J'aime bien Pierre Duchesne et c'est quelqu'un de brillant. Mais ce soir à 24 heures en 60 minutes, on aurait dit un ministre du parti libéral. Les gouvernements qui se succèdent à Québec semblent conseillés par les mêmes stratèges de la gouvernance. Le ministre de l'éducation pense-t-il qu'il va marginaliser l'ASSÉ ? c'est ne pas avoir compris la dynamique du printemps érable et ne pas avoir écouté les mots de Martine Desjardins de la FEUQ.
J'adore Martine Ouellet, je sais qu'elle est compétente et sincère et pourtant comment expliquer qu'elle accepte de se prêter au sacrifice de la chute de Val-Jalbert un des joyaux du territoire Québécois et qui plus est, un projet déficitaire ? Comment ce gouvernement arrive-t-il à accompagner chaque bonne nouvelle d'une déception toute aussi grande ?
Comment comprendre que quelqu'un qui a une si haute idée de lui-même que Jean-François Lisée aille de son propre chef, sans appui populaire, comme s'il était le représentant de l'État, faire le pantin devant l'establishment anglophone de Montréal ? Croit-il seulement que ses nouveaux amis vont cesser de se définir comme des "anglo-canadians" qui aiment bien "the province of Quebec" ?
Le mouvement des étudiants du printemps érable est plus résistant que les gouvernements successifs parce que les étudiants ont raison et que leur combat se situe dans l'évolution du Québec. Ils défendent un paradigme qui n'est pas accessible aux partis politiques tous construits sur l'obéissance aux chefs et aux intérêts du parti et non du bien public. Les étudiants du printemps étudiant sont dans la même situation que les artistes du refus global sauf qu'ils sont plus nombreux et n'entendent pas quitter le Québec. Ils font face eux-aussi à une grande noirceur prête à recourir aux tribunaux et à la répression policière pour maintenir une idée néolibérale, mortifère, déprimante et obsolète de la société.
Parce que nous sommes aux portes d'un changement de paradigme, c'est à dire d'une transformation pacifique mais radicale de notre société qui sera entraînée par l'accès universel et gratuit aux études supérieures, contribuera à l'élimination du scandale de la pauvreté et de l'exclusion, nous permettra de participer directement à la sauvegarde de l'environnement à l'échelle de la planète, rendra possible la reprise en main de notre territoire géographique, culturel, urbanisé et paysager, et nous conduira à la libération politique de notre pays. Refuser de les écouter, c'est refuser l'avenir du Québec.
Les étudiants qui ont appris à s'exprimer sans peur sont aussi les plus forts parce qu'ils s'informent, s'instruisent et prennent le temps de discuter entre eux librement et longuement, pratiquent la démocratie directe et sont sévères avec leurs porte-paroles. Ils sont aussi créateurs, ils ont du plaisir, ignorent les barrières de genre, de communauté et de langue et ont remis le Québec sur la scène mondiale pour la première fois depuis l'humiliation des échecs référendaires. Il sont intelligents en groupe parce que l'intelligence isolée et narcissique n'arrive à rien. Ils devraient être des modèles de nos politiciens qui ne savent que s'en méfier et les craindre.
En face d'eux se trouvent nos élus, qui, dès qu'ils s'installent à Québec dans les velours bleu poudre de l'Assemblée aux persiennes fermées qui leurs bloquent la vue sur l'extérieur et sur le monde depuis que la télévision l'a transformée en cirque médiatique, et qui, dès qu'ils ont prêté le serment d'allégeance à la reine souveraine, ne pratiquent pas la démocratie directe mais la démocratie représentative qui les libère de tout engagement sauf envers leur parti.
Il y a toutes sortes de gouvernants : ceux qui gouvernent par les sondages en pensant à leur réélection, ceux qui gouvernent par compromis, pensant ainsi régler tous les conflits en proposant des solutions semblables au corps de Frankenstein lesquelles déçoivent tout le monde. Cela explique l'échec de nos grandes politiques qui, ramollies par les compromis, nous réduisent à la médiocrité.
Il y a parmi nos gouvernants, ceux qui sont morts de peur devant les critiques populistes des oppositions et journaux démagogues qui les paralysent; ceux qui gouvernent tels des dévots avec une calculette sous prétexte de déficit zéro; ceux qui sont guidés par des agences de communication et nous trouvent si faciles à manipuler; ceux qui sont au service des intérêts corporatifs et croient que tous les moyens sont bons pour créer la richesse qui nous appauvrit tous; ceux enfin, qui acceptent l'humiliation et la bêtise par simple habitude d'obéissance et surtout pour sauver leur existence politicienne au quotidien.
Tous ceux là, à l'encontre de leur rhétorique apprise, plus brève et soignée qu'un tweet papal, gèrent notre dépendance provinciale, notre exploitation coloniale, et l'ignorance qui assure notre docilité.
Et puis, il y a, heureusement, les grands hommes et les grandes femmes que personne n'écoute et qu'on banalise parce qu'ils dérangent; ceux qui ont consacré et consacrent leur vie à préparer l'avenir et nous montrent le chemin, tels que Jacques Parizeau, Jacques-Yvan Morin, Guy Rocher, Lise Payette, Thérèse Casgrain, Charles DeGaule, Yves Michaud, Gilles Duceppe, Gaston Miron, Gilles Vigneault, Michel Chartrand, Gérald Godin, Camille Laurin, Pierre Bourgault, Pierre Falardeau, Daniel Breton, Françoise David (chaque fois qu'elle cesse d'être partisane), Marc Chevrier, et combien d'autres qui nous font nous tenir debout. Les étudiants du printemps érable sont leurs héritiers.
Les élus du parti Québécois, sur les épaules desquels reposent présentement le projet d'indépendance du Québec, doivent sortir de leur torpeur et des craintes qui les retiennent de rejoindre les étudiants, parce qu'ils n'ont rien à perdre. S'ils ne réagissent pas, leurs jours sont comptés. Les oppositions ne feront qu'une bouchée d'eux dès que les libéraux se seront donné un chef. Jean-François Lisée comprendra alors devant qui il s'est présenté à Westmount. Les libéraux revenus au pouvoir sauront quoi faire avec les sommes économisées par le parti Québécois dans l'atteinte d'un improbable déficit zéro.
Le gouvernement du parti Québécois a très peu de temps pour démontrer que "l'autre façon de faire de la politique" n'est pas qu'une formule vide de sens. Il doit se réconcilier avec les étudiants non pas en usant de paternalisme mais plutôt en comprenant que c'est eux qui ont quelque chose à apprendre des étudiants. Il devra aussi se réconcilier avec les forces progressistes regroupées dans Québec solidaire et Option nationale. Pour cela les ego contenus dans ces trois formations politiques devront prendre des leçons des étudiants pour apprendre à travailler ensemble. Le temps presse et jamais une telle occasion ne se représentera avant très longtemps.
Écoutez la jeunesse du printemps érable : elle est notre avenir
L'impératif dialogue entre la gouvernance politicienne et les étudiants
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1 commentaire
Gérald McNichols Tétreault Répondre
17 février 2013Deux précisions: La première c’est que plus on coupe dans les dépenses d’immobilisation et d’entretien pour diminuer les déficit annuels, plus on détériore l’ensemble de nos infrastructures publiques (routes, ponts, édifices publics, parcs) plus on affaiblit la fonction publique (infirmières, ministères) qui doivent ensuite être réparés ou remplacés quand on ne les maintien pas dans un état de dégradation dangereux. C’est donc un appauvrissement qui entraîne des dépenses encore plus importantes dans le temps. Bien sûr, il faut gérer avec rigueur mais si on cesse de réfléchir à ce qu’on fait par obsession pour un dogmatique déficit zéro, on obtient l’effet contraire en très peu de temps. C’est justement grâce à ce délai entre l’arrêt de l’entretien et l’avarie que les politiciens démagogues s’en tirent provisoirement. Il est bien plus facile de ne rien faire que d’intervenir.
Une fois que tout tombe en ruine, l’industrie de la construction infiltrée par le crime organisé a beau jeu de profiter de l’état d’urgence dans lequel notre négligence nous a amené.
Deuxièmement, l’investissement dans l’éducation gratuit à tous les niveaux vise à augmenter la formation de l’ensemble des Québécois et pas seulement des plus privilégiés. Elle est l’un des moyens utile afin de combattre le scandale de la pauvreté et de l’exclusion. Les Québécois plus éduqués et instruits seront profitables à long terme et augmenteront la richesse collective en plus d’avoir une meilleure qualité de vie. Investir dans l’éducation c’est combattre l’ignorance et force est de constater que la philosophie néolibérale cherche plutôt maintenir un bassin de main d’oeuvre vulnérable chez les étudiants qui font fonctionner les dépanneurs et chaînes de restauration rapide et toutes les entreprises hautement capitalisées de la distribution et du commerce au détail qui n’ont pu être imparties dans les pays en voie de développement et qui rapportent beaucoup de profit aux actionnaires mais bien peu de salaire aux travailleurs non syndiqués. Pendant que les étudiants travaillent ils n’étudient pas et dans beaucoup de cas subissent des stress qui se poursuivent au-delà des heures de travail, ils ne lisent pas, ne voyagent pas et n’ont plus le temps de réfléchir et discuter en groupe des moyens de comprendre et d’agir sur le monde ce qui est le rôle de l’université. Ça s’appelle réfléchir. Au lieu de cela, leur mise à la disposition du marché du travail durant leurs études, les amène à faire des travaux scolaires trop rapidement et les prive de l’immersion universitaire qui souffre mal la distraction que constitue un emploi de subsistance. En tant qu’employeur, je suis en mesure d’affirmer que cela transparaît dans les curriculum, les aptitudes, le sens critique, l’intérêt et la culture des diplômés qui ont dû bâcler leurs études et apprendre à travailler trop vite afin de subvenir à leurs besoins. Peu de gens se rappellent que Mai 68 a débuté par la publication d’une étude sur la misère en milieu étudiant. Voilà des questions qui ne seront pas abordées durant les 36 heures du sommet sur l’éducation, lui aussi contrôlé et formaté par les experts en communication qui tiennent lieu de pensée aux gouvernements successifs que nous nous donnons. Il semble qu’au Québec on n’a plus les moyens de prendre le temps de penser. Déficit zéro oblige.