Encore une fois, la volonté populaire ne sera pas respectée

Québec 2007 - Analyse

Si on en croit les plus récents sondages d'opinion, le prochain gouvernement du Québec sera formé par un parti politique qui n'aura pas eu la faveur populaire des électeurs. On peut même prédire qu'il y aura plus de gens qui auront voté contre lui qu'il y en aura qui auront voté pour lui. Et cela ne tient pas compte de toutes les personnes qui auront choisi de ne pas aller voter! Cette situation n'est pas nouvelle mais demeure une caractéristique de fond de notre système électoral.
Les signataires de cette lettre réclament de tous les partis politiques, advenant leur élection le 26 mars, qu'ils s'engagent à ce que les prochaines élections se déroulent avec un nouveau mode de scrutin produisant un résultat proportionnel et corrigeant les défauts de sous-représentation du système actuel.
Faut-il encore le répéter, il n'est pas normal:
- qu'un gouvernement minoritaire aux voix (par exemple avec 39 % des suffrages) puisse prendre le pouvoir et gouverner (souvent en utilisant le bâillon) grâce à une majorité de sièges à l'Assemblée nationale;
- qu'un parti qui obtiendrait par exemple 24 % de la faveur populaire pourrait se retrouver avec environ 10 % de sièges;
- que des tiers partis qui, chacun, pourraient aller chercher jusqu'à 5 % des votes, voire plus, ne pourraient faire élire aucun député à l'Assemblée nationale.
Voilà la triste réalité! Cette situation antidémocratique se répète inlassablement de scrutin en scrutin (les noms des partis changent mais l'injustice demeure).
Inéquitable
Nous croyons primordial de dénoncer cet état de fait. Le mode de scrutin actuel est inéquitable parce qu'il fait en sorte que le résultat des élections, soit les pourcentages de votes obtenus par chaque parti au Québec, ne se traduit pas dans le nombre de sièges qu'ils remportent.
En effet, notre système électoral est fondé sur 125 élections individuelles, soit une par comté, sans lien les unes avec les autres et où le vainqueur est élu à la majorité simple, c'est-à-dire selon le nombre le plus élevé de votes. Les votes attribués aux deuxième, troisième ou quatrième candidats ne comptant pas, ils sont tout simplement perdus à l'échelle du Québec. Cela signifie que les idées politiques de centaines de milliers de personnes ne sont pas représentées à l'Assemblée nationale; si elles le sont, ce n'est pas de façon fidèle par rapport aux suffrages exprimés.
Tous les partis politiques font les frais des lacunes de notre mode de scrutin mais, ultimement, c'est le respect de la volonté de la population qui est affecté. En effet, en 1973, le Parti québécois n'avait fait élire que six députés alors qu'il avait obtenu 30 % des votes. En 1998, le Parti libéral du Québec n'a pas obtenu le pouvoir malgré qu'il ait obtenu plus de votes que le PQ. La sous-représentation de l'Action démocratique du Québec est systématique et les partis en émergence sont invariablement absents de l'Assemblée nationale.
Promesses non respectées
Le mode de scrutin actuel provoque un détournement de la démocratie parce que ces déformations de la volonté populaire sont constantes. Il nous apparaît d'autant plus important de le dire et de le répéter dans le cadre de cette campagne électorale que les deux partis qui ont formé les derniers gouvernements n'ont pas tenu leurs promesses à cet égard.
En effet, ni l'un ni l'autre n'ont mené à terme la réforme qui aurait doté la population québécoise d'un système électoral vraiment démocratique, c'est-à-dire un système en vertu duquel chaque citoyen a l'assurance que son vote comptera vraiment, quels que soient son lieu de résidence ou ses préférences politiques. La question ne fait d'ailleurs pas partie des plateformes électorales de ces deux partis.
Tour à tour, ces deux partis ont profité de ce système pour accéder au pouvoir avec une forte majorité de sièges et assurer la gouverne sans partage. Doit-on rappeler que le pluralisme idéologique existe depuis un bon moment dans notre paysage politique et que cette réalité plurielle aurait dû se refléter sur les banquettes de l'Assemblée nationale depuis longtemps déjà?
Parmi les autres défauts de notre mode de scrutin, et cela est amplement démontré, notons qu'il ne favorise pas la représentation égalitaire des femmes à l'Assemblée nationale. En effet, le Québec stagne autour de 30 % depuis des années alors que les femmes constituent plus de 50 % de la population. Notre mode de scrutin ne reflète pas non plus la diversité ethnoculturelle présente dans la société québécoise. De plus, le poids du vote des électeurs est inégal d'une région à l'autre.
Nous, signataires de cette lettre, réclamons que le mode de scrutin actuel ne soit plus utilisé après les élections de 2007.
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Groupes instigateurs: Claude Béland, président du mouvement Démocratie et Citoyenneté du Québec, président du comité directeur des États généraux sur la réforme des institutions démocratiques (2003), Louise Paquet, porte-parole du collectif Féminisme et Démocratie, Mercédez Roberge, présidente du mouvement Démocratie nouvelle, Mireille Tremblay, présidente de l'Observatoire québécois de la démocratie; appuyés par: Jean Allaire, chef fondateur de l'Action démocratique du Québec (ADQ), Michèle Asselin, présidente de la Fédération des femmes du Québec (FFQ), Louise Beaudoin, ancienne ministre de la Culture et des Relations internationales et professeure associée au département de science politique de l'Université du Québec à Montréal, Lina Bonamie, présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), Robert Burns, ministre d'État à la Réforme électorale et parlementaire (PQ, 1976-1979), Claudette Carbonneau, présidente de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), Jean-Pierre Charbonneau, ex-président de l'Assemblée nationale et ancien ministre de la Réforme des institutions démocratiques (PQ), Paul Cliche, militant pour la représentation proportionnelle depuis 40 ans, Liza Frulla, ancienne ministre de la Culture et des Communications (PLQ), Marie Grégoire, députée de Berthier (ADQ, 2002-03), Julius H. Grey, avocat, Étienne Hudon-Gagnon, président de la Fédération étudiante collégiale du Québec, Vincent Lemieux, politicologue et professeur émérite à l'Université Laval, Fo Niemi, directeur du Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR), Réjean Parent, président de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), Jacques Proulx, président de Solidarité rurale, Lam Chan Tho, vice-président du Forum d'action des communautés culturelles (FACC) et trésorier du Carrefour des communautés culturelles du Québec (CCCQ), Nadine Vincent, Christian Vanasse et François Parenteau, artistes et membres des Zapartistes


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