C'est assez, faut que ça change! La caravane caquiste a donc décollé, tambours battants, sur le thème du changement, en y saupoudrant un petit je ne sais quoi d'identitaire économique...assaisonné de lutte à la corruption. Avec la CAQ, donc, ce sera «le ménage». Et, les Québécois deviendront «maîtres de leur économie». Les libéraux d'un certain âge, ou d'un âge certain, on dû avoir l'impression d'entendre quelque chose de familier. Il est manifeste, du moins à première vue, que les stratèges caquistes ont mieux flairé l'humeur de l'électorat que leurs adversaires, fin juillet 2012. À cette époque, le mécontentement à l'égard du gouvernement libéral faisait 70 % et 80 de la population voulait une élection. Dans les circonstances, il était prévisible que l'électorat montrerait plus d'appétit pour un plat exotique que pour du réchauffé. Et, s'il faut en croire un sondage Léger Marketing réalisé en juillet dernier, c'est du côté de la CAQ que le peuple voyait l'exotisme. Le parti représentait en effet le meilleur espoir de changement pour 26 % de la population. Suivaient le PQ à 13 %, QS à 12 %, le PLQ à 6 %, les Verts à 4 % et ON à 4 % (J-1-8-12, p., 2). Or, la CAQ n'avait pas l'intention de décevoir. Si quelque chose devait être changé, c'était le régime libéral. Avec son slogan...disons emprunté aux libéraux d'une génération plus glorieuse, les caquistes avisaient formellement le PLQ du fait qu'ils avaient l'intention d'aller chasser sur ses terres. Au PLQ, on ne l'avait pas vu venir (D-2-8-12, p., A-1).
Mais, on attire pas beaucoup de libéraux dans un autobus séparatiste. Le Québec assistera donc en temps réel à la conversion fédéraliste de François Legault. Fin 2011, donc, il lance la CAQ sous le couvert d'un moratoire de dix ans sur la question nationale. En début de campagne, fin juillet 2012, il ne croit plus en l'indépendance. Quelques jours plus tard, le moratoire de dix ans devient éternel. Il ne sera «jamais» question d'indépendance à la CAQ. Le lendemain, ou presque, il enregistre par anticipation son vote négatif à un éventuel référendum. François Legault était devenu un authentique fédéraliste (D-9-8-12, p., A-5; J-9-8-12, p., 6). En quelques jours à peine, François Legault s'était approprié les symboles électoraux de la révolution tranquille et il avait soufflé tout un pan de l'argumentaire de campagne du PLQ, soit que la CAQ n'était qu'un repaire de cryptoséparatistes. Jean Charest encaisse très mal le coup. Il se réfugie dans le déni. Non, François Legault n'est pas fédéraliste et il prépare la tenue d'un référendum.
Désormais détenteur d'un permis de circuler en terres libérales, François Legault s'appliquera férocement à convaincre l'électorat anglophone de rejoindre son parti. Et, il est accompagné d'un guide au-dessus de tout soupçon, Robert Libman. La Loi 101, donc, ne sera pas renforcée; elle sera appliquée plus strictement. La CAQ se veut un parti inclusif qui rassemblera tous les Québécois «...francophones, anglophones...fédéralistes et souverainistes...pour faire le ménage au Québec et relancer le Québec» (D-9-8-12, p., A-5). On ne pourra pas accuser le chef caquiste de ne pas voir grand. Et, c'est probablement là la faiblesse de la CAQ. Il n'y a pas unanimité politique au Québec. Or, un jour ou l'autre, des factions dissidentes ne manqueront pas de paraître à la CAQ. À tout événement, le «nous» caquiste ne semble pas inclure les étudiants. François Legault préconise en effet la méthode dure pour les professeurs et étudiants qui s'aventureraient à défier la loi. À première vue, les stratèges caquistes semblent viser la classe moyenne sensible à tout ce qui touche la prospérité...et la sienne en particulier. Le vote étudiant ne fait donc pas partie de l'équation caquiste. Mais, il faut bien admettre que la perte résultant de ce calcul pourrait somme toute être minime, s'il faut en croire les statistiques. Depuis 1994, le taux de participation des 18-24 ans est en effet en chute libre: 1994 (73,38 %), 1998 (65,37 %), 2003 (52,66 %), 2007 (54,46 %) et 2008 (36,15 %)-(D-4-8-12, p., B-5).
Quoiqu'il en soit, on aura vu la CAQ s'approprier effrontément les symboles électoraux les plus fiers de l'histoire du PLQ sans que ce parti ne s'objecte le moindrement. Et, cela est sans aucun doute indicatif du fait que ce parti a perdu tout ce qui pouvait lui rester d'âme politique. On s'imagine François Legault revendiquer la mémoire de René Lévesque...À tout événement, dans l'éventualité d'une victoire caquiste, la population accepterait-elle de suivre ce parti sur le sentier de ce qui pourrait bien être une période de «forts vents» au Québec? On peut se demander, en effet, si les stratèges caquistes n'ont pas surévalué...la soif de changement des Québécois.
Peu importe, le parti a fait preuve de la même hardiesse au plan de la concurrence électorale comme telle. Le discours de la CAQ est en effet livré sur le ton de la nouveauté. Tous les Québécois auront droit à un médecin de famille avant la fin de l'an 1 d'un gouvernement caquiste. Et, le messager ne connaît pas ce sentiment que le commun des mortels appelle le doute. Fin juillet, l'accessibilité aux services de santé faisait 35 % dans l'échelle des priorités de la population, la plus élevée. Le projet de loi numéro 1 d'un régime caquiste visera à rétablir l'intégrité dans les affaires publiques au Québec. Et, le messager sera Monsieur Intégrité lui-même. Fin juillet, la lutte à la corruption dans l'industrie de la construction marquait 22 % dans l'ordre des priorités de l'électorat, la troisième en importance (J-1-8-12, p., 2). Avec Jacques Duchesneau à bord de son autobus, la CAQ soufflait, non pas un pan de l'argumentaire de campagne du PQ, mais...tout l'argumentaire de campagne du PQ. François Legault est devenu fédéraliste: fin du récit. Les syndicats seront mis au pas, à Hydro-Québec ou ailleurs. Aux professeurs récalcitrants, on prescrit des sanctions. Évidemment, il est peu crédible de promettre le changement dans l'ambiguïté et la timidité. Alors, ne comptez pas sur la CAQ pour s'excuser d'être la CAQ. Au plan électoral, donc, les stratèges caquistes semblent avoir fait de meilleurs choix que leurs adversaires. Et, une chose est certaine, ils gardent un oeil plus attentifs qu'eux sur les sondages d'opinion. Mais, l'humeur de l'électorat est volatil. L'hiver dernier, le PLQ pouvait compter sur un appui de 56 % au pic de la crise étudiante...
Comme le PQ, la CAQ a su enfiler suffisamment de candidatures prestigieuses pour donner un élan de départ à sa campagne. Et, ses recrues cinq étoiles ne sont pas nécessairement associées à la mouvance identitaire de la classe politique, ce qui pourrait permettre à la CAQ de ratisser un peu plus large dans l'électorat. Mais, il est légitime de se demander si le caractère par trop... flamboyant de certaines recrues caquistes ne finira pas par faire des étincelles que M. Legault appréciera moins lorsque le tohu bohu de la campagne cédera sa place à la réalité...
Au total, donc, la macrostratégie caquiste est de loin plus raffinée et audacieuse que celle des deux autres partis dominants. Elle correspond mieux au contexte électoral qui prévalait au début de la campagne. Et, elle confère au parti un avantage concurrentiel que l'on ne retrouve pas du côté des deux autres grands partis. Mais, une élection ne se gagne pas uniquement au niveau macrostratégique. L'électorat n'a pas que des humeurs. Il a également...un portefeuille et des intérêts particuliers, ce qui pèse parfois lourd dans l'isoloir. C'est l'affaire de la microstratégie. Allons-y voir de plus près.
*Microstratégie
On imagine mal une campagne électorale sans promesses. Celles-ci peuvent bien sûr s'inscrire dans le cadre d'un projet de société défini au programme de tel ou tel parti, mais elles visent bien souvent à faire oublier le bilan peu reluisant d'un gouvernement ou à cacher la pauvreté idéologique de tel ou tel autre parti. Un paiement de transfert par-ci et un crédit d'impôt par là peuvent parfois accomplir des merveilles. C'est en effet au niveau microstratégique que s'est jouée la dernière élection fédérale.
Au Québec, le PLQ pose en élève peu doué des conservateurs fédéraux, du moins en ce qui concerne la présente élection. Au cours de la première semaine de la campagne, donc, il s'est limité à des promesses spécifiques touchant des segments ciblés de la population. Le crédit d'impôt destiné aux travailleurs âgés décidant de demeurer sur la marché du travail sera en conséquence élargi aux travailleurs de 62 ans et plus (D-4-8-12, p., A-5). Les entreprises créant des places en garderie pour leurs employés auront droit à un crédit d'impôt (D-6-8-12,p., A-3). Le coût des échographies en clinique privée sera remboursé (D-7-8-12, p., A-). Les familles bénéficieront d'un versement annuel de 100 $ par enfant au titre des dépenses scolaires (D-7-8-12, p., A-2). Les ménages pourront toucher un crédit d'impôt à la rénovation de leur résidence principale et pourront réclamer le remboursement des frais dentaires de leurs adolescents agés de 9 à 16 ans (D-8-8-12, p., A-4; D-9-8-12, p., A-4). En 2011, les conservateurs fédéraux ont gagné leur élection à la suite d'une série de promesses du même genre. La seule véritable promesse d'ordre général du PLQ touchait le Plan Nord et ses 250 000 emplois. Or, personne n'a vraiment tenté de ridiculiser cet engagement aux allures un peu psychédéliques (D-3-8-12, p., A-3).
À la CAQ, on garde l'oeil sur les sondages d'opinion. On se souviendra ici des promesses touchant l'accès à un médecin de famille et la lutte à la corruption. François Legault redécouvrira donc les vertus du minimalisme fiscal et promettra une diminution d'impôt de 1 000 $ à la classe moyenne (D-8-8-12, p., A-6.) En début de campagne, les diminutions d'impôt faisaient 22 % dans l'échelle de priorités de l'électorat, ex aequo en deuxième place avec la lutte à la corruption. Un gouvernement caquiste accorderait également cinq jours de congés parentaux payés annuellement (D-9-8-12, p., A-5). Plusieurs promesses de la CAQ sont cependant beaucoup moins spécifiques. On pensera, par exemple, à l'inclusion d'Hydro-Québec et de la Caisse de dépôt dans le périmètre d'examen du vérificateur-général, la constitution d'un fonds de ressources natureles de 5 milliards $, la participation de la Caisse à la hauteur de 49 % dans le capital des sociétés oeuvrant dans le secteur des ressources naturelles et l'utilisation des redevances issus de l'exploitation des ressources pour diminuer la dette (D-4-8-12, p., A-1; D-7-8-12, p., A-). Le buffet caquiste offre donc des mets à forte saveur économique, dont le fumet suggère un petit quelque chose d'identitaire.
Au PQ, les engagements sont beaucoup plus impersonnels. En fait, les seules promesses péquistes véritablement ciblées concernaient les étudiants, soit l'annulation de la hausse des frais, l'abrogation de la Loi 12 et la constitution d'un sommet sur l'éducation supérieure (D-2-8-12, p., A-1; D-3-8-12, p., A-4). Tout le reste vise la société en général: resserrement de la Loi 101, charte de la laïcité, enseignement de l'histoire, banque de développement économique, rapatriment de l'assurance-emploi, récupération de 400 millions $ auprès du fédéral, etc. (D-6-8-12, p., A-4; D-4-8-12, p., A-2). Dans un contexte électoral plus neutre, on se demande si le PQ ne ferait pas les frais de son obsession du projet de société...
Alors, après une semaine de campagne, où en étaient les partis? Selon un sondage Léger Marketing, la CAQ avait le vent dans les voiles, propulsée par le limier Duchesneau. Le parti avait en effet gagné six points depuis le sondage précédent (D-10-8-12, p., A-1; J-1-8-12, p., 2):
PQ........................(32%).....(33%)
PLQ.......................(31%).....(31%)
CAQ......................(27%).....(21%)
QS........................(6%).......(7%)
Verts.....................(2%).......(4%)
ON........................(2%).......(2%)
On aura compris que les libéraux tentent de combler leur faiblesse au plan identitaire en s'adressant aux intérêts particuliers de l'électorat et en attisant ses craintes de l'instabilité. Dans le passé, ce calcul a fonctionné à merveille. Le problème du PLQ dans cette élection, c'est que la population est exaspérée d'entendre parler de corruption jour après jour à l'Assemblée nationale. Il pourrait bien y avoir des limites à l'effet magique des crédits d'impôt...
Enfin, on peut passer à la semaine 2.
Mais, on me permettra un petit saut en avant.
En raison de sa faiblesse en région, la CAQ pourrait bien être moins forte que ne le montrent les sondages le soir du 4/9.
Lors de son récent spectacle à Québec, Madonna aurait livré un discours contre l'intolérance, avant d'agiter un drapeau québécois. On se souviendra que les journaux du Canada anglais avaient passé les deux semaines précédentes à dénoncer l'intolérance des Québécois. Ce qu'il ne faut pas entendre... J'y reviendrai dans un autre texte au sujet du billet de 100 $. Évidemment, un bienheureux québécois aura soufflé le message à Madonna avant son spectacle. Qu'importe, nous n'avons pas de leçons à prendre d'une vieille vedette grassouillette qui fait des steppettes déguisée en majorette en tirant de la mitraillette. Alors, aux oubliettes, Madonette, et va profaner les symboles religieux ailleurs que chez nous...
Semaine 1
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1 commentaire
Archives de Vigile Répondre
4 septembre 2012Délirant de voir à Radio-Canada la chroniqueuse Chantal Hébert se tortiller sur sa chaise sur le fait que Pauline Marois va connaître des difficultés innombrabes dans un gouvernement minoritaire qui n'a pas su profiter de la faiblesse de l'usure du pouvoir de Jean Charest.
Tiens donc! Est-ce qu'elle oublie que les libéraux partent avec une vingtaine de comtés anglophones assurés même s'ils présentaient une vache sur un poteau?