Le Parti prétendument républicain devrait se rebaptiser Tea Party. En effet, à la faveur du psychodrame qui se poursuit sur fond de dette abyssale, les membres de ce mouvement aussi tonitruant que fanatique ont pris le dessus sur les dirigeants de cette formation. Résultat: la gestion de ce dossier délicat entre tous et à l'énorme portée est empreinte d'irresponsabilité. Quoi d'autre? La volonté de détruire.
Le président Obama souhaitait tellement que la solution au dilemme que pose l'état des finances publiques transcende les lignes de parti qu'il a additionné concession sur concession. En un mot, le plan articulé par son administration et les élus démocrates était fait de compressions dans les programmes sociaux sans que celles-ci s'accompagnent de mesures propres à augmenter les revenus. Pour reprendre l'expression employée par des chroniqueurs républicains, on pense notamment à Bruce Bartlett, ancien conseiller de Ronald Reagan et de Bush père, les démocrates et le premier d'entre eux ont peaufiné en fait un plan... républicain!
En échange de ses concessions, le chef de l'exécutif américain caressait l'espoir qu'on le laisserait tranquille sur le front du plafond de la dette. Plus précisément, il aspirait à ce que les républicains acceptent un relèvement du plafond de la dette suffisamment élevé pour ne pas polluer les débats lors de la prochaine présidentielle. Et qu'ont fait ses adversaires? Sous l'impulsion des élus relayant et défendant des idées propres à ramener le pays au XIXe siècle, soit celles du Tea Party, ils s'y opposent violemment en proposant deux, voire possiblement trois relèvements.
Pour illustrer combien leur posture sur cet aspect du dossier se confond avec le fanatisme, on rappellera tout d'abord que l'exercice du relèvement de plafond est en fait une formalité technique banale, donc courante. À preuve, l'inventaire qui suit: Reagan l'a haussé à 18 reprises, Bush père, à neuf reprises, Clinton, six fois, Bush fils, six fois et Obama, à trois reprises, sans que les siens, c'est à souligner mille fois plutôt qu'une, aient été le sujet de discussions musclées. Autrement dit, contrairement à ce qui se passe aujourd'hui, aucun de ces relèvements n'a fait les manchettes des journaux.
S'il en va aujourd'hui ainsi comme il en allait hier et avant-hier, c'est tout bonnement, tout simplement, parce que tout président démocrate est considéré comme un président illégitime. Un président qu'il faut donc abattre en bandant au maximum les muscles de la discorde. Cette culture de l'hostilité tous azimuts, les républicains l'ont portée à un tel niveau d'absolu qu'ils révèlent combien ils sont à la fois dans le déni de réalité et dans l'irresponsabilité. Pour s'en convaincre, alignons certains chiffres.
Ceux que Bartlett, qui fut, on le répète, conseiller de Reagan et Bush, jamais suspects de déviance gauchiste, vient de décliner dans un article paru cette semaine dans le New York Times. Tenez-vous bien: la part des taxes fédérales dans le PIB des États-Unis d'Amérique est de 14,8 %. L'an dernier, elle fut de 14,4 % du PIB, soit le plus bas depuis... 1950! Cela fait donc des générations que les impôts n'ont jamais été aussi bas. Ce n'est pas tout. On l'a oublié, mais la raison majeure évoquée par Bush fils pour diminuer les impôts était qu'il fallait mettre la hache dans la politique de surplus budgétaire instaurée par Clinton. Il a donc multiplié les cadeaux fiscaux en 2001, 2002, 2003, 2004 et 2006. Et alors? Selon les calculs de Bartlett, les réductions commandées par Bush ont ajouté plus de trois mille milliards dans la colonne des dettes. Pire, elles représentent près de 30 % de la détérioration fiscale des États-Unis... 30 %!
Ce déni des réalités, cette négation de la rationalité la plus élémentaire, cette contradiction de la logique, les républicains, et surtout les ténors du Tea Party, dont bien d'entre eux croulent sous les dettes d'après une enquête de CNN, l'ont poussé jusqu'à affirmer qu'il n'y aura pas de défaut de paiement le 2 août prochain puisque le gouvernement sait où se trouve l'argent, puisque le gouvernement possède de l'argent, et que sur ce dossier il ment sur toute la ligne. La grande majorité des économistes ainsi que les agences de notation ont multiplié les mises en garde, des gouvernements étrangers ont exprimé leur inquiétude, mais... Au fond, la conclusion appartient à Winston Churchill: «Les Américains posent toujours le bon geste, mais seulement après avoir épuisé toutes les autres possibilités.» Il ne reste plus qu'à savoir quand ils les auront épuisées.
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