Facebook continue de faire le ménage. Mercredi 19 août, le réseau social américain a supprimé 900 pages et groupes, ainsi que 1 500 publicités liées à la théorie complotiste QAnon, rapporte le site de la chaîne américaine NBC. Dix mille pages Instagram, ainsi que près de 2 000 groupes Facebook et plus de 400 pages ont également vu leur portée réduite, afin de limiter leur expansion, écrit le New York Times.
Selon NBC, « Facebook a également supprimé des milliers de comptes, pages et groupes dans le cadre d’une “extension de ses règlements”, qui vise à limiter la rhétorique violente liée à QAnon, aux milices politiques et aux groupes protestataires comme les antifas ». Le site d’information américain précise qu’avec l’instauration de ces nouvelles règles, Facebook ne fera plus apparaître ces groupes et comptes parmi ses recommandations.
Ces suppressions interviennent moins de deux semaines après la suppression d’un autre groupe qui rassemblait 200 000 utilisateurs. Selon Facebook, ce groupe avait été supprimé parce que plusieurs de ses membres n’avaient pas respecté les règles de modération du réseau social, notamment en matière de harcèlement, de discours haineux et de propagation de fausses informations pouvant être dangereuses.
Fin juillet, Twitter avait banni 7 000 comptes et réduit la visibilité de 150 000 autres en juillet, tandis que TikTok a annoncé bloquer des hashtags liés à la mouvance quelques jours plus tard.
QAnon est une théorie conspirationniste qui, à ses débuts, en 2017, assurait que Donald Trump travaillait en secret à débarrasser le monde d’une cabale d’élites responsable de tous les maux du monde. Depuis, souligne très justement le site américain The Hill, « la théorie a évolué pour inclure des dizaines d’autres théories complotistes sous son égide ». Spécialiste de ces mouvements, la chercheuse américaine Renée DiResta parle d’une « omnithéorie complotiste », dont le FBI a dénoncé le danger en août 2019.
Un temps à la marge, QAnon a gagné en importance ces derniers mois. Une étude reprise par le Wall Street Journal le 13 août révélait que le nombre de membres moyen des dix plus gros groupes publics sur Facebook avait grossi de 600 % entre mars et juillet, passant de 6 000 à 40 000. Une enquête préliminaire interne réalisée par le réseau social début août avait permis de découvrir des milliers de groupes et pages consacrés à la théorie conspirationniste, qui rassemblerait des centaines de milliers, voire des millions d’utilisateurs.
QAnon s’est également fait une place sur le plan politique. Au moins 19 personnes adeptes de cette théorie complotiste seront candidates pour un siège au Congrès
Plusieurs facteurs expliquent cette croissance, selon différents chercheurs qui étudient ces questions. « Les confinements ont contraint les gens à passer plus de temps chez eux, devant leurs écrans, ce qui augmente les chances d’être exposés à la désinformation en ligne, avance le Wall Street Journal. Les chercheurs expliquent également que les réseaux sociaux ont permis aux gens de trouver plus facilement ces publications, parce que leur contenu à sensation fait qu’il est plus probable qu’ils soient partagés par des utilisateurs ou recommandés par les algorithmes de l’entreprise. »
QAnon s’est également fait une place sur le plan politique. Au moins 19 personnes adeptes de cette théorie complotiste (ou qui lui ont donné du crédit) seront candidates pour un siège au Congrès américain (Chambre des représentants ou Sénat), le 3 novembre.
Parmi elles, l’une des plus grandes défenseuses de cette théorie complotiste, Marjorie Taylor Greene, est quasiment assurée d’un siège à Washington, ayant remporté la primaire républicaine dans un district de Géorgie où son prédécesseur s’était imposé avec 50 points d’avance en 2018.
S’il ne s’était jamais exprimé sur le sujet, Donald Trump a longtemps relayé des comptes et slogans affiliés à QAnon par son compte Twitter. Mais comme l’expliquait au Monde le chercheur américain Alex Kaplan, au début du mois d’août, cela ne voulait pas dire que le président américain soutenait QAnon : « Donald Trump aime amplifier des choses dont il sent qu’elles peuvent l’aider ou s’insérer dans un discours pro-Trump. Que ce soit du contenu QAnon ou autre chose, c’est du pareil au même », nuançait-il.
Après avoir évité une première question sur le sujet, le 14 août, le président américain a, finalement, répondu à une autre cinq jours plus tard lorsqu’une journaliste lui a demandé ce qu’il pensait du mouvement qui avait pris de l’ampleur pendant la pandémie. « Je ne sais pas grand-chose à part qu’ils m’aiment apparemment beaucoup, ce que j’aime bien, assure-t-il. Mais je ne sais pas grand-chose sur le mouvement. (…) J’ai entendu dire que c’étaient des gens qui aimaient notre pays. »
Interrogé sur sa place de héros au sein d’un mouvement qui fait de lui l’homme qui « sauve secrètement le monde d’un culte satanique de cannibales et pédophiles », Trump n’a pas repris la formulation. « Je n’en ai pas entendu parler, mais c’est censé être mal ou bien ?, a demandé le président américain. Si je peux aider à sauver le monde de problèmes, je suis prêt à le faire, je suis prêt à y aller. Et c’est ce qu’on fait d’ailleurs. Nous sauvons le monde d’une philosophie de gauche radicale qui va détruire ce pays. Et quand ce pays sera détruit, le reste du monde suivra. »
REPORTER: QAnon believes you are secretly saving the world from this cult of pedophiles and cannibals. Are you behi… https://t.co/a6i2VzSYC2
Comme l’ont noté plusieurs journalistes américains, les adeptes de QAnon se sont rapidement réjouis de cette absence de condamnation de la part de leur héros. Si Donald Trump a longtemps embrassé des théories complotistes, dans ce cas précis, souligne le New York Times, « sa réponse a constitué une remarquable expression publique de soutien à un mouvement complotiste marginal qui a inspiré des explosions de violence ».
Comme le Pizzagate, autre théorie du complot datant de 2016, QAnon a eu des conséquences loin derrière les écrans. NBC rappelait ainsi en juillet que plusieurs adeptes de cette théorie complotiste ont « été impliqués dans des altercations avec la police, des tentatives d’enlèvement, du harcèlement et un meurtre ».