Le gouvernement fédéral va accepter les demandes de déploiement militaires du Québec et de l'Ontario. Mais en même temps qu'il a dit oui, Justin Trudeau a prévenu que là n’était pas le rôle de l’armée, et qu’il faudra se poser des questions une fois la crise passée.
« Le Québec et l’Ontario nous ont demandé l’aide de l’armée - des demandes qu’on va accepter », a-t-il déclaré lors de sa conférence de presse quotidienne devant sa résidence de Rideau Cottage, jeudi.
Mais d'un ton sobre, il a aussi servi une forme de mise en garde concernant le recours à l’armée.
« Nos militaires iront prêter main-forte comme ils le font toujours. Mais il ne s’agit pas d’une solution à long terme. Au Canada, nos militaires ne devraient pas prendre soin de nos aînés », a-t-il soutenu. Il faudra donc, « au cours des prochaines semaines et des prochains mois, examiner comment on en est arrivé là », a-t-il affirmé.
«En ce moment, on voit des tragédies épouvantables dans les CHSLD à travers le pays. C'est inacceptable. Si vous êtes fâchés, frustrés ou inquiets - vous avez raison de vous sentir comme ça. On doit faire mieux. Parce qu'on laisse tomber nos parents, nos grands-parents, nos aînés», a regretté le premier ministre.
Le gouvernement de François Legault a acheminé une demande de déploiement de 1000 soldats, «des bras» pour les CHSLD, auprès du gouvernement de Justin Trudeau mercredi. Selon nos informations, la requête a initialement été faite par courriel – ce qui est quelque peu inhabituel pour une requête de cet ordre – peu avant la conférence de presse de M. Legault.
«On a reçu la demande hier en soirée», a soutenu le premier ministre canadien, jeudi. Il a aussi spécifié que les deux paliers de gouvernement n'avaient pas encore décidé combien de troupes iraient en renfort dans les CHSLD québécois. Les discussions se poursuivaient au moment de publier ces lignes, jeudi midi.
Pour ce qui est de l'Ontario, le ministre de la Sécurité publique, Bill Blair, a confirmé sur Twitter qu'Ottawa donnait son sceau d'approbation à l'envoi des membres des Forces armées dans les centres de soins pour aînés ontariens, qui sont aussi les théâtres de drames humains.
«Notre gouvernement a approuvé la demande d’assistance de l'Ontario pour du personnel des @ForcesCanada. Les établissements de soins de longue durée représentent une vulnérabilité unique durant cette pandémie. Nous continuerons à travailler ensemble pour vaincre la #COVID-19», a-t-il signifié.
Une stratégie médicale à 1,1 milliard
Le premier ministre a consacré une bonne partie de son allocution du jour à l’annonce de la mise en place d’une stratégie médicale et de recherche d’une valeur de 1,1 milliard de dollars pour lutter contre la COVID-19.
« Le premier volet de cette stratégie porte sur les vaccins et les traitements. On investit près de 115 millions de dollars dans la recherche sur les vaccins dans les hôpitaux et les universités à travers le pays », a-t-il indiqué.
Le deuxième volet consistera à s’assurer que lorsqu’il y aura des vaccins et des traitements potentiels, on pourra tester plusieurs options d’utilisation possibles. « On va donc investir plus de 662 millions de dollars dans les essais cliniques », a précisé Justin Trudeau.
Troisièmement, Ottawa investira dans les tests pour modéliser la maladie, ce dont sera chargé un groupe de travail composé des Dr David Naylor, Dre Catherine Hankins, Dr Tim Evans, avec l’appui de la Dre Theresa Tam et la Dre Mona Nemer, la scientifique en chef du Canada.
Ils coordonneront des tests sanguins qui vont aider à retracer le virus et à mieux comprendre comment l’on peut s’immuniser contre la COVID-19, a expliqué le premier ministre lors de sa conférence de presse.
Scheer tape du pied
Un peu plus tôt, au parlement, le chef par intérim du Parti conservateur, a réclamé en conférence de presse un « plan national », disant craindre une approche fragmentée à travers le pays, alors que certaines provinces, dont le Québec, ébauchent leur plan de déconfinement.
Il n’a pas dit quels secteurs de l’économie il voulait voir rouvrir en premier lieu. À court terme, le plus important est de s’assurer que les chaînes d’approvisionnement pour fabriquer ici au Canada de l’équipement médical, comme des respirateurs, soient bien huilées, a-t-il soutenu.
Andrew Scheer s’est par ailleurs retrouvé sur la sellette en raison de commentaires formulés sur les réseaux sociaux un membre de son caucus, Derek Sloan, au sujet de l’administratrice en chef de l’Agence de la santé publique du Canada, la Dre Theresa Tam.
Le député ontarien s’en est vigoureusement pris à la patronne des autorités sanitaires, l’accusant de véhiculer ici la propagande chinoise, se demandant si elle travaillait pour la Chine plutôt que le Canada, et exigeant donc sa démission.
Talonné par les journalistes, le chef intérimaire a refusé net de commenter, arguant qu’il ne s’immiscerait pas dans la course à la direction conservatrice – Derek Sloan est l’un de ceux qui briguent la chefferie, dans une course qui a été suspendue en raison de la COVID-19.
Il n’a pas non plus voulu dire si la Dre Tam devrait être limogée, plaidant que les conservateurs réclament des comptes au gouvernement. Il y a quelques jours, Andrew Scheer a affirmé qu’il la jugeait toutefois trop proche de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).