Richard Cléroux - Québec-Hebdo, 14 août 2008
***
Le peuple franco-ontarien d'Ottawa est en deuil aujourd'hui. Le grand spectacle théâtral historique, [l'Écho d'un peuple a fait faillite cette semaine->7977], victime de plusieurs facteurs. Et il y a là une leçon pour les organisateurs de festivals du Québec.
Depuis cinq ans tous les étés au milieu d'un champ (la ferme Drouin) à 40 minutes à l'est d'Ottawa, des centaines de bénévoles de la communauté franco-ontarienne s'habillent en costumes d'époque et montent sur scène. Ces acteurs, musiciens, danseurs présentent une œuvre magistrale qui raconte les quatre siècles de leur histoire en Amérique, leur culture française et leurs luttes politiques. Pour eux, c'était aussi important que La Fabuleuse Histoire d'un Royaume l'était pour les Saguenéens.
C'était un moyen pour les franco-Ontariens, que René Lévesque appelait les « dead ducks », de donner signe de vie. Pour les Québécois la survie c'est quelque chose. Pour les Franco-ontariens c'est tout. Mais lundi dernier les organisateurs ont annoncé la triste nouvelle. Le méga spectacle qui coûte 1,2 million $ par année ne finira même pas l'été. Samedi soir sera la dernière présentation. La rentabilité n'y est plus.
Plusieurs raisons sont évoquées pour ce décès prématuré. Cet été, les spectateurs sont restés chez eux, et les touristes aussi. Les gradins de 1 500 places étaient remplis à peine au tiers. La météo n'a pas aidé. Il a plu tout l'été. Puis, il y avait le prix de l'essence. Les gens n'ont vraiment pas été sorteux. Sans compter qu'il y avait deux fois moins de touristes dans la région. Pas surprenant avec le 400e à Québec. Entre fêter Samuel de Champlain à Québec ou le fêter à Ottawa (ou Champlain n'a fait qu'un bref passage en 1612 ), le choix n'était pas difficile.
Et il n'y a toujours pas d'hébergement de grand luxe dans la région agricole de La Nation. Des grandes tables non plus. Les jeunes eux, se plaignaient du contenu. Ils voulaient du nouveau. Les organisateurs disaient que l'histoire c'est l'histoire. On ne remplace pas Champlain par Paris Hilton juste pour attirer les foules. Ont-ils pensé à Paul McCartney?
Certes, une version anglaise du spectacle aurait possiblement attiré des anglophones de la région d'Ottawa, question de mieux connaître leurs voisins francophones, mais les organisateurs, fiers francos, insistaient sur une version uniquement française. La rentabilité de l'Écho a toujours été précaire. Les subventions gouvernementales auraient pu être plus généreuses. Mais l'idée de revenir au faste de l'époque des commandites fait toujours peur aux Conservateurs de Stephen Harper.
Alors d'ici la fin de l'été les Franco-ontariens, ceux qui n'ont pas les moyens pour se rendre dans la Vieille capitale (ni le goût de se rendre à l'autre capitale) pourront toujours se rabattre sur les nombreux petits festivals dans la région. Il y a le Festival du Castor, et Le Festival du Canard, et le Festival de la Curd. (C'est du fromage en grains.) Si on n'a pas Champlain, ben, on a toujours du castor, du canard et de la curd qui grince dans les dents quand on la croque.
----
Une perte inestimable pour tous les Franco-ontariens
Nicole Charbonneau
L’Express Ottawa, 12 août 2008
L'annonce de la direction de L'écho d'un peuple à ses comédiens et bénévoles en fin de semaine dernière a eu l'effet d'une bombe au sein du groupe. Enfants, jeunes et moins jeunes sont restés bouche bée devant cette annonce. Malgré tout, c'est le cœur en mille miettes, les yeux noyés de larmes, la détresse dans le regard que nous avons su donner un spectacle hors de l'ordinaire aux gens qui s'étaient déplacés pour voir ce spectacle grandiose.
L'écho d'un peuple – , c'est un spectacle qui relate notre histoire, notre culture, nos luttes et qui exprime notre fierté. L'écho d'un peuple, c'est un spectacle unique qui, avec des accessoires aussi imposants qu'un bateau et un train, en met plein la vue. Les gens qui n'ont pas vu le spectacle ne peuvent s'imaginer la « grandiosité » de la scène, les effets pyrotechniques époustouflants, la qualité hors de l'ordinaire du son et de l'éclairage; les gradins en tremblent sous nos pieds. Lorsque les portes de la forteresse ouvrent, ce sont les « Ah mon Dieu, que c'est immense », que nous entendons sur les lèvres des gens.
Ce grand projet a su rallier dès le début des centaines et des centaines de bénévoles, parfois des adversaires en affaires, à construire cette forteresse et cette scène que sont celles de L'écho. Des milliers d'heures de bénévolat ont réuni des gens des quatre coins de Prescott et Russell, ainsi que des environs. Des amitiés réelles se sont nouées parmi les comédiens et les bénévoles, des comédiens vivant des situations difficiles dans leur milieu ont su passer au travers de celles-ci grâce à la grande famille de L'écho, des gens tellement gênés ont su vaincre leurs craintes, leurs peurs et leur gêne en jouant dans L'écho, etc. De jeunes enfants ont appris à s'assumer et à apprendre ce qu'est un engagement; d'autres ont appris leur histoire franco-ontarienne et à exprimer fièrement leur identité et fierté franco-ontarienne. Des centaines d'étudiants et de professeurs de partout en Ontario ont eu la chance de participer pendant une fin de semaine complète à des ateliers sur le théâtre et vivre avec les comédiens ce magnifique voyage qu'est le spectacle.
Comment dit-on à un enfant que L'écho ne sera plus? Comment expliquer à des enfants de 6, 7 et 8 ans qu'ils ne joueront pas dans L'écho l'an prochain? Comment expliquer à des bénévoles et des comédiens qui ont consacré leurs étés depuis six ans que ce spectacle qui a su apporter tellement à un si grand nombre de gens ne sera plus? Comment expliquer à des familles qu'elles n'auront plus cette chance de jouer ensemble?
Je suis une comédienne dans L'écho depuis les tout débuts. Cette implication avec mes enfants a permis de nous découvrir sous un autre angle : des talents cachés qui ont fait surface, un échange plus aisé, une amitié plus solide pour n'en nommer que quelques-uns. La langue française est devenue chez nous importante que ce soit au niveau d'un vocabulaire francophone plus développé, d'émissions de télévision et de radio en français, de découvertes de chansons francophones et d'artistes franco-ontariens et autres. J'ai vu des bébés grandir au sein de L'écho d'un peuple et devenir de petits comédiens hors de l'ordinaire. J'ai vu des ados qui sont devenus de superbes jeunes hommes et jeunes femmes et qui ont appris au sein de L'écho ce qu'est le respect de l'autre, l'entraide, l'engagement et la fierté d'un peuple.
Ce spectacle, le plus gros du genre au Canada, fait l'éloge de tous les spectateurs qui ont vu le show. Les commentaires de plus grands noms de la radio qui ont vu notre spectacle sont des plus élogieux; nous sommes leur coup de cœur. (Voir ca.youtube.com) Après le spectacle, j'aime monter rencontrer les spectateurs dans la forteresse et les remercier de s'être déplacés pour nous voir. Les commentaires de ces gens font chaud au cœur; en voici quelques-uns :
Les tours opérateurs nous ont assuré que nous avions un spectacle hors de l'ordinaire et qui valait la peine d'être vu. Des Québécois qui nous disent : « J'ai appris à vous connaître, vous les Franco-ontariens; on ne connaissait pas votre histoire ». D'autres qui ont déménagé au Québec pour diverses raisons : « Vous avez fait renaître ma fierté franco-ontarienne ». Et d'autres d'ajouter : « Je ne savais pas qu'il y avait des francophones de l'autre côté de la frontière. Je ne savais pas qu'on parlait français en Ontario ».
Certains nous disent : « Votre fierté francophone est palpable. Elle brille dans vos yeux. C'est contagieux. Ne lâchez pas! Merci de nous avoir donné un si beau spectacle. Ça valait le déplacement ». La semaine dernière, un couple venant de l'Italie : La petite dame de me dire, les larmes aux yeux : « Les émotions que vous m'avez fait vivre ce soir resteront gravées dans mon cœur pour longtemps. Quel magnifique spectacle! N'arrêtez jamais. »
L'écho, c'est notre fierté! L'écho, c'est notre identité! L'écho, c'est vous, toi, moi, ma famille, votre famille! L'écho, c'est ma culture, mon patrimoine, mes racines! L'écho, c'est NOUS!
L'écho d'un peuple a besoin de vous la semaine prochaine (les 14, 15 ou 16 août). En effet, nous devons absolument remplir nos gradins, sinon ce sera vraiment la dernière saison de ce formidable spectacle. Donnez-vous la main et venez voir le spectacle en fin de semaine prochaine. Si nous remplissons les gradins, vous pourrez dire que vous aurez peut-être aidé à sauver le spectacle, qui sait peut-être sous une autre forme. Et si vous avez déjà vu le spectacle, alors revenez nous voir. Vous verrez des choses que vous n'aurez probablement pas vu la première fois.
On peut rejoindre la billetterie de L'écho en composant le 1-888-313-ECHO (3246) ou en visitant le site web à [www.echodunpeuple.ca->www.echodunpeuple.ca]
Nicole Charbonneau (comédienne)
L’Écho d'un Peuple
Dur coup pour les Franco-ontariens
Une perte inestimable pour tous les Franco-ontariens
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé