Hydro-Québec a confirmé, le 29 octobre 2009, son intention d’acheter la plupart des actifs d’Énergie NB pour un montant équivalent à la dette d’Énergie NB, soit 4,75 milliards $. L’entente de principe prévoit également une baisse immédiate du prix de l’électricité pour les entreprises et un gel des tarifs de cinq ans pour tous les autres consommateurs d’électricité du Nouveau-Brunswick. Comme cette entente fera économiser aux citoyens du Nouveau-Brunswick 5 milliards $ à l’avenir, le prix total payé par Hydro-Québec est donc de 9,75 milliards $. La société d’État québécoise affirme, dans le communiqué publié à cette occasion, que la transaction proposée n’aura aucune incidence sur les tarifs d’électricité au Québec.
Si Hydro-Québec renonce à des revenus de 5 milliards $ dans l’avenir tout en maintenant que cette décision n’aura pas d’incidence sur les tarifs payés par les Québécois, elle devra accepter que les bénéfices qu’elle retirera de l’exploitation de son patrimoine hydroélectrique seront réduits de 5 milliards $. Cette réduction se répercutera sur le dividende qu’elle verse au gouvernement du Québec. La perte de ces revenus se traduira par une augmentation des impôts ou par une diminution des services offerts aux citoyens du Québec.
On fait valoir que cette transaction permettra à Hydro-Québec d’écouler les surplus dont elle dispose présentement à la suite de la fermeture de nombreuses usines dans le secteur des pâtes et papier. Pourquoi, alors, avoir lancé rapidement le projet d’aménagement de la rivière La Romaine si on dispose de surplus d’électricité? On aurait pu choisir de stimuler l’économie du Québec en dépensant la même somme dans des projets plus prioritaires.
Toute évalution d’une transaction de cette envergure doit se faire en tenant compte du marché auquel participent ÉnergieNB et Hydro-Québec. Dans les dix dernières années, sur le marché américain, le prix de l’électricité a augmenté de 1 % de plus par année que l’indice des prix à la consommation. En gelant les tarifs pour la grande majorité des consommateurs du Nouveau-Brunswick pendant une période de cinq ans plutôt qu’en laissant les prix suivre le marché, la perte de revenus d’Hydro-Québec augmentera à chaque année plus rapidement que ne le fera l’indice des prix à la consommation.
Toute entente internationale qui limitera les émissions de gaz à effet de serre aura comme conséquence de faire augmenter les tarifs d’électricité encore plus rapidement en Amérique du Nord. Les Américains utilisent les combustibles fossiles pour 71 % de leur production d’électricité. Telle que rédigée, l’entente ne permettra pas à Hydro-Québec de répercuter la hausse de valeur qui en résultera aux consommateurs actuels du Nouveau-Brunswick.
Hydro-Québec renonce à des revenus de 30 millions $ la première année à la suite du gel proposé pour la grande majorité des consommateurs du Nouveau-Brunswick. Il faut ajouter à cette somme une perte additionnelle de 74 millions $ qui provient de la baisse du tarif qui s’applique à l’industrie. De 104 millions $ au cours de l’année qui suit la signature de l’entente définitive, les pertes de revenus augmenteront rapidement d’année en année pour atteindre 176 millions $ pour la troisième année et 253 millions $ pour la cinquième année.
Toujours en vertu de l’entente, Hydro-Québec aura le droit, après la cinquième année, de hausser les tarifs au rythme de l’augmentation du coût de la vie. Comme le prix de l’électricité continuera vraisemblablement d’augmenter un peu plus vite que le coût de la vie, les pertes de revenus d’Hydro-Québec continueront de croître, mais à un rythme plus lent. Hydro-Québec perdra ainsi 273 millions $ la sixième année, 294 millions $ la septième année, 316 millions $ la huitième année, et ainsi de suite. Comme le précise le communiqué, la valeur actuelle de toutes ces pertes de revenus est de 5 milliards $.
Certains ont justifié cette transaction en faisant valoir qu’elle permet à Hydro-Québec de disposer de ses surplus d’électricité. Cet argument tient difficilement la route : les surplus d’électricité résultent de la conjoncture économique et se résorberont au fur et à mesure que l’économie reprendra son élan. Les pertes de revenus, relativement minimes au départ, vont croître continuellement.
Cherchons maintenant la valeur marchande d’ÉnergieNB. Dans le cas d’une entreprise inscrite en bourse, cette valeur est composée de la valeur de l’avoir propre des actionnaires et de la valeur de la dette à long terme émise par la société. Pour jauger l’appréciation que font les marchés financiers des entreprises dans un secteur industriel donné, la pratique veut que l’on rapproche la valeur totale de chaque entreprise de son BAIIA, i.e. son bénéfice avant intérêt, impôt et amortissement.
Nous avons fait ce calcul pour neuf entreprises américaines de production, de transport et de distribution d’électricité aussi importantes qu’Hydro-Québec. Leur valeur globale varie, à l’heure actuelle, entre 6,4 fois et 8,5 fois leur BAIIA respectif. Lorsqu’on souhaite acheter toute l’entreprise, comme c’est le cas à l’heure actuelle, il est normal d’ajouter une prime de contrôle de l’ordre de 30 %.
En déterminant le multiple approprié pour évaluer ÉnergieNB, on tiendra également compte de la faible croissance du marché, de l’absence de synergies importantes au niveau des dépenses et de l’avantage stratégique évident qui résultera du contrôle du réseau de transport d’ÉnergieNB et de ses deux interconnexions avec les États-Unis. L’existence d’un contrat à long terme, qui permet déjà à Hydro-Québec d’exploiter une des deux interconnections américaines d’ÉnergieNB, réduit la valeur de l’avantage monétaire obtenu de la transaction projetée. Il s’agit d’une ligne de transport de 345 kV construite en collaboration avec Bangor Hydro et en exploitation depuis décembre 2007.
Le BAIIA d’ÉnergieNB a été de 470 millions $ au cours de l’année financière qui s’est terminée le 31 mars 2008, si on exclut les éléments exceptionnels. Même si on ne connaît pas les résultats plus récents, des données partielles disponibles nous portent à croire que le BAIIA d’ÉnergieNB, au cours de l’année financière en cours, pourrait être d’environ 400 millions $. Le prix de 9,75 milliards $ représente donc plus de 24 fois le BAIIA d’ÉnergieNB, même si Hydro-Québec renonce à certains actifs.
En signant une entente définitive avec le Nouveau-Brunswick, le Québec fixera pour toujours le prix, en dollars constants, de 14 TWh d’électricité destiné aux citoyens du Nouveau-Brunswick, soit près de la moitié des 31 TWH que l’on tirera des chutes Churchill, à prix minime jusqu’en 2041. Nos enfants regretteront-ils autant cette entente que les Terre-neuviens regrettent aujourd’hui l’entente de 1969 sur les chutes Churchill?
Les Québécois ont raison d’être fiers de la position qu’ils occupent dans la production de l’électricité en Amérique du Nord. À l’heure où le monde s’apprête à prendre des mesures pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, le Québec dispose d’un avantage concurrentiel évident. On ne connaît pas l’impact, sur l’évolution du prix de l’électricité, des mesures qui seront prises pour limiter les émissions de gaz à effet de serre.
Hydro-Québec n’a pas fait la démonstration que la transaction proposée avec ÉnergieNB est gagnante pour le Québec : le prix de 9,75 milliards $ représente plus du double de la valeur probable d’ÉnergieNB. De plus, la méthode de paiement retenu fait courir aux Québécois le risque que le coût éventuel de la transaction soit beaucoup plus considérable que les 9,75 milliards $ dont on parle aujourd’hui.
ÉnergieNB: Hydro-Québec paie trop cher
Churchill Falls - Hydro-Québec / Énergie NB
Claude Garcia10 articles
Claude Garcia, président de la Commission politique de l'Action démocratique du Québec
Administrateur de sociétés
Au cours de sa carrière, M. Garcia a présidé les activités canadiennes de la société d'assurance Standard Life entre 1993 et 2004. Pen...
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Claude Garcia, président de la Commission politique de l'Action démocratique du Québec
Administrateur de sociétés
Au cours de sa carrière, M. Garcia a présidé les activités canadiennes de la société d'assurance Standard Life entre 1993 et 2004. Pendant son mandat, il s'est fait remarquer pour une déclaration publique controversée durant la campagne du référendum de 1995. Devant des partisans fédéralistes, le 24 septembre 1995, M. Garcia déclare de ses adversaires souverainistes : « il ne faut pas gagner, le 30 octobre, il faut les écraser ». Les propos de M. Garcia suscitent une vive polémique dans la classe politique et une manifestation à l'Université du Québec à Montréal, où il siège au conseil d'administration[1].
Il a ensuite occupé un poste de membre du conseil d'administration de la Caisse de dépôt et placement du Québec entre 2004 et 2009. Il était le président du comité de vérification de la caisse, en 2008, alors que l'organisme responsable de la gestion des fonds de retraite publics québécois a enregistré la plus importante perte financière de son histoire. Il a démissionné de son poste en mars 2009 après avoir été informé que son mandat ne serait pas renouvelé par la ministre des Finances du Québec, Monique Jérôme-Forget[2].
Privatisation d'Hydro-Québec
M. Garcia est, avec l'économiste Marcel Boyer, l'un des principaux promoteurs de l'idée de privatiser la société d'État d'Hydro-Québec. Il a rédigé plusieurs articles et rapports prônant les mérites de cette idée dans les journaux. En 2007 et 2009 il a rédigé deux rapports, publiés par l'Institut économique de Montréal, un think tank néo-libéral, où il dénonce le manque de rigueur de gestion de l'entreprise publique et l'attrait que représente la privatisation, faisant valoir que la vente de capital-action dans l'entreprise permettrait au gouvernement du Québec de payer une partie de sa dette[3],[4].
[http://fr.wikipedia.org/wiki/Claude_Garcia->http://fr.wikipedia.org/wiki/Claude_Garcia]
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