Officiellement, Jean Charest est encore premier ministre, mais à partir de ce matin, le vrai maître du jeu, c'est Mario Dumont.
En fait, le chef de l'ADQ peut déjà commander ses cartes d'affaires avec le titre " premier ministre " tellement les astres qui viennent de s'aligner devant lui le guident directement vers le pouvoir. Les astres, parfois, trompent le voyageur, mais Mario Dumont a démontré dans cette campagne historique qu'il est bien en selle et qu'il sait tenir le cap.
Surtout qu'avec ce résultat, M. Charest n'en a peut-être plus pour très longtemps en politique. Et André Boisclair encore moins.
Vaudrait mieux que les Québécois n'aient pas peur du vide parce qu'ils se sont concocté hier soir un scénario capable de donner le vertige à un pilote de chasse. Un premier ministre à la tête d'un gouvernement minoritaire faible (et qui devra peut-être lui trouver un remplaçant sous peu) et la balance du pouvoir à un Parti québécois déplumé dirigé par un chef en sursis. Bonjour l'ambiance, on ne va pas s'ennuyer à Québec au cours des prochains mois.
Avec une campagne difficile, surtout à la fin, on entendait déjà des grondements de mécontentement dans les rangs libéraux. Cela ne fera que s'amplifier. On lui reprochera, d'abord, de ne pas avoir été capable de décrocher une seconde majorité d'affilée, une première en 40 ans pour un gouvernement sortant au Québec.
On critiquera aussi sa stratégie de campagne, notamment de l'axer sur le thème de la continuité, et même le moment choisi pour se lancer en campagne, alors que rien ne pressait.
André Boisclair n'est pas en meilleure santé politique. Il est maintenant atteint du syndrome de John Kerry, à qui le Parti démocrate n'a jamais pardonné de ne pas avoir battu le président le plus impopulaire de l'histoire des États-Unis.
Non seulement André Boisclair n'a-t-il pas battu Jean Charest, mais il ne l'a même pas chauffé, conduisant son parti au troisième rang, une première pour le PQ depuis 1973.
On risque donc de se retrouver pendant la prochaine année, peut-être même pendant les 18 prochains mois, dans une situation inimaginable : c'est le Parti québécois, avec la balance du pouvoir, qui pourrait faire survivre le gouvernement minoritaire de Jean Charest. Ce gouvernement survivra au moins le temps qu'il faudra au Parti québécois pour retomber sur ses pattes, ce qui ne se fera pas du jour au lendemain et, surtout, pas sans heurts, considérant l'habitude des péquistes de trucider leur chef.
Pour Mario Dumont, dont on a maintes fois écrit l'avis de décès politique, ce résultat représente au contraire la situation rêvée. Même au-delà de ses rêves les plus fous.
Il n'était pas prêt (son parti, du moins) à prendre le pouvoir, mais il pourra évoluer beaucoup plus à l'aise comme chef de l'opposition. De plus, il pourra garder un oeil sur tous ses nouveaux députés qu'il ne connaît pas et les astreindre à une discipline de caucus à la Stephen Harper le temps qu'ils apprennent les rudiments de la politique et du parlementarisme.
De plus, et c'est là le plus beau, on se bousculera dorénavant à sa porte pour se présenter sous la bannière adéquiste, en particulier dans les circonscriptions où le parti a terminé deuxième.
À partir de ce matin, l'argent va également entrer. Dans l'opposition, il aura aussi le temps d'adoucir un programme politique aux aspérités encore trop nombreuses et de peaufiner des propositions en santé, pour les finances publiques, pour les villes, pour les régions, pour la famille.
Non, bien sûr, personne n'avait vu venir le tsunami adéquiste. Pourtant, c'est facile à dire maintenant, mais les sondages portaient en eux tous les germes de l'incroyable résultat auquel on a assisté hier.
Les Québécois, tous les coups de sonde l'ont démontré, aiment Mario Dumont, mais pas assez pour lui confier le pouvoir. Ils voulaient un gouvernement minoritaire, ils l'ont eu. Ils voulaient Mario Dumont dans l'opposition, voilà, c'est fait. Ils n'aimaient pas particulièrement Jean Charest, on a vu ça dans Sherbrooke. Mais les électeurs considéraient que le chef libéral avait la meilleure équipe et qu'il était le plus apte à diriger le Québec. Enfin, les Québécois voulaient un changement de gouvernement, mais la solution de rechange classique, le Parti québécois, ne leur convenait pas. Ils n'ont pas changé de gouvernement, du moins pas hier soir, mais ils ont mis en place tous les éléments pour y arriver la prochaine fois.
L'électeur québécois est vraiment une créature électorale fascinante. On dit souvent qu'il est urgent de réformer notre mode de scrutin, mais au fond, les électeurs du Québec viennent de démontrer une fois de plus qu'ils font exactement ce qu'ils veulent avec ce système. Pour le meilleur ou pour le pire, il est vrai, parce que le résultat d'hier soir n'est pas exactement ce que l'on pourrait appeler un gage de stabilité. Cela dit, la Terre va continuer de tourner, les hirondelles sont sur le point de revenir et les affaires de l'État continueront normalement.
À partir de ce matin, tout risque en effet de débouler rapidement. Un grand jeu de dominos se met maintenant en branle. Avec des conséquences imprévues.
Le premier effet domino de cette élection surprenante : que fera maintenant Stephen Harper? Les premiers signaux d'Ottawa indiquaient hier soir qu'il pourrait être tenté d'appuyer sur l'accélérateur électoral, de profiter de la faiblesse du Bloc et des libéraux et de passer tout de suite derrière Mario Dumont pour profiter du temps des récoltes conservatrices. On parle même d'un déclenchement à la mi-avril...
Pour joindre notre chroniqueur :vincent.marissal@lapresse.ca
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé