Mardi, Wall Street applaudissait au succès de l'opération de refinancement d'UBS et de Lehman Brothers en appelant de tous ses voeux la fin de la crise financière. Mais à en croire tous ces scénarios apocalyptiques qui pullulent depuis l'éclatement de la bulle des subprimes, cet enthousiasme serait prématuré. Vraiment?
La Réserve fédérale l'évoque désormais publiquement. Pour sa part, le Fonds monétaire international ne cesse de revoir à la baisse ses prévisions de croissance pour les États-Unis avec un nouveau scénario de 0,5 % pour 2008 cachant une récession. Le FMI va également ramener ses prévisions pour l'économie mondiale à un niveau anémique. L'ONU avait déjà lancé les mots «récession mondiale» avant ces institutions. De quoi donner du carburant à tous ces scénarios catastrophe.
Déjà, nombre d'analystes nous parlent de ressemblance avec les crises les plus sévères de l'histoire. L'ex-président de la Réserve fédérale, Alan Greenspan, a prédit du temps très difficile à venir, du jamais vu depuis la Grande Dépression des années 1930. Dans le camp des alarmistes, le plus fertile dans le genre apocalyptique est sûrement le Laboratoire européen d'anticipation politique. Depuis plus d'un an, et bien avant l'éclatement de la bulle des subprimes, LEAP/E2020 nous parle de la Très Grande Dépression américaine de 2008-18.
Ce groupe de chercheurs retient que, pour les États-Unis, 2007 a marqué l'entrée «dans une crise socioéconomique sans précédent». Il nous propose «les sept séquences de la phase d'impact de la crise systémique globale», qui doivent «atteindre simultanément leur pic au cours de 2008»:
- séquence 1: l'infection financière globale par l'endettement américain (100 ans après les «emprunts russes», les «dettes américaines»);
- séquence 2: l'effondrement boursier, en particulier en Asie et aux États-Unis (de -50 % à -20 % en un an, pour les Bourses, selon les régions du monde);
- séquence 3: l'éclatement de l'ensemble des bulles immobilières mondiales (Royaume-Uni, Espagne, France et pays émergents);
- séquence 4: tempête monétaire (la volatilité au plus haut sur fond de dollar américain au plus bas);
- séquence 5: stagflation de l'économie globale (récessflation aux États-Unis, croissance molle en Europe, récession);
- séquence 6: Très Grande Dépression aux États-Unis, crise sociale et montée en puissance des militaires dans la gestion du pays;
- séquence 7: accélération brutale de la recomposition stratégique globale, attaque sur l'Iran, Israël au bord du gouffre, chaos moyen-oriental, crise énergétique.
Depuis, ce groupe de chercheurs, qui se définit comme étant indépendant de tout gouvernement ou de groupe d'intérêts, a ajouté, pour la fin de 2008, la déroute des fonds de retraite à son scénario de crise systémique globale.
On voit pourtant la Fed manoeuvrer intelligemment sur tous les fronts. D'abord en injectant des liquidités afin d'éviter l'implosion du système bancaire et un dérapage systémique d'une crise d'abord institutionnelle. Puis en appuyant une opération de sauvetage de l'une des cinq plus grosses banques d'affaires du pays, sinon condamnée à une faillite qui n'aurait pas été sans provoquer une onde de choc violente en cette conjoncture de confiance fragile. Enfin, en prolongeant la vie d'instruments financiers de bonne qualité mais gelés par un ressentiment émotif d'investisseurs déplorant un manque de transparence.
Sur la scène économique, la Fed retient l'arme de l'assouplissement des taux d'intérêt tout en laissant le marché s'épurer de ses excès provoqués par la bulle immobilière.
Mais on lui reproche plutôt de manquer d'originalité et de moyens, et d'utiliser le levier des taux d'intérêt afin d'inciter les ménages à dépenser alors qu'ils devraient plutôt alléger le poids de leur dette. Stephen Jarislowsky, gestionnaire-vedette, n'a pas mâché ses mots dans une récente entrevue au magazine spécialisé Objectif Conseillers: «Tout ce que les banques centrales savent faire, c'est abaisser les taux d'intérêt. Résultats: depuis dix ans, nous évoluons d'une bulle à l'autre. Quant au problème de base, il reste tout entier, voire il s'en trouve exacerbé par une accélération de la surconsommation. Il faudrait pourtant épurer les excès. Au lieu de cela, on essaie de stabiliser les choses, à des niveaux insoutenables.»
Pour Europe 2020, l'action de la Fed ne fait que préparer la prochaine explosion de 500 000 milliards $US que représente le marché des produits financiers dérivés.
Voilà pour les pessimistes. Pour les autres:
- l'actuelle récession serait la 11e à frapper l'économie américaine depuis la Seconde Guerre mondiale;
- l'actuelle tourmente des subprimes serait la 14e crise financière à frapper l'économie mondiale depuis 100 ans;
- l'actuelle phase de correction en Bourse serait le 13e marché boursier fondamentalement baissier depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale;
- Michel Nadeau, ex-numéro deux de la Caisse de dépôt et placement du Québec, retient que «c'est un classique. On ressort des scénarios noirs, qui sont relayés par des médias financiers». Mais «faire peur au monde, ce n'est pas mauvais. On se prémunit contre un éventuel dérapage».
- Benoit Durocher, président du gestionnaire Addenda Capital, paraphrase le Prix Nobel Paul A. Samuelson, qui retenait que «les corrections boursières ont prévu neuf des cinq dernières récessions».
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