Assisterait-on au réveil du Québec? Difficile à dire. Mais, le patient n'est pas mort. Il montre des signes de vie.
En effet, il semble que le milieu des affaires québécois entend se mobiliser contre le projet fédéral d'une commission nationale des valeurs mobilières. Malheureusement, le...tigre québécois ne donne pas l'impression d'avoir la griffe particulièrement agressive.
C'est du moins ce qui se dégage du texte paru en page B-5 du Devoir des 16 et 17 novembre derniers, sous la signature de quelques membres très influents du Québec économique. Grosso modo, les auteurs reprennent les arguments que les opposants au plan fédéral ont avancés avec la régularité de l'horloge sur diverses plateformes au cours des dernières années.
Si le fédéral devait donner suite à son projet, donc, les entreprises québécoises seraient défavorisées dans leur recherche de financement. Malheureusement, elles le sont déjà, dans la mesure ou le marché des actions s'est déplacé vers Toronto et Vancouver.
Les coups bas du fédéral
On ajoute également que Montréal seraient freinée dans ses efforts pour se tailler une place dans le cercle des centres financiers qui comptent. En effet, explique-t-on, le projet fédéral chasserait de la métropole québécoise, et du Québec généralement, les entreprises spécialisées dans la production de services financiers périphériques: bureaux d'avocats, cabinets comptables, fiscalistes et firmes d'analyse financière. Autrement dit, Montréal perdrait son expertise financière pointue.
À bien des égards, cela est déjà fait. Les banques dirigent leurs affaires depuis Toronto. Et, le décloisonnement aidant, les courtiers ont suivi. Le fédéral a fait du bon travail, là-dedans. Évidemment, les services périphériques n'étaient qu'à quelques pas derrière. Heureusement, cependant, avec les projets d'unification de la pratique du droit que l'on élabore présentement au Barreau et dans certains grands bureaux d'avocats, l'industrie de la traduction va exploser au Québec...à moins, bien sûr, que l'on abolisse éventuellement l'exigence de traduction...
Comme bien d'autres l'ont fait avant eux, les auteurs du texte mentionné plus haut ne manquent pas d'ajouter qu'une commission nationale des valeurs serait tout à fait inutile, le mécanisme du passeport et de l'harmonisation de la réglementation y suppléant fort efficacement. Le fédéral n'en a rien à cirer, messieurs, de l'harmonisation. Ce qu'il veut, c'est centraliser les compétences économiques et financières à Ottawa. Et, à Bay Street, on a l'œil sur le secteur financier à Toronto.
Montréal déclassée
Évidemment, on se fait un devoir de rappeler à Ottawa que le Québec a «gagné» sa cause en Cour suprême dans l'affaire des valeurs mobilières. Relisez-la comme il faut, la décision de la Cour suprême, messieurs...
À tout événement, si le fédéral devait donner suite à son projet, on entrevoit des conséquences néfastes pour Montréal et le Québec. Désolé, messieurs, mais Montréal est devenue une ville canadienne de deuxième ordre, sur l'autoroute du troisième ordre. Quant au Québec, il est un prestataire chronique de péréquation. À la CAQ, monsieur Legault appelle cela du BS (D-05-09-13, p., A-2).
Si l'on veut faire reculer le fédéral, il faudra sortir des stratégies qui nous ont conduits nulle part au cours des dernières années. Einstein ne se plaisait-il pas à raconter que le symptôme le plus évident de la folie était de répéter constamment la même expérience en espérant éventuellement obtenir un résultat différent...
Pour avoir la moindre chance de l'emporter dans cette histoire, il faudra placer le problème dans sa véritable perspective. Il s'agit d'un dossier opposant Bay Street et la rue Saint-Jacques. Si Ottawa gagne cela, il ne restera plus rien comme pouvoir de réglementation économique au Québec.
Le fédéral dans le tableau
Ensuite, on devra se mettre dans la tête que le Québec n'a pas gagné sa cause en Cour suprême dans la dossier des valeurs mobilières. Avant l'Avis de la Cour, il n'y avait pas de doute à l'effet que les provinces avaient compétence en lien avec le risque systémique et les produits dérivés. Maintenant, le fédéral est dans le tableau. A-t-il acquis une compétence nouvelle? Il faudrait voir. Mais, la Cour a ouvert une drôle de porte...Si tel devait être le cas, Montréal risque d'y perdre sa Bourse, une Bourse de dérivés. Et, ils en mènent large, les produits dérivés dans le secteur financier.
Pour arrêter le fédéral, il faudra sortir l'artillerie lourde. Mais, le Québec a tout ce qu'il lui faut.
En fait, ce serait une erreur que de se limiter à la simple question des valeurs mobilières. Les politiques économiques du fédéral défavorisent systématiquement la province et le temps est peut-être venu de le dénoncer avec plus de fermeté.
Commençons cependant du côté de la Cour suprême. Le dossier des valeurs mobilières établit clairement que la Cour est sous influence. Il suffira pour s'en convaincre de lire les textes du soussigné sur cette question dans les archives de Vigile: Chasse aux nazis, valeurs mobilières et actes similaires (11-06-13); Valeurs mobilières, rapatriement et intérêt public (29-04-13); et, «VICTOIRE» à double tranchant pour le Québec (02-04-12). La dernière chose que l'on veut, à Ottawa, ce serait d'une enquête sur la Cour suprême. Il y a pourtant suffisamment de faits connus pour en justifier une. On se demande réellement ce que fait le Québec dans ce dossier-là. Il ralentirait, le projet fédéral d'une commission nationale des valeurs mobilières si le milieu des affaires québécois se mettait à parler d'une telle enquête...
Voir plus loin
Mais, il faut voir plus loin que le simple cas des valeurs mobilières. Il y a quelques mois, dans les médias, on reprochait à Air Canada de défavoriser Pierre-Elliott-Trudeau par rapport à Pearson dans l'attribution de ses routes directes. Malheureusement, le milieu des affaires québécois a volé au secours d'Air Canada en expliquant que la compagnie accordait à Montréal l'importance qu'elle mérite par rapport à Toronto. Triste.
N'aurait-on pas dû se demander ce qui expliquait le déclin de Montréal depuis une cinquantaine d'années? L'eût-on fait que l'on aurait constaté que les politiques économiques fédérales ne sont pas étrangères à ce déclin. Et le cas des valeurs mobilières n'est qu'un aspect de ce problème.
Nous le savons, le décloisonnement du secteur financier a conduit les institutions financières à Toronto. Dans une certaine mesure, la Bourse de Montréal est déjà sur la 401...
Prenons maintenant la politique maritime fédérale. On comparera à cet égard les pages 25 à 29 du Financial Post du 2 mars 1995 aux trois articles parus dans le Soleil de Québec entre les 27 et 31 décembre 1995. On constatera que la version française et la version anglaise de la politique maritime fédérale ne disent pas exactement la même chose. Entre autres, afin de favoriser Halifax par rapport à Montréal, on a construit un tunnel entre Sarnia, en Ontario, et Port Huron, au Michigan. Cela a eu pour effet de retrancher 12 heures dans la durée du trajet entre Halifax et Chicago. Halifax a également eu droit à la construction de facilités intermodales de transport pour améliorer la compétitivité du Port de la ville.
Halifax avant Montréal
Et, on ne se cache même pas pour affirmer que l'on voulait donner un avantage à Halifax par rapport à Montréal:
«Halifax has a limited role in that market now», says David Bellefontaine, president and chief executive of the Halifax Port Corp.». Ports like Montreal and Philadelphia are closer to the Midwest and can access it earlier, because Halifax lacks an efficient intermodal connection.
«The new tunnel will put us into a position of being competitive...»
...The Sarnia tunnel, in addition to shaving at least 12 hours off the time it takes intermodal containers to travel between Montreal and Chicago, will generally speed up the entire rail system...» FP, March, 2, 1995, p., 28). On aura compris que le trafic commercial résultant de l'Accord Canada-UE transitera par Halifax plutôt que par Montréal. La marchandise européenne sera probablement livrée à Montréal par des camions de...Midland (Irving).
Le Post nous apprenait également que Vancouver avait eu droit à 227 millions $ pour aménager un joli Deltaport. Voici ce que l'on disait à propos de Montréal: «But the expansion will leapfrog Vancouver past Montréal as the biggest container port in Canada.» (FP, March 2, 1995, p., 26).
Le gros lot aussi pour Vancouver
Pour Halifax et Vancouver, c'est véritablement le gros lot. On se souviendra que ces deux villes se sont partagés les contrats fédéraux de construction navale en 2011. À l'origine, ces contrats étaient évalués à 35 milliards $. Récemment, nous apprenions que ce serait plutôt 100 milliards $. Et, combien la Davie a-t-elle obtenu, à Québec?
Dans le Soleil,on annonçait des fermetures de port, la tarification envisagée des services de la garde côtière et la privatisation éventuelle de la Voie maritime. Faut-il se surprendre du déclin de Montréal?
Et, c'est la même chose depuis la nuit des temps. Dans les années cinquante, le fédéral a financé un réseau d'écoles techniques en Ontario pour préparer la province à recevoir les filiales américaines des grands de l'automobile dans le cadre du Pacte automobile. À la même époque, le Québec perdait ses entreprises dans le textile, la chaussure et le meuble, aux premières heures de la mondialisation.
En 2008-09, où sont allés les milliards dans le sauvetage du secteur automobile? Il y a un an à peine, on ajoutait près d'un milliard $ pour améliorer la compétitivité du secteur.
Le Québec est pauvre
En page A-1 du Devoir du 14 novembre dernier, nous apprenions que le Québec n'avait obtenu que 2,2 % des 2,2 milliards $ attribués aux postes frontaliers dans le cadre du programme d'infrastructures. On comprend mieux pourquoi la part du Québec des échanges commerciaux avec les États-Unis est en recul constant. À qui bénéficie l'ALENA? La liste est interminable.
Alors faut-il être étonné que le revenu médian des ménages québécois soit moindre que le revenu médian des ménages canadiens par environ 5000 $.
Ce matin, le 21 novembre, en page A-6 du Devoir nous lisions qu'à 273 000 $, le prix des résidences familiales était surévalué de 26 % au Québec. Au Canada, le prix moyen fait 391 000 $ et la surévaluation serait plutôt de 21 %. Le Québec compte trois villes parmi les cinq villes canadiennes où l'accessibilité à la propriété est la moins abordable. Autrement dit, le Québec est pauvre. Et, ce n'est pas nécessairement parce que les impôts y sont trop élevés, parce que les travailleurs québécois ne sont pas suffisamment compétitifs et parce qu'il n'y a pas assez de privé dans les secteurs de l'éducation et de la santé.
Oui, le Québec touche de la péréquation. Et on le traite de parasite à pleines pages des grands quotidiens du pays. (Bonne journée, là, messieurs Persichilli et Binnion). Si le milieu des affaires québécois veut stopper le projet fédéral d'établissement d'une commission nationale des valeurs mobilières, il n'a qu'à suggérer la tenue d'une commission d'enquête sur la place faite au Québec dans les politiques économiques et les dépenses fédérales. Vous savez, quelque chose dans le genre de la Commission royale d'enquête sur l'union économique et les perspectives de développement du Canada (1982)...Mais en plus médiatisée.
En fait, les deux enquêtes suggérées plus haut s'imposent que le fédéral abandonne ou non son projet de commission des valeurs mobilières. Le Québec ne peut pas continuer sur sa trajectoire actuelle. Et, manifestement, on ne peut compter sur la classe politique pour prendre les choses en main. Alors, si Québec inc., est sérieux dans son opposition à cette initiative fédérale, qu'il se lève et agisse avec la fermeté voulue...Il a tout à y gagner.
L'Affaire des valeurs mobilières
Bay Street (Canada) c. la rue Saint -Jacques (Québec)
Ottawa et Toronto détroussent l'économie du Québec
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6 commentaires
Laurent Desbois Répondre
28 novembre 2013Pourtant, voter pour les NDP progressifs fédéralistes semblait être une bonne idée pour un certain parti soit disant indépendantiste!!!!
Et voila le résultat… Et que dire des alliés progressifs de QS… le NDP???
Bay Street et ses néobouddhistes d’Ottawa - 2e partie
Jeudi, 03 mai 2012 |
Écrit par Bernard Desgagné
http://www.lequebecois.org/chroniques-de-bernard-desgagne/bay-street-et-ses-neobouddhistes-dottawa-2e-partie
Le chantage proguerre et anticitoyen de l’inquiétante Mme Laverdière
Mulcair et ses patrons de Bay Street
Archives de Vigile Répondre
23 novembre 2013Toronto détrousse la rue Saint-Jacques. On devrait dire que de tout temps Toronto , avec l'aide d'Ottawa on a toujours tout fait pour détrousser le Québec de ses outils économiques, financiers et industriels, ce qu'avait écrit un des collaborateurs de l'Action Indépendantiste, journal de combat, fin des années 90, ce collaborateur vivant près des industries qui ont quitté Saint-Henri et le Québec dès
l'ouverture du Canal du Saint-Laurent en 1956 , ou tout près de cette date /année, pour se diriger surtout en Ontario tout comme les outils financiers et économiques de l'État du Québec. Ils n'auront de cesse que le jour où ils auront détroussé le Québec au point de le faire mourir. Il est plus qu'urgent d'agir !
Archives de Vigile Répondre
23 novembre 2013Il y a baisse généralisée du niveau de vie non seulement au Québec mais aussi en Europe comme le rapporte monsieur Fontaine sur Vigile:
"Dans les vingt dernières années, alors que les revenus se multipliaient par deux, le prix des habitations se multipliait par cinq. Alors que le part des revenus du travail dans l’ensemble de la richesse collective ne cesse de décroître, on ne fait plus que parler de la diminution des charges des employeurs. Ces charges sont en réalité —à peu près personne ne le dit—, une composante de ce qui doit être dépensé — de toute façon— quand un emploi existe. Mais dans maints pays on a décidé de manière purement théorique que c’était le patron qui était supposé payer la plus grosse somme. On aurait pu tout aussi bien dire que la plus grosse somme était payée par l’ouvrier ou l’employé. Mais depuis les plus anciens textes de la Bible, le « crime qui crie vengeance au ciel », demeure l’injuste salaire, rêve de tous les employeurs depuis la nuit des temps. On n’entend plus parler que de cela en Europe, la diminution des salaires ! la diminution des salaires !"
http://www.vigile.net/La-Belgique-de-la-Baronne-Annie
On notera cet extrait: "Mais depuis les plus anciens textes de la Bible, le « crime qui crie vengeance au ciel », demeure l’injuste salaire..."
Pas étonnant que le climat se dérègle et que les tremblements de terre et éruptions volcaniques se multiplient.
Je crains qu'un cataclysme naturel de grande ampleur finisse par anéantir ce qui nous reste de civilisation.
Claude Richard Répondre
22 novembre 2013Pendant ce temps, on nous rebat les oreilles à Radio-Can et dans tous nos autres médias complaisants des turpitudes des sénateurs et des singeries du maire de Toronto. De quoi amplement nous distraire des vrais problèmes comme cette Commission des valeurs mobilières fédérales tout orientée vers le bien de Toronto et le favoritisme fédéral carabiné envers les entreprises maritimes de Vancouver et de Halifax.
Ainsi vogue la galère fédérale sous l'oeil paterne des Québécois! Z'êtes pas tannés de mourir gang de...?
Archives de Vigile Répondre
22 novembre 2013Évidemment, lorsque je parle de «liste interminable», je veux dire celle des méfaits fédéraux à l'endroit du Québec, non pas celle des bénéficiaires de l'ALENA. Mais, cela étant dit, il faut bien admettre que les Québécois semblent assez bien s'accommoder de la situation. Que voulez-vous, tant que l'industrie de la péréquation se portera bien...
Louis Côté
Archives de Vigile Répondre
22 novembre 2013Tous ces 'services financiers', experts fiscalistes (qui organisent l'évasion fiscale), comptables, avocats, etc, sont la lie de l'orgie financière qui nous accable.
Comme projet de société, avoir sa part dans ce désastre, est-ce vraiment ce que nous désirons ?