Hongrie – Depuis quelques semaines, la victoire semblait acquise à la coalition gouvernementale Fidesz-KDNP, mais son ampleur a néanmoins surpris plus d’un observateur. Viktor Orbán a pour la quatrième fois consécutive obtenu deux tiers des sièges au Parlement, alors que la stratégie d’union de ses opposants s’est révélée être un cuisant échec. Autre surprise de ce scrutin : le mouvement nationaliste Mi Hazánk (Notre Patrie) dirigé par le maire d’Ásotthalom Laszló Toroczkai dépasse la barre des 5% et entre ainsi au Parlement.
Quatrième majorité constitutionnelle consécutive
Dans son discours de victoire, alors que tous les bulletins n’étaient pas encore totalement dépouillés, le Premier ministre hongrois a déclaré :
« Nous avons remporté une si grande victoire qu’elle se voit depuis la Lune et certainement depuis Bruxelles. »
La coalition au pouvoir depuis 2010 remporte en effet une quatrième victoire consécutive et conserve sa majorité des deux tiers au Parlement lui permettant de voter des lois organiques et des modifications conditionnelles.
Sur les 199 sièges au Parlement, 135 seront occupés par des députés de la majorité gouvernementale en place depuis douze ans. La coalition Fidesz-KDNP a obtenu 53,10% des suffrages exprimés et dépasse ainsi ses performances de 2014 (45,04%) et de 2018 (49,60%), alors qu’elle avait obtenu, en 2010, 52,73% au premier tour et 53,81% au second — en 2010, les élections législatives se déroulaient encore à deux tours.
Comme en 2018, l’obtention de cette majorité qualifiée au Parlement a fait l’effet d’une surprise, y compris parmi les observateurs qui étaient au cours des dernières jours les plus optimistes quant au score du Fidesz-KDNP.
Ce résultat électoral du Fidesz est le meilleur en termes de nombre de voix depuis les élections municipales de l’automne 2006, alors que, pour la première fois, la participation est plus haute dans une région de province — dans le Vas, à l’Ouest de la Hongrie, un bastion du Fidesz — qu’à Budapest. Au niveau national : la participation est de 67,8% (68,13% en 2018 et 61,73% en 2014). Une victoire historique, dont tous s’accordent à dire qu’elle est en partie le fruit de la nouvelle donne créée par le déclenchement de la guerre russo-ukrainienne.
Concernant ses opposants, qui depuis le début de l’année ont peiné à rassembler leurs forces derrière leur tête de liste Péter Márki-Zay, Viktor Orbán a lancé :
« La gauche [hongroise] a été le plus mauvais investissement de Soros, parce que depuis douze ans elle ne fait que lui prendre son argent […] C’est maintenant que nous avions le plus à nous battre. La presse internationale mainstream, et, à la fin de la campagne, le président ukrainien aussi : nous n’avons jamais eu autant d’adversaires ».
L’opposition en lambeau
Obtenant 35,04% des voix et 56 sièges au Parlement, l’opposition unie derrière Péter Márki-Zay et comprenant le DK, le Jobbik, le LMP, le Momentum et Párbeszéd a essuyé un terrible revers mettant dès dimanche soir en question sa viabilité en tant qu’alliance de partis politiques.
L’opposition n’est pas parvenue à remporter toutes les circonscriptions de Budapest comme cela était pressenti et finit en tête seulement dans deux circonscriptions de province. La tête de liste Péter Márki-Zay a quant à lui été largement battu sur ses terres face à János Lázár dans la 4ème circonscription de la région de Csongrád-Csanád (52,37% à 39,58%).
Sans surprise, les partenaires de l’opposition de Péter Márki-Zay n’ont pas attendu pour se désolidariser de Péter Márki-Zay. Le président du Jobbik, qui aura 11 députés au Parlement, a déclaré que le candidat de l’opposition unie n’avait pas renouvelé celle-ci comme promis mais l’avait fait échouer. Ferenc Gyurcsány, président du DK qui aura 16 députés, s’est quant à lui moqué du « capitaine » Márki-Zay, un sobriquet que l’ancien Premier ministre socialiste avait déjà utilisé à l’automne 2021.
Péter Márki-Zay s’est présenté devant les caméras suite au discours du Premier ministre Viktor Orbán sans ses partenaires de coalition.
S’adressant à quelques dizaines de personnes, il a déclaré que le Fidesz avait mené une « campagne de haine » et de « lavage de cerveau », et a remis en cause la liberté du scrutin.
Les opposants à Viktor Orbán ont subi une défaite historique. « Unis » à l’occasion de ces élections de 2022, ils obtiennent moins de voix lorsqu’ils s’étaient présentés de manière éclatée en 2018 et paient une campagne mal-conçue et truffée de déclarations polémiques de leur candidat Péter Márki-Zay.
Le deuxième gagnant de la soirée : Mi Hazánk
Le mouvement nationaliste Mi Hazánk du maire d’Ásotthalom a obtenu 6,17% des suffrages et franchit ainsi le seuil des 5% requis pour entrer au Parlement, le score du parti de László Toroczkai lui permettant d’envoyer 7 députés au Parlement.
László Toroczkai a déclaré au média pro-gouvernemental Mandiner que ce succès était dans l’air et s’est dit satisfait des résultats obtenus par son parti :
« Ils ont essayé de nous faire taire par tous les moyens, mais nous avons quand même réussi ! »
László Toroczkai, qui a par ailleurs obtenu 9,66% des voix en scrutin uninominal dans la deuxième circonscription de Csongrad-Csanád (comprenant une partie de Szeged, ville traditionnellement à gauche), entre pour la première fois au Parlement, et devrait ainsi bousculer le jeu de la vie parlementaire hongroise marquée par l’opposition entre la gauche libérale et la coalition gouvernementale depuis plusieurs années.
En début d’année, le mouvement Mi Hazánk avait clairement bénéficié de sa position nette et sans concession sur la question des mesures sanitaires et était donné à 7% par un institution de sondage proche de la gauche. Cet enthousiasme pour le mouvement de László Toroczkai semblait être retombé avec la fin des mesures sanitaires décidées par le gouvernement et la place considérable prise dans la campagne électorale par la guerre russo-ukrainienne.
L’intérêt pour les positions de Mi Hazánk n’est donc pas tant retombé que cela, et il semblerait que ce parti ait attiré des orphelins du Jobbik ainsi que des électeurs déçus par le Fidesz. Quoi qu’il en soit, le score de Mi Hazánk apporte un nouvel élément dans la vie politique hongroise et enfonce encore un peu plus le clou de la défaite des forces de gauche libérale.
Le Non au référendum l’emporte
Les Hongrois étaient en ce 3 avril aussi appelés à se prononcer sur quatre questions dans le cadre d’un référendum sur la protection de l’enfance :
- Dans le cadre des établissements publics d’enseignement, approuvez-vous la participation de mineurs sans accord parental à des activités impliquant la présentation de diverses orientations sexuelles ?
- Approuvez-vous la popularisation à l’intention de mineurs des traitements de réassignation sexuelle ?
- Approuvez-vous l’accès illimité des mineurs à des contenus médiatiques de nature sexuelle, susceptibles d’influencer leur évolution ?
- Approuvez-vous l’accès des mineurs à des contenus médiatiques présentant des possibilités de changement de sexe ?
Le Non l’a largement emporté à hauteur de 95%, mais ce résultat ne suffit pas à obliger le Parlement à légiférer, le quorum de 50% du total des votants n’ayant pas été atteint en raison du boycott de ce scrutin par les électeurs d’opposition. Ce résultat conserve néanmoins une valeur consultative et pourra assurément être utilisé politiquement par la coalition gouvernementale.