Si la culture fut le parent pauvre de la campagne fédérale de septembre, voilà que le sujet reprend ses lettres de noblesse, avec la promesse libérale d'abolir la TVQ sur les produits québécois et celle du Parti québécois de rapatrier tous les pouvoirs partagés avec Ottawa.
Les deux partis qui détiennent une avance dans les sondages, le PLQ et le PQ, se sont lancés cette semaine dans une surenchère de promesses touchant la culture.
Pour promouvoir le français comme langue d'usage au Québec, le Parti québécois réitère son intention de soumettre les entreprises de moins de 50 employés aux exigences de la loi 101, et ce, même si une partie du monde syndical trouve le moment mal choisi. Le PQ s'engage aussi à ce que l'apprentissage du français soit considéré comme «un droit» pour les nouveaux arrivants, pour ne pas dire une obligation.
Financièrement, les deux partis promettent d'augmenter de plusieurs millions l'aide au cinéma et à la création, le PQ ajoutant une aide plus substantielle à la promotion des productions québécoises à l'étranger.
Dans le cas du PLQ, les engagements s'accompagnent d'une nouveauté très accrocheuse, soit l'abolition de la TVQ sur tous les produits culturels québécois. Si la promesse a généralement été bien reçue par le milieu culturel, elle pose plus d'un problème, de principe et technique.
Pour les représentants des artistes, il vaudrait mieux prendre les 50 millions et les donner directement aux créateurs au lieu de réduire le prix des produits culturels.
On les comprend, mais à leur tour, ces gens doivent comprendre que l'objectif d'une telle mesure est de stimuler la consommation de produits culturels et non pas seulement de venir en aide aux artistes. En fait, les deux formes d'aide ont leur importance et, de toute façon, il y a de fortes chances que bien des organisations en profitent pour augmenter leurs prix, ce qui revient à la même chose qu'une augmentation de la subvention, à une différence près: ce sont les consommateurs qui votent au lieu des fonctionnaires et des membres d'un jury.
La promesse libérale pose d'autres problèmes. En fiscalité, on considère qu'une taxe sur la valeur ajoutée doit être le plus neutre possible pour ne pas intervenir dans le choix du consommateur. Ici, l'objectif est précisément d'influencer ce choix. Dans le cas du livre, le législateur a choisi d'exonérer tous les livres, sans discrimination, ce qui est à la fois plus simple et plus neutre.
En revanche, il est souhaitable que le moins de produits possible soient exclus de l'introduction d'une taxe sur la valeur ajoutée, comme la TVQ, afin qu'elle soit le moins élevée possible. Au Québec, il n'y a que les aliments, les loyers, les médicaments d'ordonnance et le livre qui ne soient pas taxés. En ajoutant tous les produits culturels locaux, on élargit cette liste sans même savoir si la mesure aura un impact réel.
Puis, il y a cette autre belle question: qu'est-ce qu'un produit culturel québécois? Un spectacle de Bob Dylan produit par Spectra est-il un produit québécois? Et un film coproduit par Téléfilm Canada et la France? Et un autre, américain celui-là, tourné à Montréal avec des techniciens et des comédiens d'ici? Et ce jeu vidéo de combat extrême conçu par Ubisoft? Et ce spectacle d'une troupe hongroise présenté dans le cadre d'un festival de danse montréalais?
Cela dit, si cette promesse libérale a été la plus remarquée, c'est sans contredit l'engagement de Pauline Marois d'exiger d'Ottawa le rapatriement de tous les pouvoirs en matière de culture et de communication qui constitue la pièce maîtresse de la campagne en matière de culture.
Au cours de la campagne fédérale, Jean Charest avait demandé aux partis fédéraux de s'engager à reconnaître la «souveraineté culturelle» du Québec, selon l'expression de Robert Bourassa. Il s'agirait, avait expliqué M. Charest, d'une entente bilatérale accordant au Québec la maîtrise d'oeuvre en matière de subventions et d'investissements en culture.
Pour le Parti québécois, il faut aller beaucoup plus loin qu'une telle entente administrative et inscrire dans la Constitution les droits exclusifs du Québec en matière de culture et de communication.
Si les libéraux remportent la majorité, le 8 décembre prochain, il faudra surveiller avec quelle intensité M. Charest sera prêt à poursuivre cette vieille bataille du Québec. Si c'est le Parti québécois qui est élu, la culture pourrait devenir le principal cheval de bataille du nouveau gouvernement. Or, en cas de refus probable de la part des conservateurs fédéraux, Mme Marois sera certainement tentée de vérifier la température de l'eau référendaire. Pour l'instant, il y a ces élections à gagner et la température est plutôt tiède.
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j-rsansfacon@ledevoir.com
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