Le congrès virtuel du Parti conservateur du Canada (PCC) n’a pas amélioré l’appui du PCC dans la population. Voici les résultats du premier sondage post-congrès (en date du 21 mars) : le PCC perd un point, son appui dans les intentions de voter s’établit désormais à 29,9 % alors que deux semaines plus tôt il était encore de 30,7 %.
Certains prétendront que c’est le fait que la base n’a pas accepté la proposition sur la réalité du changement climatique. Les gros médias s’en sont régalés : voyez ces rétrogrades anti-Science. Ceci nous semble un raccourci, car l’opposition portait à notre sens plutôt sur les politiques proposées ou suggérées dans le corps de la résolution.
D’autres attribueront cette baisse au fait que M. O’Toole a aliéné sa base en faisant preuve d’un manque de charisme, de volonté de compromis avec un pan entier de sa famille politique et en soutenant des manigances et magouilles multiples pour évincer ses rivaux qui ne l’ont pas grandi. Au lieu de vouloir faire la morale à sa base en voulant étouffer tout débat (« le débat est clos ! »), il aurait manqué d’habilité. Il aurait dû arrondir les angles et ne pas chercher la confrontation avec sa base sur plusieurs sujets : notamment l’avortement ou le climat (*).
Rappelons que le PCC avait déjà une politique dans le domaine de l’environnement qui abordait les changements climatiques dont voici un extrait :
Nous croyons que le Canada devrait établir un programme de crédits d’impôt afin de promouvoir des solutions écologiques dans les domaines du transport et de l’innovation entrepreneuriale, par exemple.
Nous croyons que les gouvernements fédéral et territoriaux devraient faire des investissements conjoints afin d’étudier l’adaptation aux changements climatiques dans le Nord et d’y donner suite.
la modification de politique sur le climat mise aux voix ajoutait ceci :
Nous reconnaissons que les changements climatiques sont réels. Le Parti conservateur a la volonté d’agir.
Nous croyons que l’on doit responsabiliser les entreprises canadiennes, catégorisées super-polluantes, à mettre en place des mesures qui vont réduire leurs GES avec une imputabilité de résultat.
Nous croyons qu’il faut soutenir l’innovation en technologies vertes. Il faut devenir un leader mondial et s’en servir comme levier de développement économique.
Ceci est apparu à de nombreux délégués avec lesquels nous avons parlé comme un succédané du discours libéral de Trudeau : « on aurait cru lire du Biden ».
C’était une proposition malhabile qui ne pouvait que braquer les climatosceptiques ou ceux qui subodorent des dépenses massives (des subventions, des taxes et des impôts) pour créer une industrie verte sous perfusion (est-ce que cela réussit à l’Allemagne ?) ou encore ceux qui préfèrent parler d’adaptation aux changements climatiques, changements qui n’ont pas que des désavantages pour un pays glacé comme le Canada. [Voir Les miraculeux emplois verts s’effondrent en Allemagne et Écologie : L’échec allemand].
Bref, un Erin O’Toole plus avisé aurait évité un affrontement direct contreproductif. En voulant plaire à la médiacratie et au commentariat progressiste, il a offert l’image d’un parti divisé, d’un chef mal aimé, il aurait dû refuser de créer un abcès sur ce point. Nous pensons qu’il a trop écouté ceux qui lui soufflaient à l’oreille qu’il fallait emboîter le pas des progressistes sur les thèmes sociétaux. Pourtant, M. O'Toole aurait pu contenter sa base conservatrice morale par quelques mesures symboliques sans conséquence (comme savent le faire les gauchistes) : condamner l’euthanasie sans cesse plus facilement disponible, refuser l’avortement sélectif (qui peut justifier que l’on tue des filles à naître à cause de leur sexe ?) et se concentrer sur des mesures économiques profamille, sur des politiques proliberté d’expression (*), des propositions pour réindustrialiser le pays (aucun fabricant de vaccin Covid au Canada, quel scandale !) et enfoncer le clou dans le domaine de l’autonomie forte des provinces (Alberta et Québec) dans toute une série de domaines dont la langue, l’immigration et la fiscalité (une seule déclaration fiscale). Bref, se distinguer des progressistes sans aliéner sa base.
M. O’Toole pourra-t-il rattraper la sauce ? On peut en douter.
Nous le regrettons, car nous pensons que la meilleure façon pour que le Québec obtienne plus d’autonomie (ce qui lui permettrait de décider davantage de sa politique migratoire, fiscale et linguistique) est de soutenir le discours décentralisateur prôné par le PCC actuellement, de profiter du besoin de l’Ouest conservateur d’un allié au Québec. Que ce soit avec un PCC majoritaire comprenant une très grande délégation québécoise ou (sans doute mieux) d’une coalition de deux partis minoritaires faite du PCC et du Bloc Québécois pour obtenir ainsi la majorité au parlement. Encore faudrait-il que ce BQ préfère davantage d’autonomie pour le Québec à davantage de politiques progressistes au Canada y compris au Québec...
(*) L’establishment du PCC a également essayé de faire supprimer ce paragraphe : « Nous sommes en faveur d’une législation retirant le pouvoir de la Commission canadienne des droits de la personne et du Tribunal canadien des droits de la personne de réglementer, de recevoir, d’enquêter sur ou de juger les plaintes relatives à l’article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne ». La mesure n’a été battue que par 50,60 % des membres. Ce paragraphe faisait suite au combat épique de Mark Steyn et Ezra Levant contre « cette parodie de tribunal » qu’est le Tribunal canadien des droits de la personne. Aucune justification par écrit à cette suppression étonnante n’avait été fournie.
Billet originel du 20 mars
Un de nos correspondants est délégué au congrès du parti conservateur du Canada (PCC). Voici son rapport.
La deuxième journée du congrès du PCC qui rassemble en ligne quelque 3500 délégués s’est terminée par un discours de Erin O’Toole (ci-contre, à droite).
Erin O’Toole a déclaré que le Parti conservateur du Canada qu’il dirige depuis août 2020 doit « changer » s’il désire remporter les prochaines élections parce que le Canada a changé. C’est une vieille ficelle rhétorique, les circonstances changent toujours. Elle peut servir à justifier n’importe quelle politique : accompagner ce changement et donc abandonner ses anciennes valeurs ou lutter contre ce changement et revenir à une position plus ferme, plus conservatrice dans ce cas-ci. Pour le Parti conservateur du Canada, il s’agit toujours de courir après les libéraux et d’être moins conservateurs.
Dans un discours à ses militants, vendredi soir, M. O’Toole a déclaré que son parti peut battre les libéraux de Justin Trudeau (à gauche, ci-contre) aux prochaines élections, mais uniquement s’il change ses façons de faire et présente de nouvelles idées pour rallier les Canadiens.
O’Toole a déclaré que le parti doit faire plus que changer ses positions politiques — il doit également faire tout ce qui est en son pouvoir pour accueillir les Canadiens de toutes les origines raciales et ethniques et les membres de la communauté LGBTQ.
Manque de courage et de pédagogie
Le manque de courage d’Erin O’Toole était frappant, il semble se résigner à accompagner le mouvement que la gauche impose à la société. Il ne cherche pas à convaincre les Canadiens de la justesse des politiques conservatrices, à faire preuve de pédagogie, il n’envisage aucune mesure ambitieuse pour renverser la situation et promouvoir des valeurs conservatrices dans la société. Aucune ambition de déplacer un tant soit peu la fenêtre d’Overton vers la droite conservatrice sur n’importe quel sujet sociétal. Rien.
Pas un mot sur l’immigration
Erin O’Toole a bien raison : le Canada a changé. Il a par exemple connu un afflux massif d’immigrants, à tel point que ses métropoles ont vu leurs compositions ethniques et culturelles bouleversées. Or Erin O’Toole n’a pas abordé cette question, pas un mot, aucune proposition de politiques dans ce sens soumise aux délégués. Pourtant le Canada a changé, ne serait-il pas temps de réviser la politique migratoire de celui-ci ?
Priorité climatique, rejetée par les délégués
Erin O’Toole a également lancé un message aux militants climatosceptiques, il a déclaré : « Nous ne pouvons pas ignorer la réalité des changements climatiques. Le débat est clos. » « Je ne permettrai pas que 338 candidats aient à se défendre contre le mensonge véhiculé par les libéraux selon lequel nous sommes un parti de climatosceptiques », a-t-il ajouté.
Malgré une forte pression de M. O’Toole et des dirigeants du parti (en particulier au Québec), une mesure soumise aux délégués visant à faire reconnaître la « réalité des changements climatiques » et à adopter un discours très acceptable pour la gauche progressiste sur le sujet a été rejetée par la majorité des délégués.
La nouvelle politique déclarait : « Nous croyons que l’on doit responsabiliser les entreprises canadiennes, catégorisées superpolluantes, à mettre en place des mesures qui vont réduire leurs GES avec une imputabilité de résultat. Nous croyons qu’il faut soutenir l’innovation en technologies vertes. Il faut devenir un leader mondial et s’en servir comme levier de développement économique. »
Cette proposition a été rejetée par 54 % des délégués. Seules les provinces de l’Est l’ont approuvée : le Québec et les provinces de l’Atlantique.
Cela n’arrêtera pas M. O’Toole et l’élite « rouge » du parti conservateur, nous pensons qu’ils passeront outre.
Ajoutons que, pour nous, le parti conservateur peut être un parti pro-environnement sans verser dans le correctivisme climatique. Personne ne veut d’un lac empoisonné, de pollution au plomb, de nature sans cesse bétonnée. Une première mesure simple pour limiter l’augmentation de la pollution consisterait à limiter l’immigration de masse qui fait grossir les métropoles canadiennes aux dépens de terres agricoles tout en augmentant la pollution. Mais l’immigration est un tabou pour M. O’Toole qui prétend avoir un plan « courageux » (« bold ») dans le dossier de l’écologie, alors qu’il ne fait qu’adopter le prêt-à-penser progressiste et réchauffiste.
Lutter contre la pollution, d’accord, mais réduire les gaz à effet de serre et à quel prix c’est tout autre chose. Même si l’on admet un léger réchauffement climatique depuis le début de l’industrialisation (c’est un fait), cela n’est en rien dramatique. Est-ce que la réduction de nos GES y changera quoi que ce soit ? Et à quel prix ? Enfin, en quoi, le réchauffement d’une terre glacée comme le Canada serait globalement une mauvaise chose ? Pourquoi lutter contre ce réchauffement climatique plutôt que de s’y adapter et d’en tirer parti. Là le débat n’est pas du tout clos.
Paradoxalement, pour M. O’Toole on ne peut lutter contre les changements sociétaux à l’œuvre au Canada, mais il ne doute pas qu’il faille lutter contre des forces nettement plus importantes, planétaires, et combattre le réchauffement climatique qui ne menace en rien le Canada. [Voir Le Canada se réchauffe deux fois plus vite que le reste de la planète… Est-ce grave ? et Climat — « L'Occident est fatigué et déprimé »]
Défaite d’« une politique sociale progressiste »
Parmi les changements proposés à la constitution (les statuts) du PCC se trouvait celui-ci : modifier
Ayant la conviction qui procède de l’équilibre entre la responsabilité financière, une politique sociale humanitaire qui habilite les moins fortunés en faisant la promotion de l’autosuffisance et l’égalité des chances, et les droits et responsabilités des personnes, des familles et des associations.
en
Ayant la conviction qui procède de l’équilibre entre la responsabilité financière, une politique sociale progressiste et des droits et responsabilités individuels
La justification donnée était étrange « nous suggérons de remplacer le mot “responsabilisation” par le mot “responsabilité”, car nous estimons qu’il s’agit d’un terme plus actif qui met davantage l’accent sur l’action ». Bizarre car le mot « responsabilisation » n’apparaissait pas dans le libellé en français et cette justification n’expliquait en rien l’introduction de « politique sociale progressiste ».
Cette suggestion de modification « progressiste » aux statuts a été rondement défaite par plus de 75 % des 3500 délégués.
Une main tendue aux nationalistes et autonomistes québécois
Erin O’Toole a aussi pris soin de tendre une grande perche aux Québécois, s’engageant à négocier de nouvelles ententes administratives avec le gouvernement du Québec pour instaurer par exemple un formulaire de déclaration de revenus unique ou pour augmenter le pouvoir du Québec en culture et en immigration ou encore appliquer la Loi 101 aux entreprises à charte fédérale.
« Je m’engage à défendre les intérêts du Québec. […] Les Québécois ont besoin d’une voix forte à la table des décisions. Nous allons agir pour le Québec », a-t-il fait valoir.
« J’invite les nationalistes québécois, fédéralistes ou autonomistes, à venir partager le pouvoir avec moi à Ottawa. Nous allons former une grande coalition conservatrice. »
Il semble que M. O’Toole fasse le pari, en effectuant son virage sociétal à gauche, qu’il peut se permettre de perdre des voix dans l’Ouest conservateur, il y conservera ses sièges car le PCC y a beaucoup de marge, mais qu’avec son appel aux Québécois et à la frange rouge du PCC il gagnera de nouveaux sièges dans l’Est, sièges critiques pour obtenir une majorité au parlement. La question pour votre correspondant est de savoir si M. O’Toole, qui a trahi son aile conservatrice morale qui l’avait soutenu contre Peter MacKay lors de la course à la chefferie, ne trahira pas les Québécois nationalistes s’il arrivait au pouvoir grâce à eux.
La base fait perdre du poids au Québec au sein du parti conservateur
Notons que M. Erin O’Toole a beau faire les yeux doux au Québec et à l’Acadie, il n’est à nouveau pas suivi par sa base. En effet, la balance du pouvoir au sein du Parti conservateur du Canada (PCC) penchera dorénavant en défaveur des provinces comme le Québec, quand viendra le temps de choisir le prochain chef.
Les règles actuelles, qui ont permis à Stephen Harper, Andrew Scheer et Erin O’Toole de devenir chefs, viennent d’être modifiées par les délégués au congrès. Les changements adoptés enlèveront du poids aux circonscriptions qui n’ont pas suffisamment de membres.
Selon Radio-Canada, des conservateurs québécois craignent que ces nouvelles règles changent le rapport de force entre l’aile plus progressiste du Québec et la faction plus à droite de l’Ouest canadien.
Rappelons que la conservatrice sociale Leslyn Lewis avait eu plus de voix, mais moins de points que MacKay et O’Toole au 2e tour du scrutin à la direction du parti conservateur en août 2020 à cause de ce système qui favorisait le Québec en lui attribuant de nombreux points.
Une peur bleue de déplaire aux médias de gauche sur l’avortement
Lors d’une réunion Zoom préalable au congrès virtuel et réservée aux délégués du Québec, il a été question d’une proposition qui serait soumise aux voix portant sur l’interdiction de l’avortement sélectif (c’était faux). Ce qui est intéressant c’est que les organisateurs ont bien fait comprendre qu’il serait dangereux de soutenir cette proposition de politique, que la presse s’en emparerait et que cela rendrait d’autant plus difficile l’élection du PCC. Qui au Canada est vraiment pour l’avortement sélectif (tuer des filles à naître parce que filles) ? Quel est ce parti conservateur qui ne peut même pas défendre cette politique ?
Les efforts de la Campaign Life Coalition — un groupe anti-avortement bien organisé qui a soutenu des conservateurs sociaux comme Derek Sloan et Leslyn Lewis lors de la dernière course à la direction — n’ont pas réussi à soumettre la moindre proposition de politique anti-avortement ou pro-vie aux délégués. Nous verrons ci-dessous comment la direction du PCC a verrouillé le débat et a rendu muette sa base militante.
Des militants socialement conservateurs ont pourtant fait des percées dans de nombreuses associations de circonscription électorale (ACÉ) ces derniers mois. Les conseils de certaines associations de circonscriptions de la région de Toronto laissés en sommeil après la dernière défaite électorale sont maintenant dominés par de tels militants selon la CBC.
Comme l’a rapporté le Hill Times, certains conservateurs de haut niveau — la directrice de la campagne électorale de 2015 Jenni Byrne, le président du Parti conservateur de l’Ontario Brian Patterson, l’ancien sénateur Irving Gerstein et le banquier d’investissement Mark Mulroney — n’ont pas réussi à devenir délégués au congrès en raison de la forte participation des conservateurs sociaux lors des réunions de sélection des délégués au niveau des circonscriptions locales, lequelles sont normalement peu fréquentées.
Écrémage des politiques mises au vote pour éliminer les mesures conservatrices
En dépit de ces efforts, les présidents des associations de circonscription — qui ont voté au nom de leurs membres locaux et ont écrémé la liste des politiques soumises au congrès — ont réussi à éliminer la quasi-totalité des propositions de politique de conservatisme social.
Une des rares propositions de politique de conservatisme sociale qui a survécu au couperet vise à réitérer l’opposition du parti à l’euthanasie. Elle a été massivement approuvée par plus de 74 % des délégués.
Des sources conservatrices proches du processus d’écrémage ont déclaré à la CBC que certains présidents d’associations de circonscription, amis du chef conservateur Erin O’Toole, craignaient de voter pour des politiques clivantes qui pourraient dominer la couverture médiatique de l’événement préélectoral et nuire aux perspectives électorales du parti. O’Toole a déclaré que personnellement il était pro-avortement (« pro-choix »).
Jack Fonseca, chef de projet à la Campaign Life Coalition, a déclaré qu’il pensait que le parti avait conçu ce processus pour empêcher les conservateurs sociaux de faire voter leurs propositions à la convention.
Lors de congrès antérieurs, près de 100 propositions politiques ont été débattues. Cette année, seules 34 seront soumises aux voix des délégués.
« Le parti a réduit le nombre de politiques proposées aux délégués. Nous croyons que c’était dans le but d’éliminer les politiques socialement conservatrices », a déclaré Fonseca à la CBC.
« Je pense que notre voix est en train d’être étouffée. Cela s’est produit lors de conventions précédentes et cela se produit maintenant. L’establishment du parti ne veut évidemment pas que les politiques sociales conservatrices fassent partie des politiques approuvées. Ils ont joué de sales tours dans le passé et nous croyons c’en est un autre. »
Deux propositions conservatrices proposées par 100 circonscriptions n’ont pas été acceptées, elles n’ont même pas été publiquement discutées, alors que par le passé de telles propositions ont été soumises aux voix. Derek Sloan, l’ancien député conservateur évincé sous des prétextes qui ne grandissent pas M. O’Toole, a déclaré à ce sujet : « L’élite du PCC est tellement désespérée de faire taire sa propre base militante qu’elle utilise une règle qu’elle a adoptée elle-même en janvier pour éviter d’avoir à débattre de deux amendements constitutionnels. Un amendement défendait la vie humaine, l’autre donnerait aux membres de la base plus de pouvoir dans la sélection des candidats. Pour la première fois, des amendements aux statuts du parti n’ont pas été autorisés lors d’une convention du PCC. Ce mépris est profondément antidémocratique et inacceptable. »
Évincement des conservateurs sociaux
On sait que M. O’Toole a fait expulser l’ancien candidat à la chefferie Derek Sloan, un ardent conservateur social, sous un prétexte fallacieux. On sait moins que l’establishment du parti a décidé de dissoudre l’association de circonscription électorale (ACÉ) du comté de M. Sloan parce que celle-ci s’entête à soutenir M. Sloan, injustement exclu à ses yeux.
La purge ne s’est pas arrêtée là.
Comme l’indiquait la Campaign Life Coalition dans un communiqué :
DANS SON ZÈLE À PURGER LES SOCIOCONSERVATEURS, LA DIRECTION DU PARTI BAFOUE ET CONTOURNE SES PROPRES RÈGLES POUR DISQUALIFIER LES CANDIDATS QUÉBÉCOIS AU CONSEIL NATIONAL
Ottawa, 12 mars 2021 — Dans un geste d’une malhonnêteté choquante, le Parti conservateur du Canada a disqualifié deux candidats socialement conservateurs, en recourant à un mensonge. Richard Décarie, un conservateur social bien connu, ainsi qu’un deuxième social-conservateur qui souhaite rester anonyme, ont reçu des courriels de rejet de la part du directeur général du parti, les informant que « vous n’êtes pas admissible à la candidature ».
La raison invoquée est que leurs demandes de candidature au Conseil national ont été soumises après la date limite du 11 février 2021, à 17 h (heure de l’Est).
Les candidatures de Décarie et de l’autre candidat ont pourtant été remises en main propre à 16 h 6 (heure de l’Est) à l’adresse de retour indiquée sur le formulaire. Elles n’ont pas été placées dans une boîte aux lettres, mais remises à un membre du personnel qui a pris la livraison des deux candidatures. […]
La déclaration sous serment comprenait même une photo que le coursier avait prise de lui-même devant la porte du bureau du PCC, et qui a été transmise par courriel aux candidats à 16 h 7 exactement, comme preuve que leurs candidatures avaient été livrées aux bureaux du Parti. La photo horodatée était incluse dans la lettre d’appel adressée à M. Benson. Le 4 mars dernier, M. Benson a envoyé un courriel aux candidats, et face à la preuve photo et horodatée que les paquets avaient été livrés avant la date limite du 11 février à 17 h, il a écrit : « Il n’y a aucune raison de revenir sur ma décision du 25 février 2021, et vous êtes donc inéligible à l’élection du Conseil national… cette décision est définitive et contraignante et ne peut faire l’objet d’aucun autre appel ».
« Ce niveau de sournoiserie et de malhonnêteté est indigne du PCC, qui s’est toujours présenté comme étant fièrement plus démocratique que les libéraux », a déclaré Jeff Gunnarson, président de Campaign Life Coalition (CLC). « En faisant la guerre à sa propre base, qui est en grande partie conservatrice sur le plan social, le parti nuit considérablement à ses chances électorales lors des prochaines élections. Nous demandons au Parti de s’excuser pour ce mauvais traitement des candidats, et de les inscrire sur le bulletin de vote pour les élections du Conseil national du Québec. »
Bien évidemment, le parti n’est pas revenu sur sa décision qui nous semble inique.
Dans un autre dossier, Mme Ghada Melek, chrétienne copte et candidate actuelle du PCC à Mississauga, avait également vu sa candidature rejetée par le parti. Mme Melek n’avait pas accepté cette décision injuste à ses yeux et s’était tournée vers les tribunaux. Elle a récemment gagné son appel et le juge a ordonné que sa candidature au Conseil national du PCC soit reconnue, après avoir été injustement exclue du scrutin.
Pour Derek Sloan, « Il est triste que la direction du PCC soit si catégorique pour faire taire ses propres militants qu’elle doit être traduite en justice pour que la justice prévale. Lorsque vous avez peur de laisser parler votre propre base, c’est un problème majeur ! Néanmoins, c’est une excellente nouvelle que Mme Melek, une véritable combattante conservatrice et fervente partisane de la liberté d’expression, aura désormais une chance d’être élue au Conseil national du PCC. »
Conclusion
D’après de multiples sondages, le taux d’approbation d’Erin O’Toole est le plus bas parmi les chefs fédéraux nationaux tant dans la population en général qu’auprès des électeurs conservateurs.
Les manœuvres récentes, les manigances de l’appareil progressiste du PCC et les propositions d’Erin O’Toole ne vont pas satisfaire sa base conservatrice morale ni celle de l’Ouest canadien qui ne peut pas voir d’un bon œil la stratégie électorale de son chef en faveur du Québec et de l’Atlantique alors que M. O’Toole n’a rien concédé à l’Ouest conservateur.
Les résultats des scrutins par les délégués sont assez clairs à ce niveau : l’establishment rouge n’a pas réussi à imposer ses propositions visant à empêcher que des électrons libres se présentent à la prochaine course à la chefferie, une motion pour inscrire l’approche « progressiste sociale » dans la constitution du parti a été rondement défaite, une autre proposition visant à accompagner le virage du parti sur les changements climatiques a également été rejetée, le poids du Québec sera désormais probablement moins important dans les courses à la chefferie alors que c’est ce poids qui a permis à M. O’Toole de battre Mme Leslyn Lewis, plus conservatrice.
La question qui se pose pour la droite conservatrice canadienne est de choisir entre l’abstention, l’appui à un autre parti comme celui de Maxime Bernier (ou un nouveau parti conservateur, on parle du Maverick Party) ou, enfin, le vote à contre-cœur pour le PCC. Il n’est pas impossible qu’une bonne partie de la base conservatrice ne vote pas PCC en se disant qu’Erin O’Toole a, de toute façon, peu de chances d’emporter les élections si les sondages actuels sont fiables et qu’il vaut mieux attendre cette probable défaite de M. O’Toole, sa démission inévitable et une nouvelle course à la chefferie avec des règles qui favoriseront désormais plus l’Ouest du pays, plus conservateur.
Ce pari est lui-même risqué puisqu’on voit mal l’establisment du PCC aux abois après une troisième défaite électorale ne pas s’accrocher aux manettes et permettre à des candidats jugés trop conservateurs (et donc moins éligibles selon eux qu’Erin O’Toole) de se présenter… La direction PCC a montré qu’elle peut pondre des règles ad hoc ou simplement ignorer celles qui existent pour écarter les candidats qu’elle désapprouve.
Pour les Québécois nationalistes dont nous sommes, la question qui se pose est de savoir s’il faudrait voter pour M. O’Toole et son parti en se bouchant le nez, malgré une forte aversion envers sa personnalité sans éclat, son programme conformiste, son manque de volonté de contenter sa base conservatrice (ne fût-ce que sur des mesures symboliques) et son progressisme désolant alors qu’il a peu de chances de l’emporter.
Nous pensons qu’un Québec plus autonome et avec de nouveaux pouvoirs dans le domaine de l’immigration, de l’imposition fiscale, pourra plus facilement résister à la politique migratoire de masse du Canada et aux dérives multiculturalistes et wokes qui semblent prendre naissance à répétition dans les établissements anglophones du Canada et du Québec. S’il y a une résistance conservatrice au Canada anglais, elle n’ose pas parler d’immigration et son aile « morale » a désormais très peu de poids dans les médias traditionnels au Canada anglais (la CBC est pire que la SRC, le National Post n’est plus vraiment un journal conservateur).
Est-ce qu’une très forte délégation du PCC venant du Québec obligerait M. O’Toole, s’il devait l’emporter aux élections fédérales prochaines ce qui est, rappelons-le, peu probable actuellement, à tenir ses promesses d’une plus grande délégation de pouvoirs en faveur du Québec ? On peut en douter. Pour être convaincant, le chef du PCC devrait d’abord s’engager nettement plus dans ce sens et pas uniquement en français dans une vidéo peu regardée d’un congrès virtuel. On remarquera que très peu d’observateurs anglais ont relevé ces promesses pour le Québec, comme s’ils se disaient qu’ils ne s’agissaient que de promesses électorales, sans conséquence une fois au pouvoir. Pour convaincre les Québécois autonomistes, Erin O’Toole devrait sans cesse parler de ce nouveau pacte en français et en anglais : plus d’autonomie en immigration, en matière fiscale, en matière de droits linguistiques. Il placerait ainsi la question de l’autonomie grandissante du Québec au centre de la campagne électorale et forcerait des partis québécois comme la CAQ à se prononcer, ce qui ranimerait le débat local. Même si M. O’Toole perdait les élections, le débat en faveur de l’autonomie y gagnerait.
Nous doutons toutefois qu’un personnage aussi craintif des grands médias qu’Erin O’Toole ait assez de courage pour en faire un sujet central de la future campagne électorale.
Voir aussi
Derek Sloan and Pro-Life Groups Dominate During Conservative Party Convention
(en anglais, plus de détails sur le gouffre entre les résolutions votées par la base et celles proposées par l’appareil du parti d’Erin O’Toole. Le fait que le congrès ait été virtuel a probablement permis à plus de militants de base de voter puisqu’il ne leur fallait pas se déplacer, comme par le passé, dans une ville souvent éloignée pour participer).