Je faisais récemment une conférence dans un cégep.
Après la conférence, la conversation s’est poursuivie avec certains étudiants, notamment une jeune femme. Elle était brillante, éloquente, cultivée.
Elle était souverainiste et je le suis : nous avions cela en commun. Nous voulons habiter le même pays. Pour le reste, j’avais l’impression que nous habitions deux planètes différentes. Surtout lorsque nous avons abordé la question du féminisme, de la théorie du genre, et de la masculinité au Québec.
Je résume sa position en la simplifiant. Pour elle, les individus devraient pouvoir s’émanciper de la masculinité et de la féminité. Dans son esprit, chacun devrait pouvoir choisir son identité de genre et se délivrer des représentations culturelles associées à chaque sexe.
Masculinité
Que l’individu se définisse comme homme, comme femme ou autre chose ne devrait être rien d’autre qu’une question de préférence personnelle.
Pour moi, l’humanité est composée d’hommes et de femmes et les deux sexes ne sont pas interchangeables. Il y a évidemment des situations exceptionnelles qu’on doit aborder avec la plus grande ouverture d’esprit et la plus grande compréhension, mais elles ne sauraient justifier la déconstruction de catégories plurimillénaires.
Et si la signification du masculin et du féminin évolue d’une époque et d’une civilisation à l’autre, on ne peut imaginer un monde les abolissant. À moins de mutiler l’âme humaine.
Un des arguments de mon interlocutrice portait, toutefois.
Est-ce qu’au Québec, nous ne nous soumettons pas à une définition trop étroite de la masculinité ? Cette définition ne serait-elle pas étouffante ? Chez nous, un homme, un vrai, c’est un bûcheron, un draveur, un trappeur. C’est Ovila Pronovost en chemise à carreaux. C’est un taiseux, sauf quand il faut parler du Canadien.
Mais un homme qui se passionne pour la culture, pour les arts, pour la vie de l’esprit et des idées est vite suspecté de manquer de virilité.
De même, je ne suis pas de ceux qui croient que la tendresse est une qualité exclusivement féminine. Mais elle ne s’exprime pas de la même manière chez les deux sexes.
Je garde en tête deux films de ma jeunesse, qui m’avaient profondément ému : La gloire de mon père, et Le château de ma mère, tirés de l’œuvre de Marcel Pagnol. Deux personnages masculins entourent le petit Marcel : son père, Joseph, et son oncle Jules. Ils sont tendres et affectueux sans qu’on doute pour autant de leur masculinité.
Modèles
Il serait sot de croire que certains sentiments sont réservés aux hommes, et d’autres, aux femmes. Mais chaque sexe décline à sa manière les sentiments fondamentaux de l’humanité. Chaque sexe habite le monde à sa manière.
C’est au contact de la culture que notre imaginaire s’enrichit et apprend à varier les modèles sexuels. Un homme devrait pouvoir être élégant, raffiné, cultivé, délicat, et viril, tout à la fois. Sans jamais douter d’être un homme, autrement dit.
Mais comme diraient les féministes, il y a encore beaucoup de chemin à faire pour en arriver là !