Deux mots pièges

Ee51aab1d130687f21ce41280e1d7a92

La soumission de la démocratie aux élites post-nationales favorise la montée du populisme

J’ai parfois l’impression d’habiter une tour de Babel post-biblique. Ce n’est pas l’existence de langues multiples qui rend fou en 2017 – merci Google Translate –, mais le sens différent que chacun aime attribuer, au gré de ses opinions, informées ou pas, à des termes qui devraient normalement signifier la même chose pour tous.


Bonjour l’anarchie.


Démocratie


Simple en apparence, « démocratie » n’a pas le même sens pour les penseurs du libéralisme (selon la définition de Larousse : « attitude de compréhension qui pousse à la tolérance ») que pour des groupes comme La Meute qui croient que la démocratie garantit à la majorité un pouvoir politique et moral absolu, incluant celui de restreindre les droits fondamentaux des minorités.


Erreur.


Albert Camus, faisant écho à Alexander Hamilton, un des Pères fondateurs des États-Unis, écrivait : « La démocratie ce n’est pas la loi de la majorité, mais la protection des minorités. » Sauf qu’aujourd’hui, l’hyper individualisme porte tout un chacun à se croire membre d’une « minorité opprimée ».


Nous ne sommes pas sortis de l’auberge... démocratique.


Pour compliquer les choses, il existe plusieurs types de démocraties. La démocratie directe, dont rêvent les anarchistes, les communistes et Québec solidaire, a été inventée par les Grecs de l’Antiquité quand les « citoyens », c’est-à-dire les notables de sexe masculin, votaient les lois à main levée. Directe oui, mais limitée.


Le Québec a goûté aux joies de la démocratie directe favorisée par la CLASSÉ pendant la crise étudiante. On se rappellera que Gabriel Nadeau-Dubois ne pouvait dénoncer la violence sans demander la permission aux membres lors d’interminables réunions chaotiques et de votes à main levée greffés de tactiques d’intimidation.


La démocratie représentative tant critiquée, la nôtre, donne à chaque adulte le droit de choisir ses représentants au gouvernement. La Constitution, l’opposition, les médias, les commissions d’enquête, les tribunaux, les syndicats, les lobbyistes et les groupes citoyens servent de garde-fou au gouvernement.


De plus en plus de gens cependant croient que la démocratie des élus ne mérite plus sa place au panthéon des systèmes politiques, mais sont incapables d’en décrire un meilleur, surtout s’ils doivent tenir compte des exigences de la réalité.


Chose certaine, la démocratie n’est pas le père Noël. Son rôle n’est pas d’accorder, sur demande, tout ce que la majorité veut, quand elle le veut, à n’importe quel prix et sur le dos de n’importe qui.


Populisme


Qu’en est-il de « populisme » ? La solution pour certains, une abomination pour d’autres. L’idéologie populiste croit que « l’élite » — politiciens, professionnels, etc. — ne veille qu’à ses intérêts. Comme si être membre du peuple conférait une sagesse innée, comme dans les publicités de saucisses à hot-dog, « plus de gens en mangent, etc. »


Ce n’est pas parce qu’un nombre substantiel de gens dits « du peuple » croient que la vaccination cause l’autisme que c’est vrai et que les scientifiques ont tort parce qu’ils font partie de l’élite.


Même chose en politique.


J’ai choisi ces deux mots pièges, car je crains pour la santé de nos démocraties libérales. Menacée par un populisme exacerbé qui se nourrit de l’intolérance pour prendre le dessus sur les revendications légitimes des peuples, la démocratie sera sur mon radar en 2018.