Le ton était alarmiste et les rapports s'agglutinaient autour de la même urgence: sans «taxe à la vieillesse», le régime public de santé était voué au naufrage. Or ces experts avaient tout faux et l'avertissement répété n'était qu'une fausse alerte, nous dit le ministre de la Santé, Philippe Couillard.
Le comité de travail présidé par L. Jacques Ménard a déposé un rapport sans équivoque le 28 juillet 2005. Moins de cinq ans plus tôt, c'était celui de la commission Clair qui faisait les manchettes. Deux grands rapports, même constat: le régime public de santé ne pouvait survivre au statu quo, sa pérennité étant menacée par le vieillissement de la population. Or Philippe Couillard est venu remettre les pendules à l'heure en invitant tous et chacun à ne pas donner dans la surdramatisation.
En entrevue éditoriale au Soleil, le ministre de la Santé et des Services sociaux a écarté tout scénario catastrophe. Il n'y a pas de naufrage à l'horizon et tant que la hausse annuelle des dépenses de santé ne sera pas supérieure à 6,5 %, les Québécois pourront s'offrir leur système de santé, assure-t-il. À l'intérieur de ces paramètres, le financement du système de santé serait adéquat, et ce, sans devoir recourir au ticket modérateur, à la privatisation ou encore à la mise sur pied d'une caisse-santé capitalisée.
Philippe Couillard reconnaît que l'inversion de la pyramide démographique n'est pas sans provoquer certaines pressions. Du moins, il estime que les Québécois n'ont pas les moyens ou la capacité d'accroître ou d'élargir le panier de services offerts. Mais il croit que l'on pourra éviter le dérapage grâce à une gestion serrée des coûts et de l'offre, et à un investissement dans la prévention.
Pourtant, le rapport Ménard nous disait que, si le principe de l'universalité demeurait et que le statu quo était retenu, dans 25 ans les dépenses de santé compteraient pour 68 % des dépenses du gouvernement québécois contre 43 % présentement et 35 % il y a dix ans. Quant à l'équité intergénérationnelle, ce rapport soulignait que, dans 20 ou 25 ans, il n'y aurait plus que deux travailleurs pour chaque personne âgée, contre cinq actuellement et huit dans les années 1970. De quoi mettre à mal - en apparence, du moins - le modèle actuel du contribuable assurant les prestations aux bénéficiaires.
Très au fait de cette réalité, le ministre Couillard n'est pas sans s'inspirer de l'autre partie de l'équation. Selon les projections du Conference Board, la partie publique de la facture des soins de santé, celle qui sera refilée aux gouvernements, devrait croître de 83 % d'ici 2020, un bond qui ne peut être dissocié de l'arrivée massive des baby-boomers à l'âge de la retraite. Mais un peu plus du quart de cette augmentation, soit 28 %, serait directement imputable au vieillissement de la population. Le reste se veut une projection des coûts du système actuel, tel qu'il fonctionne présentement, avec ses inefficacités.
L'Association des comptables généraux accrédités du Canada (CGA) a été plus loin. En opposant les colonnes dépenses et revenus, elle est arrivée à la conclusion que, si les baby-boomers seront responsables de 30 % de l'augmentation prévue des dépenses de santé, leurs contributions seront au moins équivalentes.
Le ministre Couillard a donc écarté, au passage, le concept de caisse-santé, comme l'avait fait avant lui le gouvernement péquiste. Ce concept de régime capitalisé constituait la pièce maîtresse du rapport de la commission Clair sur l'avenir du système de santé au Québec, déposé au début de 2001. Il a été repris et repositionné sous forme de régime d'assurance contre la perte d'autonomie dans le rapport du Comité de travail sur la pérennité du système de santé et des services sociaux présidé par L. Jacques Ménard, remis le 28 juillet 2005.
Une formule que les observateurs plus sceptiques ont tôt fait d'associer à une taxe sur le vieillissement. Une «taxe-vieillesse» dont l'instauration a été fortement recommandée par la douzaine de signataires du manifeste Pour un Québec lucide, présenté le 19 octobre dernier
Sans appuyer ce scepticisme, le ministre Couillard a reconnu lors de l'entrevue au quotidien de Québec que ce type de régime invite trop souvent les gouvernements à piger dans la caisse à d'autres fins. L'histoire de la CSST, de la SAAQ et même du RRQ nous enseigne qu'une telle mécanique a toujours incité au désengagement de l'État ou au détournement des sommes vers le fonds consolidé ou le cadre budgétaire du gouvernement.
Et sans leur répliquer, le ministre Couillard n'a pas moins décoché indirectement une flèche à l'endroit des «lucides». Dans leur document d'une dizaine de pages, les signataires du manifeste n'ont fait qu'évoquer le déséquilibre fiscal. Une phrase ou deux, seulement, pour reconnaître que ce déséquilibre existe, qu'il faut rétablir la situation au plus tôt et que cela aiderait à résoudre le problème des finances publiques. Le ministre de la Santé est plus catégorique. La solution se trouve dans les coffres d'Ottawa. Elle passe par une meilleure redistribution de la richesse collective d'un océan à l'autre.
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