La ministre de l'Immigration, Kathleen Weil, pouvait difficilement mieux tomber, jeudi, en annonçant une vaste consultation sur la discrimination systémique et le racisme à compter de septembre prochain.
L'annonce de Mme Weil coïncidait avec l'apparition d'une affiche proclamant «Saguenay ville blanche» au cimetière de Saguenay, à Saint-Honoré, et d'autocollants anti-immigration à Sherbrooke.
«Tous ces gestes haineux sont inacceptables dans une société, a déclaré Mme Weil en marge de son annonce à Montréal. C'est blessant. Moi ça me touche profondément.»
La ministre a ajouté que les corps policiers doivent agir avec force et détermination contre ceux qui encouragent les discours haineux.
Cependant, le Service de police de Sherbrooke n'interviendra pas dans ce dossier puisque les messages sur les autocollants sont surtout de nature politique.
«On ne peut pas dire que c'est un contenu criminel, donc il n'y aura pas d'enquête déployée avec ça», a indiqué l'agent Samuel Ducharme en entrevue avec La Presse canadienne.
«S'il y a des crimes haineux qui sont commis, on va certainement prendre action et procéder aux arrestations», a-t-il précisé, avertissant tout de même au passage qu'il y a des caméras dans les secteurs qui ont été ciblés et que des constats d'infraction pourraient être émis dans l'avenir en invoquant les règlements municipaux sur l'affichage.
À Saint-Honoré, c'est le maire de l'endroit, Bruno Tremblay, qui a lui-même retiré l'affiche offensante qui avait été placée par-dessus celle du Cimetière Saguenay.
En entrevue avec le journal Le Quotidien, de Saguenay, M. Tremblay s'est dit «choqué» par le geste qu'il a qualifié d'«inacceptable», faisant valoir que ce cimetière accueille déjà les dépouilles de personnes de confessions multiples.
Lundi dernier, l'Association islamique du Saguenay-Lac-Saint-Jean annonçait qu'elle réactiverait le projet de cimetière musulman qui avait été élaboré il y a deux ans à l'intérieur des limites de ce cimetière catholique.
Ce n'est pas la première fois que l'inscription «Saguenay ville blanche» est placée bien en vue dans la ville: quelques affiches portant le même message avaient été fixées à l'été de 2014.
Pour le professeur André Gagné, spécialiste en radicalisation au département d'études théologiques de l'Université Concordia, ces gestes sont «l'expression d'un malaise» face à l'islam.
«C'est présent depuis plusieurs années, mais ça semble maintenant se manifester davantage», note-t-il, déplorant «la tendance pour les gens de faire cet amalgame entre ce que des djihadistes font et ce que les musulmans peuvent être».
Et cette tendance, basée sur une incompréhension de l'islam, sert particulièrement les extrémistes. «On a des individus, des groupes, qu'on peut qualifier d'extrême droite, qui jouent sur la peur de certaines personnes, qui est une peur de l'inconnu et aussi une peur au plan identitaire», dit-il.
Il rappelle qu'il y a pourtant davantage de points de convergence que de divergence entre la tradition judéo-chrétienne et l'islam, une des trois religions monothéistes qui se rattache autant au judaïsme qu'au christianisme, qui a les mêmes figures et que, malgré des différences, on y retrouve à peu près les mêmes principes et les mêmes commandements.
Surtout, il fait valoir que les petits groupes d'extrême droite reçoivent beaucoup d'attention bien que le le phénomène ne soit pas généralisé, comme le démontre «le très grand élan de solidarité qu'on a vu à travers toute la province après les événements tragiques du mois de janvier», faisant ainsi référence à l'attentat du 29 janvier au Centre culturel islamique de Québec qui a fait six morts et huit blessés.
Consultations: «un exercice ouvert, démocratique, utile et nécessaire»
Le professeur Gagné applaudit par ailleurs la démarche du gouvernement en matière de lutte contre le racisme et la discrimination systémique.
«Ce n'est pas une mauvaise idée pour le gouvernement d'investiguer ce qui se passe au niveau de l'éducation, de la santé et d'autres domaines pour voir s'il y a cette chose que l'on appelle le racisme systémique et, si c'est le cas, de faire des recommandations pour éradiquer le problème», dit-il.
«Il faut qu'il y ait un dialogue. La meilleure manière de se comprendre, de vivre ensemble et de mieux apprendre à apprécier l'autre, c'est de dialoguer.»
Les consultations annoncées par Mme Weil seront pilotées par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJQ), avec l'objectif de «proposer des solutions concrètes et durables (...) pour combattre ces problématiques».
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