Auteur du pire attentat commis en sol norvégien depuis la Deuxième Guerre mondiale, Anders Behring Breivik est le sujet d'explications empruntant un peu trop au bazar de la «psycho pop». En attendant le diagnostic de «psys» patentés, une chose est certaine: il est surtout le produit d'un mouvement de plus en plus dangereux logeant à l'enseigne du nazisme et du fanatisme chrétien.
Dans un rapport publié en 2010 et consacré à la sécurité publique en Europe, Interpol soulignait que «l'activisme d'extrême droite était en déclin» sauf que la «professionnalisation de la propagande et de l'organisation des groupes extrémistes», qu'a favorisé le développement de la quincaillerie informatique et sa cohorte de réseaux dits sociaux, «dénote leur volonté de diffuser leur idéologie et constitue toujours une menace pour les États membres de l'Union européenne». D'autant plus que l'essor, toujours sur Internet, de la haine de l'autre et le cocktail idéologique que cela suppose, sans oublier les recettes détaillant comment fabriquer une bombe, ont produit une nouvelle réalité: il n'est plus obligatoire d'appartenir à un groupuscule pour commettre un attentat d'envergure.
Le cas Breivik a ceci d'éloquent que celui-ci a traduit dans les faits la théorisation du «loup solitaire» développée par un suprématiste blanc et américain en 1974 qui s'appelait Joseph Tommasi. En substance, ce dernier expliquait que le terrorisme individuel avait pour énorme avantage la réduction à néant de la trahison et la soustraction absolue de ces liens entre personnes pouvant être décelés par la police. Dans le cas qui nous occupe aujourd'hui, il faut souligner deux fois plutôt qu'une qu'il présente de nombreuses similitudes avec le massacre perpétré en 1995 par un autre loup plus ou moins solitaire à Oklahoma City: Timothy McVeigh.
Du mode opératoire choisi par ce dernier, le Norvégien s'est énormément inspiré. En fait, les deux ont puisé dans un autre écrit signé, également dans les années 70, par un autre suprématiste blanc et acolyte de Tommasi. Son nom? William Pierce. Dans un récit intitulé Turner Diaries, Pierce explique qu'il est impérieux de s'en prendre à tout ce qui ressemble de près ou de loin à l'État parce que coupable d'être le fer de lance d'une cinquième colonne vouée à la destruction de l'Occident chrétien. Il déclinait même le cocktail chimique que Breivik et McVeigh ont appliqué.
Le pire dans cette histoire et que bien des aspects, bien des vices idéologiques développés par le duo Pierce-Tommassi ont été repris, alimentés et augmentés par une légion de fondamentalistes chrétiens qui polluent les ondes du centre et du sud des États-Unis avec leur haine du musulman, de l'homosexuel et des «pro-choix» en matière d'avortement.
Leur montée en puissance a été telle que par le biais du Tea Party, ils ont introduit leurs idées au coeur du Parti républicain. Pour s'en convaincre, il suffit de prêter l'oreille aux élucubrations de Michele Bachman et Sarah Palin, figures de proue de ce mouvement.
Ainsi qu'en témoignent des extraits de son essai long de 1500 pages, Breivik a forgé son corpus idéologique en reprenant les saillies raciales des chrétiens américains, mais également des nazis européens d'aujourd'hui qui, là encore, usent à fond d'Internet comme caisse de résonance de leur haine prononcée pour le musulman.
Tous les groupuscules du Vieux Continent ayant une nostalgie certaine pour le régime hitlérien ont la certitude, tenez-vous bien, que les gouvernements actuels et les dirigeants musulmans ont conclu un pacte: l'émergence à moyen terme de l'Eurabia, soit une Europe administrée de La Mecque.
Cela étant, le geste posé par Breivik a ceci de très inquiétant qu'il est un écho, ne serait-ce que partiel, à la flopée de partis conservateurs et nationalistes qui ont fait leur entrée dans un nombre impressionnant de Parlements européens au cours des dernières années. Tous ces élus surfent sur la haine de l'État, tous s'avèrent des marchands de haine de l'immigrant en général et du musulman en particulier, tous affichent leur inclination pour des idéologies de l'entre-deux-guerres. Ce qui vient de se passer à Oslo et dans ses environs n'est pas un fait strictement norvégien, mais bien le reflet, si l'on peut dire, d'une Europe qui, sous les coups de boutoir du nationalisme, a laissé ses vieux démons resurgir.
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