Le jour même où le ministre des Finances, Michel Audet, faisait le point sur la situation financière du gouvernement du Québec, le vérificateur général publiait un rapport spécial portant sur les états financiers du même gouvernement. Une fois encore, le vérificateur a remis les pendules à l'heure.
Chaque automne, le ministre des Finances du Québec présente les résultats définitifs enregistrés lors de l'exercice budgétaire de l'année précédente, terminée le 31 mars, et ceux de la première moitié de l'année en cours. Pour 2005-06, le ministre Audet rapporte un minuscule excédent de 37 millions par rapport à des dépenses de 56,1 milliards, une performance qu'il se promet de répéter à une quinzaine de millions près cette année. Sur une base cumulée depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur l'équilibre budgétaire, adoptée par le gouvernement précédent, le solde positif atteindrait maintenant les 192 millions. En somme, s'il faut en croire le ministre Audet, le Québec est toujours sur la corde raide mais réussit tout de même à équilibrer ses finances, comme l'exige la loi.
Or telle n'est pas la conclusion à laquelle en arrive le vérificateur général, Renaud Lachance, au terme de son analyse effectuée pour l'Assemblée nationale. Selon lui, ce n'est pas un surplus mais un déficit cumulé qui devrait apparaître aux livres du gouvernement, et son ampleur est considérable puisqu'il atteint désormais 5,3 milliards, et ce, sans inclure le déficit cumulé de 1,3 milliard des réseaux de la santé et de l'éducation. Nouveau total : 6,6 milliards !
Comment peut-on en arriver à une différence aussi considérable ? En utilisant les mêmes astuces que tous les gouvernements précédents. Il faut dire que le ministère des Finances du Québec est une pépinière de comptables créatifs qui ne manquent pas une occasion d'inventer des trucs pour faire bien paraître une situation toujours aussi critique.
Ainsi, on se rappellera qu'après avoir ajouté trois milliards de dollars en revenus de péréquation perçus en trop d'Ottawa entre 2001 et 2004, Québec n'a pas soustrait cette somme de ses revenus quand il a appris la mauvaise nouvelle, se contentant d'ajouter cette somme à la dette. Il a fait de même avec la CSST : en 1997-98, il l'a intégrée à son périmètre comptable sans ajouter le déficit cumulé à ses propres dépenses de l'année. Pourtant, lorsqu'il a décidé de rendre sa liberté à cet organisme toujours déficitaire, en 2002-03, il s'est permis d'ajouter le déficit cumulé de 680 millions à ses propres revenus, comme si le fait de se délester de cette dette lui fournissait des revenus supplémentaires équivalents. Pourquoi se gêner quand on contrôle la machine ?
Car c'est de cela qu'il s'agit : contrairement aux entreprises privées, les gouvernements ne sont soumis à aucune règle comptable qu'ils n'aient eux-mêmes approuvée. Lorsque le vérificateur général lui rappelle qu'il devrait adopter les règles communes proposées par des organisations comme l'Institut des comptables agréés (ICCA), le ministère des Finances rétorque ceci : «La loi confie au ministre la responsabilité d'élaborer les conventions comptables [du gouvernement] et il ne serait pas approprié de soumettre le gouvernement à un respect intégral des normes de l'ICCA.» Point. Qu'il y ait conflit d'intérêts, voilà qui importe moins que l'apparence de bonne gestion.
Au point où nous en sommes, il est devenu très risqué de rapporter les résultats financiers publiés par le ministre des Finances du Québec puisqu'ils ont perdu toute crédibilité. À défaut de corrections majeures, les commentateurs de la scène politique seront bien avisés d'accompagner la publication de ces états financiers des commentaires rigoureux et non partisans du vérificateur général.
j-rsansfacon@ledevoir.com
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