Dans une chronique qu'il tenait dernièrement sur les ondes de CIBL, l'ancien directeur de l'Association québécoise des centres de la petite enfance (AQCPE), Jean Robitaille, faisait le constat que même sous Jean Charest les crédits alloués aux CPE entre les années 2001 et 2013 avaient toujours été supérieurs à l'inflation. Autrement dit, on permettait au moins aux CPE de couvrir les dépenses de système, c'est à dire les dépenses récurrentes incompressibles comme les salaires, le chauffage, les assurances... Depuis 4 ans cependant les coupes imposées aux CPE, malgré la dernière entente, poussent les crédits sous la barre de l'inflation. La coupe est de 11%. Durant les années 2013 et 2014, les CPE ont puisé dans leurs surplus pour maintenir tant bien que mal leurs services à flot. Durant les deux dernières années cependant, les coupes les obligent à renoncer à des activités essentielles à la qualité des services éducatifs offerts aux tout-petits.
On annonçait hier qu'il y aurait eu entente entre l'AQCP et le ministère de la Famille concernant le nouveau modèle de financement des CPE imposé par le gouvernement. Ce nouveau modèle comprend un abaissement drastique de la subvention aux infrastructures des CPE, une modulation des frais de services de garde assortie d'un nouveau crédit d'impôts qui pousse les parents vers les garderies commerciales, et cela assorti d'un délai à développer les places requises en CPE pendant que l'on laisse se développer les garderies commerciales à qui mieux-mieux. L'entente maintient aussi intacte une coupe de 120M$ par année dans les subventions de fonctionnement des CPE à l'exception de la première année durant laquelle le ministère octroie un montant de "transition vers les coupes" de l'ordre de 41 M$. Cela représente, il est vrai, le double des gains que se vantait avoir obtenus Francine Lessard, présidente du Conseil québécois des services de garde éducatifs à l'enfance (CQSGEE) et dont elle dit maintenant qu'ils étaient un point de départ de négociation. La vérité a la langue bien tordue parfois.
Un gain certes, mais en réalité un gain qui camoufle l'implacable volonté du gouvernement de casser le modèle des CPE dont la qualité dépasse de beaucoup celle des garderies commerciales. On se rappellera ici la volonté de l'ex-ministre de la Famille, Francine Charbonneau, de ramener les crédits annuels des CPE à la moyenne du tiers les moins coûteux. La ministre avait bien pris soin à l'époque de ne pas révéler que la très grande majorité de ce tiers était composée de services de garde commerciaux subventionnés. Or, le gouvernement sait parfaitement, comme la dernière étude de l'Institut de la statistique du Québec le confirme pour une troisième fois[1], que le taux de services de garde dont la qualité est insatisfaisante est de 41% dans les garderies commerciales non subventionnées[2] contre seulement 2% dans les CPE. Le gouvernement a depuis renoncé à cet exercice du tiers le moins coûteux mais il maintient sa prise de l'étranglement sur les CPE.
Hier, suite au retrait de Pierre Moreau pour cause de maladie, Philippe Couillard nommait le ministre de la famille, Sébastien Proulx, comme ministre de l'Éducation aux cycles du primaire et du secondaire. Pour justifier son choix, le Premier ministre soulignait que le nouveau ministre de l'éducation avait de jeunes enfants. Il ne suffit pas d'avoir une auto à ce que je sache pour devenir ministre des Transports. Mais passons: Philippe Couillard était ému. Il ajoutait que cela permettrait une continuité dans les services éducatifs du préscolaire et du scolaire.
Pour une rare fois, le gouvernement reconnaissait donc à travers les paroles de son chef la vocation éducative des services de garde. On pourrait espérer que ce rapprochement entre les ministères de la Famille et de l'Éducation annonce un changement de cap vis-à-vis les CPE et une reconnaissance de leur qualité et de leur efficacité éducative. Cela dépendra en grande partie de l'ambition qui anime Sébastien Proulx. Si c'est l'ambition de servir correctement la population en offrant les services de meilleure qualité aux jeunes enfants, Sébastien Proulx pourrait marquer un grand coup en redressant la situation budgétaire des CPE dès le budget du printemps. Si son ambition est de continuer à gravir les marches du pouvoir vers le bureau du premier ministre qu'il rêve peut-être d'occuper un jour, il continuera la job de bras amorcée par l'équipe Coiteux-Charbonneau sans s'opposer aux voeux austères de Philippe Couillard. Les paris sont ouverts.
[2] L'étude ne comprend pas d'échantillon de garderies commerciales subventionnées celles-ci ayant refusé de collaborer à l'étude.
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