La planète Terre vit une crise énergétique. Les besoins croissants en énergie poussent inexorablement le prix des ressources énergétiques à la hausse, un mouvement exacerbé par les crises et l'incertitude, comme l'instabilité politique en Afrique du Nord.
Mais il y a un endroit, une espèce de planète Mars énergétique, où ces règles ne semblent pas s'appliquer. C'est le Québec. Pour la première fois de leur vie, les Québécois auront droit en 2011 à une baisse des tarifs d'électricité.
Bien sûr - j'aurais tendance à dire Dieu merci -, la baisse est modeste, quatre dixièmes d'un pour cent, ce qui donne une maigre économie annuelle de 7,35$ par client. Mais elle a été accueillie dans l'allégresse par les associations de consommateurs et par les organismes patronaux parasitaires qui militent pour l'énergie au rabais.
C'est la Régie de l'énergie qui a imposé cette baisse de tarifs. Cet organisme quasi judiciaire fixe les tarifs de la société d'État en tenant compte de ses frais d'exploitation. Comme ils ont baissé, notamment parce qu'Hydro dispose de surplus qui lui évitent de recourir à des importations d'hiver, les tarifs baissent. La Régie applique ainsi une approche mécanique, «by the book», qui ne tient pas bien compte du contexte énergétique.
Le résultat est aberrant. Pour l'environnement, pour le déploiement des meilleures stratégies énergétiques, pour la façon dont le Québec tire profit de ses ressources.
Le message qu'envoie cette baisse est incohérent. Les politiques énergétiques doivent d'abord reposer sur la conservation, réduire la consommation et éliminer le gaspillage. Une baisse des tarifs, aussi modeste soit-elle, n'encourage pas les changements d'habitudes. Elle ne favorise pas non plus le développement de sources d'énergie moins intrusives ou le recours à des investissements dans les économies.
La baisse est également paradoxale au moment où le débat public concentre son attention sur la capacité du Québec de profiter pleinement de la richesse que procurent ses ressources énergétiques. Depuis plusieurs semaines, on accuse le gouvernement, dans le cas du gaz de schiste et dans celui du pétrole de l'île d'Anticosti, d'avoir bradé nos ressources.
Ces inquiétudes sont fondées. Mais il vaut la peine de souligner que le Québec ne produit pas encore de gaz ou de pétrole, et qu'on ne sait même pas s'il en produira un jour ou si ses réserves seront à la hauteur des espoirs.
Par contre, l'hydroélectricité n'est pas une ressource potentielle. Elle est bien là, elle est bien à nous, et il est clair que l'on ne va pas chercher tous les revenus qu'elle pourrait procurer, puisqu'on la cède à un des prix les plus bas du continent. En ne laissant pas les tarifs d'Hydro augmenter de façon raisonnable en 2011, le Québec se prive de centaines de millions. Pourquoi subventionner ainsi la consommation d'électricité quand il est assez clair que le Québec n'aurait pas l'intention de subventionner le gaz ou le pétrole s'il en produit un jour?
Mais on peut aller plus loin. Le rapport Montmarquette sur la tarification des services publics estimait que le Québec irait chercher des revenus additionnels de 2,3 milliards par année s'il exigeait pour son électricité le prix canadien moyen.
Il est vrai que le ministre Bachand a annoncé, dans son budget du printemps dernier, l'intention du gouvernement d'amorcer le rattrapage en dégelant les tarifs du bloc dit patrimonial à partir de 2014, ce qui va donner des hausses annuelles de 3,5%.
Mais chaque année perdue dans ce processus de rattrapage retarde d'un an le moment où le Québec récupérera le plein montant ces 2,3 milliards. C'est ce que nous coûtera, à terme, cette légère baisse des tarifs décrétée par la Régie de l'énergie. Ça s'appelle brader nos ressources.
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