Il arrive à Justin Trudeau de lâcher quelques mots révélateurs à défaut d’être profonds ou originaux.
Jeudi dernier, lors d’une assemblée publique à Québec, il s’est fait demander s’il envisageait de reprendre les négociations constitutionnelles, comme le lui demande Philippe Couillard.
Il a répondu qu’il n’y voyait rien « d’urgent » et ne se lancerait dans cet exercice que si « tout est à la veille de se briser » dans la fédération canadienne.
Oubli
En quelques mots, Justin Trudeau lâchait trois vérités.
La première vérité est que cette question, jadis centrale, n’empêche plus personne de dormir, tant au Québec qu’au Canada anglais.
Au Canada anglais, ceux qui connaissent cette question ont compris depuis longtemps que le Québec jappe, et de moins en moins, mais qu’il ne mord jamais.
Chez les nouvelles générations, tant au Québec que dans le reste du pays, on ignore tout de ce qui s’est passé en 1982.
Je suis convaincu qu’une majorité de jeunes ne sait pas que le Québec n’a pas signé la Constitution qui fonde le Canada moderne, même s’il est assujetti à ses lois.
Ils seraient tout aussi incapables d’expliquer en quoi ces questions ont des impacts immenses dans nos vies quotidiennes. Et ce n’est pas de leur faute.
Le temps qui passe et l’oubli qui s’installe « font la job ».
La seconde vérité révélée par Justin Trudeau est que Philippe Couillard n’a strictement aucun rapport de force pour obtenir quoi que ce soit.
Il n’y a, pour Justin Trudeau, aucun prix politique à payer s’il dit non à Philippe Couillard.
Suivant en cela Stephen Harper, Justin Trudeau a compris que l’important est de dire non poliment, sans se livrer aux provocations des Chrétien et Dion de jadis.
La troisième vérité, moins criante, est que M. Trudeau sait que M. Couillard lui-même n’en fait pas une grande priorité.
En politique, vous vous préparez souvent des cassettes sur un sujet X ou Y, non parce que vous y croyez ou que vous souhaitez agir, mais simplement pour qu’on ne puisse vous reprocher de n’avoir rien à dire sur le sujet.
Exil
Le plus étrange est qu’en même temps que les Québécois tournent le dos à la souveraineté, ils ne s’investissent pas davantage dans l’expérience canadienne, continuant à voir le reste du pays comme une contrée étrangère, lointaine, qui leur ressemble d’ailleurs de moins en moins, et à laquelle ils ne sont liés que par un mariage de convenance.
Nous restons assis entre deux chaises, dans une sorte d’exil intérieur, pour reprendre la belle expression d’un éditorialiste du Devoir.
Pendant ce temps, le Canada réel qui se construit ne se soucie plus guère de ce qu’en pensent les Québécois, puisqu’ils s’en foutent eux-mêmes.
Notre « acadianisation » est en bonne marche.