prématuré. En dehors de la région de Montréal, il faudra compter avec l'ADQ lors des prochaines élections. À Québec et dans le centre du Québec, elle arrive même bonne première dans les intentions de vote.
L'ADQ était déjà en progression depuis un an, mais le débat sur l'accommodement raisonnable a manifestement eu un effet accélérateur. D'entrée de jeu, M. Dumont a occupé tout le terrain, au grand agacement de plusieurs au PQ, qui trouvaient excessive la réserve d'André Boisclair. Un agacement qui s'est transformé en exaspération, quand il a proposé de retirer le crucifix de l'Assemblée nationale.
À Montréal, la réaction au code de conduite d'Hérouxville est généralement allée de la consternation à l'éclat de rire, mais M. Dumont a très bien vu les dividendes politiques qu'il pouvait tirer en tirant profit des inquiétudes du Québec profond.
En 1999, au moment où son parti espérait encore effectuer une percée dans la métropole, le chef de l'ADQ se montrait extraordinairement ouvert en matière d'accommodement raisonnable. Il a maintenant révisé ses positions en fonction d'objectifs plus ciblés.
Il est vrai que l'opportunisme ne l'a jamais rebuté, comme en témoigne sa nouvelle sympathie pour les municipalités défusionnées qui reprochent au gouvernement Charest de ne pas leur avoir redonné leur autonomie d'antan. À l'époque où même Lucien Bouchard s'y opposait, M. Dumont était le seul chef de parti qui appuyait le projet d'«une île, une ville» défendu par Pierre Bourque.
À l'approche des élections, il est possible que l'on assiste à un tassement du vote adéquiste, comme cela s'est produit en 2003. On peut néanmoins craindre que la prochaine campagne électorale exacerbe les préjugés envers les Québécois issus de l'immigration et creuse encore davantage le fossé qui existe entre la métropole et les régions.
La semaine dernière, André Boisclair se réjouissait de sentir «énormément d'effervescence» chez les militants péquistes. À la veille d'une réunion de deux jours avec ses députés et d'une Conférence des président(e)s du PQ, il devrait peut-être s'en inquiéter. Dans un parti politique en chute libre, l'effervescence est rarement une bonne nouvelle pour son chef.
Les résultats du sondage de Léger Marketing font craindre le pire pour le PQ, qui n'en finit plus de dégringoler depuis qu'il s'est donné un nouveau chef. L'avance de 20 points qu'il détenait sur les libéraux à l'automne 2005 s'est maintenant transformée en un retard de 2 points.
À 32 % dans les intentions de vote, son score est inférieur à celui d'avril 2003, qui était le pire depuis trente ans. Plus inquiétant encore, les baby-boomers, qui constituaient la pierre d'assise du PQ depuis sa fondation, semblent vouloir faire défection.
En toute justice pour M. Boisclair, une avance de 20 points avait quelque chose de surréaliste. Tôt ou tard, le PLQ allait retrouver ses appuis traditionnels. Le changement de gouvernement à Ottawa et le «fédéralisme d'ouverture» de Stephen Harper étaient également des facteurs sur lesquels M. Boisclair n'avait aucun contrôle, même s'il aurait pu y réagir plus efficacement.
De plus en plus de militants péquistes se rendent compte qu'ils ont commis une grave erreur en provoquant le départ de Bernard Landry et en plébiscitant un nouveau chef qui n'avait ni l'expérience ni le jugement requis.
Pendant longtemps, ils se sont rassurés à l'idée que, en dépit des lacunes de leur nouveau chef, les électeurs francophones avaient été tellement échaudés par le gouvernement Charest au cours des trois premières années de son mandat que le rejet serait définitif.
Ils n'avaient pas nécessairement tort. Le vote libéral stagne, et 58 % des Québécois estiment que le PLQ ne mérite pas un deuxième mandat. La mauvaise nouvelle pour le PQ est qu'il ne profite aucunement de cette insatisfaction.
L'explication n'est pas difficile à trouver. Malgré tout ce qu'elle peut lui reprocher, la population préfère encore voir Jean Charest, ou même Mario Dumont, aux commandes de l'État plutôt qu'André Boisclair. Même les francophones préfèrent le chef de l'ADQ à celui du PQ.
Des résultats comme ceux-là ne sont pas de nature à faciliter le recrutement de candidats, déjà problématique. Quand les libéraux en sont rendus à présenter une vedette dans Lac-Saint-Jean, cela laisse supposer que bien peu de forteresses péquistes sont encore tenues pour invulnérables.
En principe, le PLQ a besoin d'au moins cinq points d'avance pour recueillir une majorité de sièges. La force de l'ADQ dans les régions pourrait cependant fausser cette règle au détriment du PQ. Au PLQ, certains rêvent même de voir M. Dumont devenir chef de l'opposition officielle.
En revanche, l'appui que lui ont donné les maires de quelques municipalités de l'ouest de Montréal ne représente pas une bien grande menace pour les libéraux. En septembre 2004, le candidat défusionniste n'avait pas réussi à inquiéter le moindrement Yolande James à l'élection partielle dans Nelligan, même s'il n'y avait aucun danger pour la survie du gouvernement Charest. Malgré leur mécontentement, il serait très étonnant que les électeurs anglophones prennent le risque de faire élire un gouvernement péquiste en boudant les libéraux.
mdavid@ledevoir.com
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