Je ne parle pas du courrier qui s'est accumulé dans la boîte aux lettres, avec son lot de mauvaises nouvelles, de comptes impayés et de fins de non-recevoir. Ni des fleurs et fines herbes qui sont mortes sur le balcon faute d'avoir été arrosées suffisamment.
Non. Je veux parler plutôt du vertige qui s'empare du revenant en allumant la radio, le premier matin. C'est alors que «les downs de tes highs te défoncent l'intérieur». On découvre de nouveau l'aliénation à laquelle on pensait avoir échappé définitivement et qui brillait par son absence pendant tout ce temps.
«... le désir absurde de vivre dans le pays gardé dans sa mémoire. Tout est beau au pays de la mémoire, il n'y a pas de dommages au pays de la mémoire, pas de tremblements de terre, et même la pluie est agréable au pays de la mémoire. C'est le pays de Peter Pan, le pays de la mémoire», écrit Luis Sepulveda, dans L'ombre de ce que nous avons été.
Radio-Canada se charge de nous ramener rapidement à l'ordre et nous plonge en plein cœur du drame en nous rappelant que nous vivons bel et bien dans le «plusse meilleur pays au monde» qui n'a rien à voir avec le pays de la mémoire: un second sénateur est sous enquête, le maire de Toronto poursuit ses frasques ridicules, un député conservateur du Manitoba démissionne pour devenir président d'une entreprise avec laquelle il a fait affaire pendant son mandat, la GRC s'intéresse aux finances d'un sénateur, Via Rail annonce des compressions et la fermeture de quatre gares en Gaspésie, un jeune hockeyeur d'Acadie-Bathurst meurt subitement sur la patinoire, le fédéral refuse de reconnaître ses responsabilités dans le drame du Lac-Mégantic, etc.
Le compte est presque complet, même si on semble heureusement avoir oublié, pour ce premier contact avec la réalité «nationale», les Trudeau, Harper et autres Mulcair.
Puis on nous sert deux cerises sur le sundae: les jeunes libéraux du PLQ se réunissent en congrès, sous le thème de la solidarité sociale et proposent de privatiser rien de moins que la Société des Alcools du Québec dont les profits permettent justement de financer la social-démocratie et la solidarité sociale.
Et Gabriel Nadeau-Dubois va jouer le jeu de la «communication» avec Lise Ravary à la nouvelle émission de Marie-France Bazzo à Radio-Canada. Cherchez l'erreur.
La personnalité du Canada, à partir d'un triple point de vue: psychologique, social et physique, nous frappe en plein visage. Peu importe si cette personnalité est ordinaire ou extraordinaire, ce qui compte, c'est le spectacle qui sert à l'embellir. C'est d'en mettre plein la vue, avec de petits drapeaux, si possible.
À Cuba, justement, on aurait dit que Sheila Copps était passée par là et avaient distribué de petits tissus rouges à des Cubains qui s'empressaient de les vendre à certaines intersections. Chaque fois, je me faisais un devoir de leur expliquer ce que représente ce symbole de l'unifolié, en me servant de l'exemple de Porto Rico, que le commun des mortels à Cuba connaît fort bien. La leçon était facilement comprise et adieux drapeau du Canada!
Mais ici même, que faire, alors que le nouveau chef du Parti libéral du Québec, Philippe Couillard, semble avoir le vent dans les voiles, malgré tous les scandales de corruption qui ont entaché ce parti? Comment faire lorsque les deux lignes du chemin de fer ne coïncident plus, celle de la réalité et celle du rêve? Attendre le spécialiste en buvant un verre de rouge autour d'une table avec des amis, de préférence au soleil pour réchauffer nos vieux os? Ou se retrousser les manches et tenter de toucher le ciel avec nos mains ouvertes?
Cinquante ans ont passé depuis que, pour la première fois, j'ai rêvé l'indépendance du Québec avec mes poings fermés. Qu'adviendra-t-il de toutes nos luttes? «Un nouveau jour va se lever...» (Jacques Michel) Mais quand?
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé