Un rapport accablant démontre la mainmise du réseau d'ONG du milliardaire sur la CEDH, qui impose à l'Europe son idéologie de la “société ouverte”. Révélations exclusives.
L'Autriche, la Grèce et l'Italie sont forcées de légaliser les unions homosexuelles ; la Pologne est sommée de favoriser le droit à l'avortement ; la France est obligée d'autoriser le changement de sexe “sur le papier” ; la Hongrie est contrainte d'abolir la prison à vie ; la Russie est santionnée pour avoir condamné les activistes féministes punks des Pussy Riot ; l'Autriche doit légaliser l'adoption par les couples homosexuels ; l'application de la charia en Grèce est validée. Des affaires sans lien entre elles ? Au contraire. Chaque fois, c'est la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) qui dicte sa loi à un pays européen. Chaque fois, une ONG liée au réseau de l'Open Society Foundations (OSF) est impliquée dans l'affaire. Chaque fois, l'un des magistrats qui prononcent le jugement est un ancien collaborateur de l'OSF ou de ses affiliées. Chaque fois, la sentence porte la marque de George Soros.
Chapitre 1 - Aux sources d'une enquête, dans les arcanes du Palais des droits de l'homme
Il est “celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom”. En mai 2018, Valeurs actuelles consacrait un dossier au milliardaire américain d'origine hongroise qui, écrivions-nous, « est passé maître dans l'art de désordonner le monde sous couvert d'altruisme ». En dévoilant « la machination Soros », notre journal recevait, comme tous ceux qui voient en lui autre chose qu'un philanthrope désintéressé, l'infamant label “complotiste”.
Critiquer ses desseins, son idéologie et ses méthodes, c'est la certitude d'être rangé dans la case “fachosphère”, populiste ou antisémite ce qui prête à sourire quand on sait que Benyamin Nétanyahou, le Premier ministre israélien, est un virulent anti-Soros. Si le front d'opposition au milliardaire est aussi large, de Viktor Orbán à Donald Trump en passant par Vladimir Poutine, c'est que l'idéologie qu'il diffuse à travers son Open Society Foundations et sa myriade d'ONG a pour but de mettre fin aux nations et d'imposer à l'Occident son idéal de “société ouverte” et sans frontières, chère au philosophe Karl Popper dont il fut le disciple. Deux ans après la publication de cette enquête, un rapport accablant, que Valeurs actuelles révèle en exclusivité, vient éclairer la manière dont George Soros a infiltré la Cour européenne des droits de l'homme.
Tout commence à Strasbourg, dans les arcanes du Palais des droits de l'homme, emblématique siège de la CEDH conçu par l'architecte britannique lord Richard Rogers. Parmi les nombreuses ONG évoluant ici, le European Centre for Law and Justice (ECLJ) participe depuis plus de vingt ans au jeu d'influence et de lobbying qui se noue auprès des magistrats. Son directeur, Grégor Puppinck, intervient à la Cour dans de nombreuses affaires et entretient de bonnes relations avec la plupart de ses membres.
Un jour, il entend l'un d'entre eux évoquer l'existence à la Cour de « juges Soros » : on lui indique le cas du Hongrois András Sajó. L'universitaire est l'un des fondateurs de l'université d'Europe centrale de George Soros, dont il est par ailleurs un ami de longue date. Lié à l'OSF depuis 1988, il a siégé notamment au conseil d'administration de l'Open Society Justice Initiative de New York, de 2001 à 2007. C'est au cours de ces années qu'il joue un rôle déterminant dans l'“affaire des crucifix”.
On m'avait dit qu'il y avait un ou deux “ juges Soros”, mais aussi des francs-maçons ou des catholiques. Ça faisait partie de la représentativité du système
Flash-back. Jeudi 27 juillet 2006 : Soile Lautsi, une mère de famille italienne, saisit la CEDH pour contester la présence de crucifix dans les écoles publiques de la péninsule. Trois ans plus tard, Sajó siège dans la chambre qui condamne l'Italie, considérant que « l'exposition obligatoire d'un symbole d'une confession donnée dans l'exercice de la fonction publique […] restreint le droit des parents d'éduquer leurs enfants selon leurs convictions ». Les crucifix doivent disparaître. Le gouvernement italien confie alors à… Grégor Puppinck la direction de la stratégie pour obtenir le renvoi en grande chambre. Cette dernière, où András Sajó ne siège pas, renverse en 2011 le jugement et donne raison à l'Italie contre la plaignante. Après cette victoire, le juriste est fait cavaliere della Repubblica par le gouvernement, l'équivalent italien de la Légion d'honneur.
L'étrange virage idéologique de la Cour des droits de l'homme
Puppinck est aux premières loges, mais il ne soupçonne pas à l'époque l'existence d'un phénomène plus global. « On m'avait dit qu'il y avait un ou deux “ juges Soros” à la Cour, raconte-t-il, mais on n'y prêtait pas attention, car il y avait aussi des francs-maçons ou des catholiques. Ça faisait partie de la représentativité du système et des jeux d'influence habituels dans toute institution. »
Son attention est toutefois attirée, au fil des années, par la recrudescence de jurisprudences plus idéologiques qu'auparavant. La Cour, qui avait l'habitude de rendre des jugements sur le terrain de la justice, se prononce désormais de plus en plus souvent sur ceux de « la tolérance et l'esprit d'ouverture, sans lesquels il n'est pas de “société démocratique” », et se fait un devoir de « garantir les conditions du “vivre ensemble” en tant qu'élément de la “protection des droits et libertés d'autrui”. »
Dans les domaines de la liberté d'expression et de la liberté religieuse, ses décisions appuient systématiquement l'idée que « la diversité et le multiculturalisme sont et doivent rester des valeurs européennes essentielles ». L'idéologie de l'Open Society Foundations est de plus en plus visible. Dans l'esprit de Puppinck, il devient clair que les affaires “sociétales” « font l'objet d'un traitement spécial, toujours progressiste ».
En 2018, il entreprend d'analyser l'histoire et la jurisprudence de la Cour sur ce terrain, pour en exposer les ressorts idéologiques cela donne naissance au livre Les Droits de l'homme dénaturé (Les Éditions du Cerf). Mais c'est un épisode récent qui achève de le convaincre de la nécessité de se pencher cette fois-ci sur le fonctionnement interne de la Cour. Alors que la France vit l'épilogue de l'affaire Vincent Lambert, l'ECLJ travaille encore aux recours internationaux déposés au nom des parents du patient en état pauci-relationnel. Les Nations unies acceptent ce recours, de même que la cour d'appel de Paris. Mais la CEDH les rejette tous, « d'un revers de la main, sans examen sur le fond », se souvient Puppinck. « Manifestement, c'était jugé d'avance. »
Six mois de recherche méthodique et 200 pages de rapport plus tard…
Soros aime à se présenter comme « un chef d'État sans État ». Il n'a en effet nul besoin d'État pour mener à bien son projet… Les 47 pays signataires de la Convention européenne des droits de l'homme sont dans l'obligation de mettre leurs législations nationales en conformité avec la jurisprudence établie par la Cour. Pourquoi donc tenter d'influencer 47 États différents quand on peut directement leur dicter ce qu'ils doivent faire par l'intermédiaire d'une juridiction supranationale ?
L'affaire des crucifix trotte dans la tête de Grégor Puppinck, qui a assisté, depuis, à plusieurs situations dans lesquelles les liens d'un juge avec une organisation pouvaient affecter un jugement. Le docteur en droit entreprend alors un premier travail de fourmi : passer au crible les curriculum vitæ des 100 juges ayant siégé depuis 2009 pour identifier leurs liens avec les ONG actives auprès de la CEDH. Il épluche méticuleusement toutes les données publiques mises à disposition par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Cette recension le mène beaucoup plus loin que ce à quoi il s'attendait. Six mois de recherche méthodique plus tard, il en tire une enquête fouillée appuyée par près de 200 pages d'annexes. Son travail dévoile un système qui a permis au réseau d'ONG de George Soros d'étendre son influence sur la Cour européenne des droits de l'homme et de la convertir progressivement à son idéologie.
Chapitre 2 - ONG, juges et rideau de fer... les raisons d'une accointance
Pour comprendre comment le réseau de l'Open Society a pu infiltrer la plus haute juridiction européenne, il faut d'abord comprendre le fonctionnement de cette dernière. Chacun des 47 pays signataires de la Convention européenne des droits de l'homme compte un juge membre de la Cour. Lorsqu'un siège est à pourvoir, le gouvernement en question soumet une liste de trois candidats - pas nécessairement magistrats professionnels - à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) qui en élit un, pour un mandat de neuf ans non renouvelable.
Pour plusieurs raisons, les personnalités proposées à l'ACPE sont souvent issues d'organisations non gouvernementales. À l'époque du rideau de fer, la Cour fut pensée en opposition au pouvoir des États : chaque citoyen victime d'une oppression dans son pays peut présenter son cas à l'institution et espérer qu'elle lui donne raison contre son pays d'origine. Les ONG jouent un rôle central dans ce dispositif, car elles sont censées être indépendantes des gouvernements.
Avoir des juges issus d'ONG n'est pas gênant en soi, à condition que certaines ONG ne soient pas surreprésentées
Bien souvent, les requêtes sont déposées au nom d'un particulier par une ONG. Celle-ci peut également intervenir au cours de procès dans lesquels elle n'est pas requérante, par l'intermédiaire de la “tierce-intervention”, procédé qui permet de soumettre aux juges des éléments d'appréciation dans une affaire.
Dans certains pays, notamment les petits pays d'Europe de l'Est, il peut s'avérer très utile de “piocher” dans les ONG des juristes à la fois expérimentés en matière de droits de l'homme et indépendants à l'égard du gouvernement, ce qui n'est pas forcément le cas des hauts magistrats.
« Avoir des juges issus d'ONG n'est pas gênant en soi, explique Puppinck, à condition que certaines ONG ne soient pas surreprésentées. » C'est là tout le problème : les dix années passées au microscope par Puppinck montrent qu'il existe un très net déséquilibre en faveur de candidats issus de l'Open Society et de son réseau.
Chapitre 3 - Quand les “juges Soros” investissent la Cour des droits de l'homme
Soros, combien de divisions ? Entre 2009 et 2019, sept ONG - toutes liées à l'Open Society - ont “envoyé” certains de leurs collaborateurs à la Cour pour qu'ils y deviennent juge permanent. Parmi les 100 juges ayant siégé au cours de cette période, 22 ont un lien direct avec l'une de ces ONG, « que ce soit comme dirigeant, bénéficiaire de leurs financements ou comme participant notable et régulier à leurs activités », précise le compte rendu du rapport. Pour des raisons méthodologiques, Puppinck ne prend en compte dans son analyse que les juges dont le lien avec l'une de ces sept ONG est direct, mais si l'on prend en compte des liens plus indirects (l'OSF finance des centaines d'organisations et d'institutions), le nombre monte bien au-delà…
L'OSF et ses 32 milliards de dollars, sur le toit du monde des ONG
L'exercice de l'énumération, aussi fastidieux soit-il, est malheureusement indispensable pour mettre en lumière le poids de l'OSF à la CEDH. Sur la première marche du podium des ONG ayant “placé” un juge à la Cour, l'inévitable Open Society Foundations. Pas moins de douze juges ont siégé après avoir tenu des postes clés dans cette organisation ou l'une de ses diverses branches, en particulier l'Open Society Justice Initiative. Le réseau des comités et fondations Helsinki est également très présent avec sept juges, suivi par la Commission internationale des juristes (CIJ), cinq juges, la célèbre Amnesty International, trois juges, et les ONG Human Rights Watch (HRW), Centre sur les droits individuels en Europe (AIRE Centre), et le Centre international pour la protection judiciaire des droits de l'homme (Interights), un juge chacune. L'indépendance de ces ONG vis-à-vis de l'OSF du “philanthrope” américain n'est le plus souvent que factice, tant l'OPA menée par ce dernier depuis plus de trente ans sur le monde des organisations non gouvernementales fut efficace : toutes sont financées, parfois très largement, par l'organisation dans laquelle George Soros a investi 32 milliards de dollars depuis 1984. Comment imaginer, par exemple, que Human Rights Watch puisse ne pas rendre de comptes à l'OSF, qui lui a versé 100 millions de dollars américains depuis 2010 ? Ou les comités Helsinki, dont 40 % du budget en 2017 était issu des ressources du milliardaire et de sa fondation ? La même année, la Commission internationale des juristes recevait 650 000 dollars, Amnesty International 300 000 dollars en 2016. Pour se convaincre de la convergence des intérêts de ces différentes organisations, il suffit de citer l'Open Society, qui revendique sur son site Internet le fait que le lien établi avec ses bénéficiaires ne soit pas seulement financier mais vise à mettre en place de véritables « alliances pour atteindre des objectifs stratégiques du programme de l' open society » . L'OSF et les ONG qu'elle finance partagent donc, selon la première citée, les mêmes visées.
Quand un fonctionnaire du Conseil de l'Europe théorise l'“homo sorosensus”
Quelle est leur finalité ? On la trouve bien résumée dans la bouche d'un autre fonctionnaire européen, le Letton Nils Muiznieks, qui fut directeur des programmes de l'Open Society dans son pays avant d'accéder au poste de commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe. En 2009, il expliquait dans l' Open Society News que l'OSF œuvre à l'avènement d'un « nouvel homme de la société ouverte », sobrement appelé « homo sorosensus » - du nom de leur bienfaiteur -, par opposition à l' « homo sovieticus ». Dans les discours, ce soft power exercé par l'OSF prend la forme de la défense des droits de l'homme, des libertés individuelles, de la démocratie ou de la lutte contre le réchauffement climatique ; dans les faits, elle se concrétise par l'action en faveur de la disparition des frontières, l'apologie de l'immigration, la promotion de l'euthanasie et de l'avortement ou la dépénalisation de la drogue et de la prostitution. En 2018, le même Nils Muiznieks qui théorise la figure de l' homo sorosensus condamne vivement le projet de loi de Viktor Orbán prévoyant de taxer les ONG qui reçoivent des financements étrangers avec les arguments suivants, explicites : « Les mesures envisagées sont particulièrement préoccupantes dans la mesure où elles concerneront des organisations ou des personnes qui agissent pour protéger les droits des migrants, des demandeurs d'asile et des réfugiés, ce qui est parfaitement légitime dans une société démocratique. »
Chapitre 4 - Où se dessine le portrait d'un milliardaire militant… et intéressé
« Les dents longues… mais la main sur le cœur ». « Le plus grand philanthrope du monde ». « L'ennemi numéro un des dirigeants autoritaires ». Partout où Soros est en odeur de sainteté, on aime le présenter comme un spéculateur repenti expiant ses fautes passées en distribuant sa fortune au profit des plus nobles causes. Mais les pays dans lesquels le financier dispense son argent - il consacre plus de 90 millions de dollars par an à l'Europe, quand la CEDH ne dispose “que” de 70 millions d'euros - sont surtout ceux dans lesquels il a le plus de chance d'obtenir un retour sur investissement. Dans le cas de la CEDH, chaque État partie à la Convention envoie un juge à Strasbourg… indépendamment de sa taille et de sa démographie. Dans les petits pays d'Europe centrale, « l'OSF et ses fondations sont devenues au fil des années des acteurs incontournables pour toute personne engagée au plan social et médiatique , note Puppinck dans la synthèse de son enquête. Elles sont des employeurs et financeurs majeurs. » En 2018, Valeurs actuelles publiait sur son site un article intitulé « L'ombre de George Soros plane sur la nomination des nouveaux juges de la Cour européenne des droits de l'homme ». Sans soupçonner alors qu'il s'agissait d'une tendance de fond, nous expliquions qu'en Albanie, pays où l'Open Society Foundations a investi plus de 131 millions depuis 1992, deux des trois candidats à la fonction de juge étaient des dirigeants de l'OSF - l'un d'entre eux fut élu quelques jours après la parution de notre article. L'Albanie n'était qu'un exemple parmi d'autres. Les deux derniers juges lettons de la CEDH sont aussi des collaborateurs de l'École supérieure de droit de Riga, fondée par la Fondation Soros de Lettonie, qui a investi plus de 90 millions de dollars dans le pays entre 1992 et 2014. Les deux derniers juges bulgares de la CEDH sont également issus d'ONG soutenues par l'OSF. De manière plus générale, les juges liés à ce réseau d'ONG viennent de pays tels que la Bosnie-Herzégovine, l'Albanie, la Bulgarie, la Croatie, la Hongrie, la Lettonie ou la Roumanie.
Au Conseil de l'Europe, badges “arc-en-ciel” et expressions “non genrées”
George Soros sème et la récolte est abondante. Car le pouvoir d'un juge européen est sans commune mesure avec celui d'un juge national. Les juges français sont là pour dire la loi - c'est l'étymologie de juridiction -, et le droit français comporte des milliers de textes. À l'inverse, la Convention européenne des droits de l'homme et ses protocoles sont si brefs - une vingtaine d'articles seulement garantissent les droits et libertés - que le pouvoir d'appréciation des juges strasbourgeois est immense. Il l'est d'autant plus que la Convention est considérée par la CEDH comme un « instrument vivant à interpréter […] à la lumière des conditions de vie actuelles ». Dans ce contexte, « l'influence de la tournure d'esprit du juge, de ses idées et de sa formation, est considérable, explique Puppinck. Les droits de l'homme sont une discipline par nature fortement idéologique : on peut faire dire à la Convention une chose et son contraire. Si un juge estime que la légalisation de la GPA s'impose au nom de la liberté, ou si, au contraire, il la condamne au nom de la dignité, il pourra faire dire les deux au même texte ». Dans des affaires aussi diverses que celles examinées par les juges de Strasbourg, qui vont des conflits inter étatiques (Crimée, Ukraine, Russie… ) aux questions de mœurs (sexualité, mariage, famille, avortement), de biotechnologies (PMA, GPA, eugénisme), d'immigration (regroupement familial, droits des réfugiés) en passant par la liberté de religion (port du voile, minarets) ou encore la liberté d'expression (blasphème), les répercussions sur les législations et pratiques nationales sont considérables.
Ce constat est d'autant plus dommageable que les juges européens sont sélectionnés selon des critères principalement politiques - l'instance chargée de les élire, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, est elle-même éminemment politique. Il suffi t pour s'en convaincre de constater qu'il est de bon ton, à la CEDH, d'arborer autour du cou un cordon de badge aux couleurs de l'arc-en-ciel - fourni par le Conseil de l'Europe -, ou de voir que les juges ont renoncé depuis plus de dix ans à l'emploi des expressions “Madame” et “Monsieur”, trop “genrées” selon eux. Aux États-Unis, personne ne prétend que les membres de la Cour suprême n'ont pas d'opinion politique ; ils sont choisis selon ces critères. Mais en Europe, l'illusion de la neutralité politique des juges persiste et ce fantasme ne fait que renforcer le poids de leurs décisions.
Chapitre 5 - Les juges face aux affaires de “leur” ONG, ou l'OPA de Soros sur les droits de l'homme
Le plus grave reste à venir. Après avoir établi la place considérable prise par les collaborateurs de ces ONG parmi les juges de la CEDH, Grégor Puppinck s'attelle à la question de l'attitude de ces juges face aux affaires introduites à la Cour par les ONG en question…
À ce stade du récit s'impose une nouvelle précision, certes rébarbative, mais non moins indispensable à la compréhension de la stratégie “sorosienne”. À Strasbourg, les ONG peuvent attaquer elles-mêmes un État, représenter un plaignant, ou intervenir au moyen de la tierce-intervention. Leur moyen d'action privilégié est celui des recours contentieux stratégiques, “strategic ligitations” en anglais : « À la CEDH, il s'agit, à partir d'un cas concret, d'obtenir la condamnation de pratiques ou de législations nationales contraires aux intérêts ou aux valeurs de l'organisation, explique Puppinck. Bien que n'ayant, initialement, qu'une portée limitée au cas de l'espèce, la jurisprudence de la CEDH fait autorité au sein des 47 États membres. » Dans un rapport daté de 2018, la section polonaise de la Fondation Helsinki pour les droits de l'homme confirme l'importance de la Cour dans sa stratégie : « Le contentieux stratégique, en tant que méthode pour obtenir des décisions révolutionnaires en vue de changer les lois et les pratiques, ne pourrait en aucun cas se passer de l'utilisation d'une mesure telle que l'application de la CEDH. » Et la mise en œuvre de cette stratégie serait également grandement facilitée par une collusion entre les ONG qui présentent les affaires et les juges qui les tranchent…
C'est donc à ce travail colossal que s'attelle Puppinck : passer au crible tous les cas présentés à la CEDH sur la décennie passée, vérifier si l'une des sept ONG liées à George Soros est impliquée dans chaque affaire et quels juges siègent dans la chambre qui rend le jugement. Que disent les chiffres ? Depuis 2009, on dénombre 185 affaires dans lesquelles l'une des sept ONG a agi visiblement comme requérant, représentant ou tiers intervenant. Quand l'occasion se présente, un “juge Soros” ne se prive pas de siéger malgré le risque de conflit d'intérêts : à 88 reprises, des magistrats ont statué dans une affaire alors même qu'ils avaient un lien direct avec une ONG impliquée… Pour ne citer que les ONG majoritaires, six des sept juges anciennement liés aux comités Helsinki ont déjà siégé dans une affaire où cette organisation intervenait, huit juges sur douze dans le cas de l'OSF.
“Des affaires importantes susceptibles de poser un précédent jurisprudentiel”
Ces chiffres, qui ne concernent que les affaires dans lesquelles le lien entre le juge et l'ONG est direct, mettent de côté les cas où un juge siège dans une affaire introduite par une autre ONG avec laquelle les liens financiers sont pourtant avérés. En pratique, cela voudrait dire, par exemple, qu'un juge issu de l'Open Society siégerait pour une affaire introduite par Human Rights Watch, organisation différente mais dépendante de l'OSF. Cette configuration est évidemment beaucoup plus fréquente que celle des 185 affaires analysées par Puppinck : « Le nombre d'affaires laissant apparaître un lien indirect est tellement considérable que nous n'avons pas entrepris de l'évaluer totalement », concède ce dernier. Pourtant, quand une situation relève manifestement du conflit d'intérêts, les juges de la CEDH devraient se « déporter », c'est-à-dire ne pas siéger, mais l'analyse des dix dernières années prouve qu'ils le font très rarement. Ces déports sont mentionnés dans les jugements sans que leur cause soit précisée. Entre 2009 et 2019, on dénombre 313 déports, répartis entre seulement huit juges. « Dans seulement 12 de ces affaires, le déport du juge semble motivé par l'existence d'un lien entre celui-ci et une ONG impliquée dans l'affaire », analyse Puppinck.
Ces ONG sont puissantes, mais elles choisissent malgré tout leurs combats. La plupart du temps, poursuit Puppinck, elles agissent auprès de la Cour « dans des affaires importantes susceptibles de poser un précédent jurisprudentiel ». Quand une affaire revêt un intérêt stratégique particulier, elles n'hésitent pas à s'associer - témoignant ainsi de leur proximité doctrinale. Illustration parfaite de ce procédé : l'affaire Big Brother Watch contre Royaume-Uni.
Chapitre 6 - Big Brother Watch contre Royaume-Uni, le cas d'école
En juin 2013, le quotidien britannique The Guardian révèle qu'aux États-Unis, la National Security Agency (NSA) dispose d'un accès direct aux données hébergées par les géants américains des nouvelles technologies. Google, Apple, Facebook, YouTube… Le lanceur d'alerte Edward Snowden, ancien analyste de la NSA, affirme que ces entreprises participent à un vaste programme de surveillance appelé Prism. Dans la foulée de ces révélations, le gouvernement britannique est mis en accusation pour le Regulation of investigatory Powers Act (RIPA) de l'an 2000, qui dessinait un système de surveillance massive des communications. Pour la CEDH, c'est l'occasion de se prononcer dans le débat récurrent relatif aux législations nationales de lutte contre le terrorisme, souvent jugées liberticides. L'association Big Brother Watch est en tête de la contestation devant la CEDH.
L'affaire est d'importance et les ONG “sorosiennes” ne s'y trompent pas : sur les 16 requérants, 14 sont des ONG, dont 10 sont financées par l'OSF… Le réseau du milliardaire met le paquet : parmi les tierces parties figurent l'Open Society Justice Initiative, Human Rights Watch, la Fondation Helsinki pour les droits de l'homme, la Commission internationale de juristes, Access Now et American PEN - également financés par l'OSF. « La communauté d'intérêts et les liens institutionnels et financiers entre requérants et intervenants jettent une ombre sur l'impartialité des tiers intervenants, analyse Puppinck. Ils mettent en cause l'égalité des armes devant le juge, car le gouvernement défendeur se retrouve seul face à une nuée d'ONG, qui, bien que se présentant distinctement, poursuivent le même objectif et sont liées. »
De Big Brother au contrôle des frontières : un combat pour l'effondrement de l'État
Pourquoi mettre en œuvre de tels moyens ? La surveillance de la population par le gouvernement provoque un mouvement de recul chez tout défenseur de la liberté. Mais l'OSF devine surtout ici une nouvelle occasion de saper l'autorité de l'État - de nombreuses affaires portées à Strasbourg par ces ONG concernent des cas de violences policières ou de contrôle des frontières, et chaque jurisprudence favorable contribue à affaiblir encore les gouvernements nationaux.
Malgré les efforts déployés, la Cour donne raison dans un premier temps au gouvernement britannique, nonobstant l'avis “dissident” de quatre juges, parmi lesquels deux anciens responsables de l'Open Society et AIRE Centre. L'issue reste aujourd'hui toujours incertaine car l'affaire, portée devant la grande chambre, est en attente d'un jugement définitif. Parmi les 17 juges appelés à trancher cet appel, au moins six sont liés aux ONG requérantes et intervenantes…
Chapitre 7 - Opacité des protocoles, “oublis” et collusions… Comment les ONG couvrent leurs traces
Si le nombre d'affaires analysées par Grégor Puppinck sur la décennie passée est considérable, celles-ci pourraient cependant ne constituer que la partie émergée de l'iceberg. Pour mener à bien sa recherche, le juriste s'est appuyé sur la base de données officielle de la Cour, Hudoc, qui permet de consulter le texte du résumé des affaires et celui des jugements rendus. Mais cet outil ne permet qu'un coup d'œil parcellaire sur l'ampleur de l'influence des ONG en question. D'abord parce que seule une minorité des affaires jugées sont publiées sur Hudoc, mais aussi en raison d'un manque de rigueur et de transparence dans les procédures de l'institution strasbourgeoise.
Prenons l'exemple de la Fondation Helsinki en Pologne. Selon les données officielles de la CEDH, elle serait intervenue neuf fois comme représentant des requérants entre 2009 et 2019. Mais un examen attentif des rapports d'activité de l'ONG nous apprend qu'elle revendique l'introduction de 16 requêtes et la défense de 32 dossiers, tout cela pour la seule année 2017 ! En “omettant” de préciser qu'ils travaillent pour une ONG, les avocats de ces dernières, ou les juristes de la Cour eux-mêmes, effacent toute trace de l'implication de l'ONG dans la procédure et le jugement final. Ainsi, le public et la majorité des juges ne savent pas que telle ONG est derrière telle affaire. Cela donne parfois lieu à des situations surréalistes. En 2018, le groupe féministe des Pussy Riot est défendu à Strasbourg par un dirigeant de l'Open Society Justice Initiative, Yonko Grozev. En plein milieu de cette affaire, Grozev est élu juge à la CEDH. Peu de temps après, la Cour donne raison aux activistes féministes contre la Russie et condamne cette dernière à payer les indemnités de leur avocat… c'est-à-dire Grozev lui-même, désormais juge dans la même cour ! « Quelle peut être l'impartialité de la cour quand l'avocat des parties devient juge avant que le jugement ne soit rendu ? », s'étonne Puppinck. Depuis, ce même juge a siégé dans plusieurs affaires introduites ou soutenues par l'ONG qu'il avait lui-même fondée.
Ce manque de transparence affecte profondément la capacité d'une telle juridiction à rendre justice. Tout d'abord, une ONG peut (elles le font souvent) se “cacher” en défendant un plaignant, poursuivant ainsi son dessein au moyen d'un cas particulier. Ensuite, et c'est là le plus important, la connivence entre les joueurs d'un camp et les arbitres constitue une rupture d'égalité flagrante qui fausse le résultat dans de nombreuses situations. Grégor Puppinck parle d'expérience, lui qui évolue dans les couloirs de l'institution depuis de nombreuses années : dans la réalité d'une procédure judiciaire, le fait de se connaître constitue un atout qui fait souvent la différence. Par exemple, une requête déclarée par voie officielle à la CEDH est, 9 fois sur 10, déclarée d'emblée irrecevable après un examen sommaire… sauf si elle a été signalée au juge de manière informelle par une connaissance. Au sein même de la Cour, illustre Puppinck, « comme dans tout groupe humain, les liens et affinités personnelles contribuent à la formation de “clans” et de réseaux d'influences » qui jettent le trouble sur l'impartialité de la justice des droits de l'homme. L'actualité polonaise nous livrait récemment une démonstration concrète des conséquences de ces copinages strasbourgeois.
2019, année électorale décisive en Pologne avec les scrutins législatifs et européens. Le 18 février, le maire de Varsovie diffuse une “charte LGBT+”, qui prévoit notamment une sensibilisation à l'homosexualité dans toutes les écoles de la ville. Le débat qui suit déchire la société polonaise. Les évêques publient une déclaration officielle dans laquelle ils dénoncent l'atteinte faite au droit naturel des parents à assurer l'éducation de leurs enfants ; le parti au pouvoir, Droit et Justice, réputé conservateur, est opposé à cette initiative. Les revendications LGBT deviennent un enjeu majeur de la campagne. Une semaine seulement après la publication de cette charte, la CEDH rend publiques quatre affaires “sociétales” introduites contre la Pologne il y a… neuf ans pour certaines, cinq pour d'autres. Toutes ces affaires concernent des cas de « discrimination fondée sur l'homosexualité ». Pourquoi sortir des cartons, subitement et sans raison apparente, des affaires qui “dormaient” depuis cinq et neuf ans ? Venant d'une institution qui condamne régulièrement les lois polonaises, notamment en matière d'avortement, on peut sans risque conclure à une tentative d'ingérence dans le débat national.
Chapitre 8 - Le dilemme moral d'un lanceur d'alerte face à l'implacable machine Soros
Étrange situation que celle dans laquelle se trouve Grégor Puppinck. Au moment de faire ces découvertes, le juriste n'a aucune intention de divulguer son rapport, mais plutôt de le présenter aux différents membres de la Cour pour tenter de remédier en interne à cette situation. Il le fait lire confidentiellement à quelques experts du Conseil de l'Europe et juges de la CEDH qui, tous, le poussent à le rendre public. « Stupéfaits » par ce rapport, mais tenus par le devoir de réserve, ils ne peuvent pas apparaître publiquement. « Je vis le même dilemme moral que les lanceurs d'alerte, développe-t-il. Je découvre une situation grave, j'ai conscience de ce qu'il peut m'en coûter de la révéler puisque je travaille avec la plupart des juges cités dans le rapport, mais je ne peux échapper au devoir de la rendre publique pour le bien de la Cour. » Si son ONG, le European Centre for Law and Justice, participe à ce système, c'est qu'il estime utile et nécessaire l'existence d'une telle institution. Mais continuer à y œuvrer en ayant connaissance de la situation serait selon lui hypocrite : « Pourquoi jouer à un jeu dont on sait que les règles sont faussées ? Si on n'arrête pas ce phénomène, la CEDH va perdre son indépendance. Or, celle-ci doit être préservée à l'égard non seulement des États, mais aussi des ONG, en particulier de l'Open Society. »
Viktor Orbán contre Soros : l'arbitre a déjà choisi son camp…
L'actualité devrait bientôt nous offrir une nouvelle mise en scène de l'implacable machine Soros. En septembre 2018, l'OSF de Hongrie et le Comité Helsinki du même pays déposaient des requêtes à la Cour européenne des droits de l'homme contre la loi hongroise “Stop Soros”, dont l'objectif consiste à limiter l'influence du “philanthrope” dans le pays, notamment en matière d'immigration. Le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe et la Commission de Venise ont déjà donné leur avis : selon eux, la nouvelle disposition de la loi hongroise qui introduit l'infraction de « facilitation de l'immigration irrégulière » est illégale et devrait être abrogée. Quelle sera l'attitude des juges liés à l'Open Society dans cette affaire ? La Hongrie a-t-elle une chance d'obtenir justice alors que l'attaque provient de la main même qui nourrit certains magistrats européens ? Ceux qui croient dans le projet européen et tiennent à l'idée même d'une Cour des droits de l'homme ne peuvent plus détourner le regard.